DOSSIER 
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photographique
du Premier
ministre

Nicole Ameline (ministre de la Parité et de l'Egalité professionnelle)
"L'égalité doit être une culture"

Chercher à convaincre plus qu'à contraindre. Telle est la méthode employée par la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle.
(mai 2004)

Signature d'un accord national interprofessionnel, projet d'un label égalité et constitution d'un répertoire de bonnes pratiques... Nicole Ameline, ministre de la Parité et de l'Egalité professionnelle, a clairement fait le choix de l'incitation et non de l'obligation. Elle l'a rappelé le 30 avril dernier, lors d'une rencontre sur la parité et l'égalité professionnelle organisée par Ineum Consulting.

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Quel panorama dressez-vous de la situation des femmes cadres aujourd'hui en France ? A l'étranger ?
Nicole Ameline. Cette situation est évidemment contrastée, la profession de cadre étant elle-même hétérogène. Les femmes ont désormais investi l'ensemble des professions, mais de manière très inégale. Selon une étude menée en 2003 par Grandes écoles au féminin et Accenture sur 54 sociétés françaises, elles représentaient 30 % des effectifs cadres. Dans la fonction publique, on constate par exemple une féminisation très importante de la magistrature ou du corps enseignant ; en revanche, la très haute fonction publique reste très masculinisée, comme en témoigne le faible nombre de femmes directrices d'administration centrale. Dans le secteur privé, trente ans après l'ouverture des grandes écoles scientifiques aux femmes, on observe une surreprésentation des hommes dans les professions techniques supérieurs (ingénieurs), une spécialisation des femmes dans des missions de logistique (ressources humaines, administration…) et, de ce fait, une sous-représentation dans les missions considérées comme stratégiques (développement produits, finances…). Les femmes sont à la fois confrontées au "plafond de verre" et aux "parois de verre". Elles occupent une faible part des postes de décision.

Quels sont les principaux freins à l'évolution des femmes dans l'entreprise ?
Ces freins sont nombreux. L'orientation scolaire et professionnelle joue tout d'abord un rôle important dans la constitution du vivier. Il y a ensuite des stéréotypes sur les compétences supposées des femmes, et leur adéquation aux métiers de l'entreprise. Les femmes sont cantonnées dans des parcours qui les empêchent d'accéder aux postes du haut management. L'entreprise est trop souvent un club d'hommes qui se cooptent… Enfin, il y a encore trop de préjugés liés à la maternité et à une moindre mobilité supposée des femmes, en raison des charges de famille encore trop lourdes. Je crois qu'il faut ici changer totalement notre approche.

Les difficultés rencontrées par les femmes dans leur vie professionnelle vous semblent-t-elles liées à une culture, balayée progressivement au fil des générations ?
J'aime citer cette phrase de Tocqueville : "Chaque génération est un peuple nouveau". Il est évident que les jeunes générations ont une appréhension différente du sujet. Cependant, cela reste insuffisant. J'observe qu'il a fallu une révision constitutionnelle, dans le domaine de la parité politique, pour faire évoluer les choses ! Depuis deux ans, j'essaie ainsi de bâtir, avec l'ensemble des acteurs économiques et sociaux, une véritable politique d'égalité professionnelle, qui aille au-delà du constat pour réellement avancer et qui permette de réunir le dynamisme économique et l'innovation sociale. C'est la grandeur de la politique de préparer et d'anticiper les évolutions de la société.

Un label égalité et un répertoire des bonnes pratiques"

Quelles solutions les entreprises peuvent-elles apporter ?
Je crois que les entreprises ont à bâtir une nouvelle politique de ressources humaines. L'égalité professionnelle n'est pas "le problème des femmes". Elle relève d'une conception nouvelle de l'entreprise, s'inscrivant beaucoup plus largement dans une politique de développement durable. Elles doivent naturellement réfléchir à tous les freins qui bloquent aujourd'hui l'accession des femmes aux postes de décision. Une question clef, désormais reconnue, est leur investissement dans la prise en compte de la parentalité, ce qui signifie une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie familiale.

Pourquoi avez-vous choisi de mener une politique incitative ? Une politique directive ne serait-elle pas plus efficace ?
Depuis 2002, j'ai fait le choix de convaincre plutôt que de contraindre. Le gouvernement n'a pas de solutions préétablies, centralisées et bureaucratiques qu'il voudrait imposer aux entreprises. Il a été démontré que ce système ne fonctionnait pas. En revanche, le gouvernement a cherché à faciliter le dialogue entre les partenaires sociaux. Après la réunion d'une table ronde, en décembre 2002, j'ai tenu à organiser avec eux un déplacement à l'étranger. J'ai fait confiance au dialogue social : un accord national interprofessionnel, adopté à l'unanimité par les partenaires sociaux, a été conclu en mars 2004. Cet accord, le premier depuis quinze ans, sera décliné au niveau des branches et des entreprises. C'est une étape importante. Il convient désormais de l'accompagner et d'encourager toutes les expériences réussies de l'égalité professionnelle. C'est pourquoi j'ai lancé le projet d'un label égalité et la constitution d'un répertoire des bonnes pratiques, en concertation avec les partenaires sociaux. Pour moi, l'égalité doit être une culture, irriguant tous les aspects de la vie professionnelle et de notre société.


Les obstacles les plus difficiles à lever sont invisibles"

Quelles actions peuvent-elles permettre à l'employeur et aux femmes cadres d'envisager la maternité de manière positive ?
Je crois que la maternité ne doit plus être considérée comme un handicap, mais au contraire comme une chance pour l'entreprise. Elle doit comprendre que ses salariés, hommes et femmes, sont aussi des parents. Je souhaite que les périodes de congé de maternité soient neutres, sur le plan des rémunérations de la promotion et de la formation pour les femmes. Il faut donc s'efforcer de parvenir à une meilleure articulation de la vie professionnelle et de la vie familiale. C'est un des éléments clefs d'une politique d'égalité professionnelle. Le gouvernement, en faisant adopter le crédit impôt famille dans le cadre de la loi de finances 2004, a permis de donner aux entreprises l'outil fiscal qui leur manquait jusqu'alors. Je compte moi-même proposer aux partenaires sociaux des mesures importantes pour renforcer l'égalité professionnelle dans les entreprises.

Les femmes pourraient représenter un vivier de compétences face à la pénurie annoncée de cadres. Les progrès en parité seront-ils pour autant durables ?
Il est clair que la nécessité rend intelligent… Le choc démographique de 2006 rend plus que jamais nécessaire, pour des raisons de croissance économique, le travail des femmes, dans les meilleures conditions possibles. Il faut profiter de cette formidable opportunité pour franchir une étape décisive en matière d'égalité professionnelle. Je suis persuadée que les progrès seront alors durables.

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Que conseillez-vous aux femmes qui souhaitent évoluer et assumer des responsabilités dans l'entreprise ?
Je leur conseillerais avant tout de croire en elles. Les obstacles les plus difficiles à lever sont des obstacles invisibles, de nature psychologique. Une femme aura plus tendance qu'un homme à croire qu'elle n'est pas capable de relever tel ou tel défi, à renoncer à tel ou tel poste tout simplement parce que ce poste est supposé demander davantage de présence physique dans l'entreprise. A l'heure des nouvelles technologies, c'est bien à une autre organisation du travail qu'il faut réfléchir.


Parcours

Titulaire d'un doctorat en droit, Nicole Ameline a été secrétaire d'Etat à la décentralisation en 1995, sous le premier gouvernement d'Alain Juppé, où elle a notamment travaillé à la signature du Pacte de stabilité financière entre l'État et les collectivités locales. Nicole Ameline a été secrétaire d'Etat à la mer de mai à juin 2002, sous le premier gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Puis elle a occupé le poste de ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle de juin 2002 à mars 2004. Elle est aujourd'hui ministre à la Parité et à l'Egalité professionnelle. Nicole Ameline est députée de la 4ème circonscription du Calvados depuis le 5 juin 1998.


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Rédaction, Le Journal du Management


   
 
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