Delphine
Manceau (ESCP-EAP)
"Les marques cherchent de plus
en plus le bouche-à-oreille"
Le potentiel du marketing alternatif concerne toutes les
marques, de Nivea à Vespa. Une seule consigne pour réussir :
être créatif. (octobre
2003)
Professeur de marketing à l'ESCP-EAP et coordinatrice pour la France
de l'EMAC (European Marketing Academy), Delphine Manceau est spécialisée
dans le lancement de nouveaux produits. Elle est l'auteur "De
l'idée au marché : innovation et lancement de produits"
(voir notre sélection d'ouvrages),
un guide publié en novembre 2000.
Comment
faire connaître un nouveau produit le plus rapidement possible ?
Delphine Manceau. Il existe deux grands canaux de diffusion
de l'information. Les nouveaux produits se développent soit par
un effet d'innovation médiatisée, c'est-à-dire via une campagne
de communication classique qui met en avant la nouveauté
produit, soit par un effet d'imitation, c'est-à-dire le bouche-à-oreille
ou le mimétisme. Il est possible d'utiliser ces deux concepts
conjointement. Les méthodes alternatives de lancement cherchent
généralement à jouer sur l'imitation.
Quelles sont les méthodes
classiques pour un lancement de produit ?
L'approche intensive est principalement utilisée par les entreprises
ayant beaucoup de moyens et un objectif de notoriété rapide. Il
s'agit de faire comprendre au client en quoi le produit est nouveau
et de lui donner l'occasion de l'essayer. Cela passe donc par la
publicité, le marketing direct, les démonstrations, les essais en
magasin, la distribution d'échantillons, l'animation des points
de vente
Les budgets sont très variables, de plusieurs centaines
milliers d'euros à plusieurs millions d'euros. L'autre approche,
dite progressive, s'appuie principalement sur le bouche-à-oreille,
de client à client ou de vendeur à client. Elle concerne surtout
les entreprises ayant peu de moyens ou des produits tellement innovants
qu'ils ne peuvent être adoptés rapidement.
Quelle est la tendance aujourd'hui
en matière de lancement ?
Les marques cherchent de plus en plus à utiliser le bouche-à-oreille.
Les messages publicitaires sont si nombreux qu'ils perdent en efficacité,
qu'ils se noient. Par ailleurs, le coût des méthodes alternatives
est en général faible.
Et comment utiliser le bouche-à-oreille
?
Pour faire parler de soi, on peut s'insérer dans un bouche-à-oreille
existant, particulièrement grâce à Internet. On peut également créer
un événement pour stimuler la diffusion de l'information, par exemple
par des opérations de street marketing. Ces opérations s'adressent
souvent aux jeunes car il est plus facile d'identifier le moment
où ils se retrouvent. Par exemple le produit Strip Kao, un patch
contre les points noirs de Nivea, s'est développé grâce à la distribution
d'échantillons lors de soirées étudiantes. Les jeunes se sont moqués
du patch mais l'ont porté pour rigoler, créant ainsi un signe de
reconnaissance. Certaines entreprises vont même jusqu'à payer
des gens pour qu'ils parlent de leur produit. A Los Angeles, en
juillet 2001, Vespa a ainsi embauché des personnes pour qu'elles
se réunissent en scooter dans les coins branchés de la ville.
Se faire connaître rapidement, s'attirer
la sympathie des consommateurs, et ceci presque gratuitement
Les
méthodes alternatives en font rêver plus d'un. Quels en sont les
risques ?
Le bouche-à-oreille est un exercice risqué. La multiplication des
propositions ou messages, par exemple sur des forums de discussion,
provoque un effet de lassitude. Pour réussir, il faut donner envie
aux gens de parler du produit. Le message ou le produit doivent
donc être créatifs. Autre risque : le rejet. Au cours d'une opération
de street marketing, la cible peut être agacée par son aspect commercial
et rejeter le produit. C'est aussi le cas sur Internet.
On parle bien plus des produits pour en dire du mal que du bien.
Un effet d'agacement ou de lassitude peut rapidement nuire à l'image
d'un produit.
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