Parité :
des femmes témoignent
"Ne pas sacrifier la famille"
Elle habite à La Haye aux Pays-Bas, a 37 ans,
et travaille comme responsable commerciale Europe dans
une petite entreprise de six personnes. Alexandrine Cheronet a deux filles de 16 et 2
ans. Elle dénonçe la situation des mères
qui souhaitent travailler aux Pays-Bas, où le système d'assistante maternelle reste, selon elle, "très flou".
Vie
professionnelle, vie personnelle : comment vous organisez-vous
?
Alexandrine Cheronet. Je travaille
à plein temps ainsi que mon mari. Notre fille aînée va
à l'école toute seule et la petite est à la crèche toute
la journée. Une personne vient faire le ménage deux fois
par semaine. Mon mari est un fin cuisinier qui adore nous
faire des petits plats. Il fait donc la cuisine quasiment
tous les jours. Je m'occupe du linge.
Quelle
est la situation des femmes qui travaillent aux Pays-Bas
?
Le système de garde d'enfants n'est pas très développé.
Dès qu'une femme a des enfants, il est très commun
qu'elle travaille à mi-temps, si elle ne s'arrête pas complètement.
D'ailleurs, la pression sociale n'encourage pas du tout
les mères de famille à travailler à plein temps. Les places
en crèche sont peu nombreuses et le système d'assistante
maternelle très flou. Les enfants en âge scolaire, à partir
de quatre ans, ont des horaires impossibles à caler avec
un plein temps, puisque l'école s'arrête ici
en début d'après-midi. Une baby-sitter ou une jeune fille
au pair est donc indispensable pour faire le relais. En
ce qui concerne la mentalité des employeurs, ils sont en
général très "décontractés" par rapport aux problèmes de
retards ou d'absences dûs aux enfants.
Quelle
est la situation des femmes dans votre entreprise ?
Actuellement, je suis la seule femme sur six employés.
L'année dernière, je travaillais pour une société plus grande de 80 employés, et les femmes mères de famille travaillaient
à mi-temps.
J'etais la seule à plein temps. Mais une fois de
plus, mes employeurs n'ont jamais fait de remarque.
Quels
obstacles rencontrez-vous dans votre vie professionnelle
?
Dans ma fonction, je dois voyager entre 25 et 40 %
de mon temps.
D'autre part je travaille pour une petite structure où il
n'y a pas vraiment d'horaire. Le plus dur est de pouvoir
s'organiser lorsqu'un enfant est malade. Mon mari est complètement
impliqué. Au début de ma carrière, c'était plus difficile :
je voulais réussir aussi bien ma vie professionnelle que
donner du temps à ma première fille et je n'envisageais
pas de pouvoir partager cette dernière partie. Si je restais
à la maison, je culpabilisais de négliger ma carrière
et si je faisais des heures sup je culpabilisais de négliger
ma famille. Or, lorsque je travaillais en France, il était
quasiment impossible d'éviter les heures sup ! Aujourd'hui,
ce n'est plus un problème pour moi. J'ai fait mes preuves
en quelques sortes. Mes obstacles sont identiques à
toute femme active.
Quels
sont les plus durs à lever ?
Le plus difficile est de parvenir à trouver
son équilibre entre sa passion pour son travail et sa
famille, sachant qu'en tant que mère de famille, il y aura
des sacrifices à faire inévitablement. Dans mon cas, je
peux travailler à la maison quand je veux, en théorie. Mais
passer un coup de fil à un client quand vous
êtes avec vos enfants, ce n'est pas simple...
Avez-vous
arrêté de travailler pendant une période ? Comment s'est
passé votre retour à la vie active ?
J'ai arrêté, mais involontairement. Suite à un déménagement,
je n'ai pas réussi à trouver du travail dans le secteur
que je souhaitais. Pendant six mois, je me suis occupée
de ma fille un peu plus, tout en cherchant à retourner dans
la vie active au plus vite. J'ai repris à peu près
à zéro avec un travail de commerciale terrain sans
grand rapport avec ma formation d'ingénieure chimiste.
Aujourd'hui je ne regrette pas du tout : ce changement
a été très formateur pour moi et m'a ouvert beaucoup de
portes par la suite.
Quelles
solutions peut-on apporter aux inégalités entre femmes et
hommes dans la vie professionnelle ?
D'une part, je pense que les entreprises devraient être
plus honnêtes avec les absences des hommes et des femmes.
Il est possible, par exemple, qu'il y ait trop d'absences
de "mères de famille". Dans ce cas, il faut se demander
pourquoi elles préfèrent rester à la maison plutôt que d'essayer
de prendre une baby-sitter de temps en temps. Il faut aussi
être plus respectueux du choix de chacun : les femmes sont
les seules à porter les bébés, à les mettre au monde. C'est
un travail formidable mais prenant
acceptons-le ! Enfin,
il faut plus de systèmes de garderies fiables.
Que
conseillez-vous aux femmes qui souhaitent évoluer dans l'entreprise ?
Soyez prêtes à faire des sacrifices !!! Mais ne sacrifiez
pas votre famille, c'est votre seule valeur sûre ! Si vous
avez des problèmes d'organisation, parlez-en à votre employeur.
Cela doit être temporaire, et donc ne pas être un handicap.
Votre employeur doit pouvoir le comprendre. Si c'est trop
difficile d'en parler, changez d'employeur
Vous ne serez
jamais épanouie dans cette fonction.
Un
témoignage, une question, un commentaire sur ce dossier ?
Réagissez
|