Journal du Net > Management >  Communication de crise : Pascal Ragot
INTERVIEW
 
janvier 2005

Pascal Ragot (consultant)
Il faut être à l'origine de la boucle d'information

Les spécialistes de la communication de crise ne conseillent ni la politique de l'autruche, trop passive, ni le jeu de fond de cours, trop attentiste.
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Rapidité, franchise, engagement. Pascal Ragot pourrait adopter cette devise. Pour ce spécialiste de la communication de crise, intervenu pour l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), Pionner, Whirlpool, la Fondation orphelins apprentis d'Auteuil ou encore Metaleurop, les communications de crise réussies sont en général celles dont on se souvient le moins.

Qu'est-ce que la communication de crise ?
Pascal Ragot. Les crises n'existent que par l'intermédiaire des médias. Le management consiste à régler les problèmes dans l'entreprise. Les dirigeants sont payés cher pour cela. Si le problème reste en interne, ce n'est pas une crise. La crise se déclare avec le reflet médiatique, qui provoque une accélération de tous les paramètres. En cas de crise, il ne faut plus raisonner en jours, ni en heures, mais en minutes. La capacité à résister fera la différence. Pour cela, il faut bien se préparer. Sans préparation, l'entreprise ne tient pas le coup. Les entreprises génèrent en fait leurs propres crises.

Les entreprises françaises savent-elles se préparer aux crises ?
Aux Etats-Unis, la préparation est plus fréquente et plus poussée. En Europe, peu d'entreprises se préparent aux crises, y compris les grandes. Il y a tout de même eu des progrès. Certaines entreprises réalisent des simulations de crise pour tester la qualité d'une préparation. Il s'agit de scénarios très détaillés d'une demi-journée à une journée. Le management sait qu'une simulation a lieu, mais il ne sait pas ce qui va se passer. Les dirigeants vivent souvent dans l'illusion d'une bonne préparation. Mais on se rend compte que beaucoup de cellules de crise ne tiennent pas debout. Dans le secteur de l'agroalimentaire, où les risques sont énormes, un groupe n'a pas résisté une demi-heure au test.

Pourriez-vous donner un exemple de communication de crise réussie ?
Si l'entreprise est bien préparée, elle évite justement la crise. Par exemple, EDF a bien réagi ces derniers temps au sujet de la centrale de Golfech. (Ndlr : un échappement de vapeur a eu lieu le 16 janvier dernier au sein de la centrale de nucléaire de Golfech, dans le Tarn-et-Garonne)


Dire la vérité peut même valoriser son image"

Quand faut-il réagir en cas de crise ?
Il faut réagir immédiatement. Par exemple, il était irréaliste de penser que des fongicides à base de phénol aient pu contaminer des cannettes de Coca Cola. Si l'entreprise avait réagi dans la minute, elle n'aurait pas connu une telle crise. De même, l'été dernier, la crise liée aux insecticides Régent et Gaucho, accusés d'être responsables de la surmortalité des abeilles, n'aurait pas eu lieu si la direction était intervenu immédiatement.

En cas de responsabilité réelle de l'entreprise, que faut-il faire ?
L'avouer tout de suite. La vérité doit être la règle, c'est la seule solution. Les médias trouvent toujours ce qu'il faut trouver. Lorsque mes clients fermaient des usines, j'ai immédiatement dit la vérité à la presse et à l'administration. J'ai aussi dit que nous nous engagions à ce que personne ne reste sur la touche. Il faut ensuite tenir ses engagements. Dire la vérité peut même valoriser son image.

Dans votre profession, tout le monde ne partage pas cet avis...
Je m'en fiche de ce que pensent les autres. Il m'est arrivé de refuser un client qui voulait mentir. Je ne peux gérer une crise que si le dirigeant choisit la franchise et s'engage sur des objectifs.

Mais les dirigeants ont aussi des intérêts personnels…
Cela constitue effectivement un frein. Le cas Metaleurop a provoqué un scandale médiatique car le dirigeant a toujours refusé de dire la vérité, pour des raisons personnelles. En réalité, ce n'était pas la maison mère qui a fermé sa filiale du Nord, mais la filiale qui a ruiné la maison mère.


Ce qui compte, c'est l'AFP et Reuters"

Quelle communication de crise estimez-vous avoir particulièrement réussie ?
J'ai travaillé pour les Orphelins apprentis d'Auteuil. Il s'agit d'une fondation religieuse qui prend en charge des jeunes en difficulté. La Fondation employait encore quelques prêtres. En 2001, la police a découvert un cas de pédophilie. Au lieu de cacher ce fait, nous avons nous-mêmes révélé l'affaire. Cela nous a permis d'expliquer que la Fondation avait mis en place un système de prévention pour éviter ce type de problème. Les actes pédophiles s'étaient d'ailleurs passés en-dehors des murs. Nous avons aussi mis en place un dispositif pour donner un soutien psychologique aux victimes et les aider financièrement à porter plainte. Nous avons organisé une conférence de presse avec la télévision, la radio et la presse, pour montrer que nous maîtrisions la situation. Nous avons même été félicités par les ministères.

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Internet a-t-il changé la donne ?
Tout le monde dit qu'Internet permet d'intervenir rapidement. Pour moi, il s'agit d'une version moderne du café du commerce. Ce qui compte, c'est l'AFP et Reuters. Avec comme levier, la rapidité. Il faut tout faire pour être à l'origine de la boucle d'information et ne jamais jouer la défense. Il faut aussi garder le même discours avec toutes ses cibles : autorités, réseaux de vente, médias, salariés…

Parcours
Pascal Ragot est un spécialiste de la gestion de crise et du mediatraining. Il a plus de vingt ans d'expérience, acquise principalement au sein de grands groupes de communication. Ses récentes interventions ont été réalisées au profit de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), Pionner, Whirlpool, la Fondation orphelins apprentis d'Auteuil ou encore Metaleurop.

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