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ENTREPRISE
 
18/01/2006

Nicolas Mazeaud (Asytec)
Ce que l'on pense n'est pas forcément ce que le Chinois a compris.

Travaillant depuis plus de cinq ans en Chine, Nicolas Mazeaud s'est forgé une solide expérience des relations avec les sociétés locales. Visite guidée dans l'univers des affaires.
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A lire, à suivre


Fondée en 2004, Asytec est une société spécialisée dans la sous-traitance industrielle en Chine, un pont entre PME françaises et fournisseurs chinois. Aux commandes de la filiale de Canton, le co-fondateur Nicolas Mazeaud s'est auparavant forgé une expérience de deux ans à Shanghai, en tant que responsable qualité chez Salomon. Il entretient aujourd'hui des relations durables avec plusieurs fournisseurs et continue à prospecter de nouveaux partenariats. Rencontre.

Qu'est-ce qui vous a poussé à vous implanter en Chine ?
Nicolas Mazeaud. Asytec est une idée de Johan Bejeannin, le co-fondateur. Elle lui est venue alors qu'il essayait de se fournir, à grand-peine, en Chine pour le compte de la société qui l'employait. Même aujourd'hui, il est difficile pour une PME d'acheter des composants en Chine sans être sur place, et tenter de le faire uniquement par e-mail ou fax est impossible.

Asytec endosse le rôle d'intermédiaire entre PME et fournisseurs chinois. Comment abordez-vous vos futurs partenaires locaux ?
C'est très long et laborieux de tisser des relations avec un sous-traitant chinois. Il faut se faire présenter par quelqu'un qui le connaît et ne pas perdre de vue que le système de réseau est incontournable en Chine. Il n'est pas ridicule d'échanger sa carte de visite même si la rencontre ne dure que cinq minutes dans un train. En fait, c'est la première chose à faire lorsque l'on rencontre un Chinois.


On peut faire le rapport entre la somme d'argent en jeu et le temps passé à faire connaissance"

Une fois l'échange de cartes de visite effectué, comment se déroule la suite ?
Une négociation comporte deux étapes. Durant la première phase, on perd beaucoup de temps et on apprend à se connaître. Après le rituel des cartes de visite, vient le thé qui dure 30 à 45 minutes et l'échange de banalités avant de mettre le sujet sur le tapis. S'en suit le déjeuner pendant 2h30 et la visite de l'usine l'après-midi, par exemple s'il s'agit d'acheter des pièces plastiques. Le soir, le dîner dure 2h avant d'aller au karaoké toujours avec ses partenaires chinois. C'est une sorte de tradition où les femmes sont rarement conviées. Remarquez qu'à ce stade là, la négociation n'a pas encore commencé ! Ce n'est que le lendemain, ou à l'occasion de la deuxième rencontre, qu'elle prend réellement forme. Et là, il s'agit plus d'une négociation à l'occidentale. On peut généralement faire le rapport entre la somme d'argent en jeu et le temps passé à faire connaissance.

Quelle est la place du contrat dans cette négociation ?
Pour un Chinois la signature du contrat signifie le début d'une relation d'affaires, et pour un Français, elle est considérée comme la fin. C'est souvent source d'erreurs, puisque le Chinois pense cette relation comme évolutive. Dans cette évolution justement, je m'assure que chaque demande ou changement soit écrit, par lettre ou bon de commande. Signé ou pas, ça n'a pas d'importance. Ce qu'il faut, c'est un document écrit. Ce que l'on pense n'est pas forcément ce que le Chinois a compris. Une fois, j'avais demandé qu'une pièce soit faite en bleue au lieu de rouge sans prendre la peine de l'écrire. J'ai eu des pièces rouges...

Dans quelle langue négociez-vous ?
En général, je négocie directement en chinois, mais lorsque le sujet me dépasse j'utilise l'anglais. J'ai déjà eu recours à des traducteurs mais j'en garde un mauvais souvenir. Ils répondent et négocient souvent à votre place, ce qui génère une incompréhension entre les deux parties. C'est une perte de temps.

Comment se compose votre équipe en Chine ?

Nous sommes douze et je suis le seul Français. Les autres membres de l'équipe sont Chinois, mais ils écrivent et lisent l'anglais. Un seul parle la langue de Shakespeare, en revanche. Nous avons choisi cette équipe pour une question de salaires, de coût et de culture.

Selon vous, que vaut un "non" chinois ?
Un Chinois ne dit jamais non, mais le fait comprendre. Soit il ne donne pas de prix, soit un prix trop élevé ou qui ne ressemble à rien. Il ne dira pas non plus s'il ne sait pas faire quelque chose. C'est pourquoi il est indispensable de faire un audit quand cela est possible, mais surtout de visiter l'usine, obtenir la liste des clients et la vérifier.

Et qu'en est-il du "oui" ?
D'après moi, il n'a pas de valeur. Par contre une personne qui vous dit "Je ne suis pas sûre" est franche et s'avère souvent être un futur bon partenaire.


Ce qui nous paraît impossible est toujours possible en Chine"

A quoi faut-il être attentif lors de ces visites ?
En Chine, il y a beaucoup de problèmes de copie. Il faut également faire attention aux conditions de travail qui peuvent être dissimulées. Chaque détail a son importance, par exemple le logo sur la production en cours vous indiquera le nom d'un client. Il faut se poser des questions, essayer de tout voir, même si les portes sont fermées : le nombre de machines qui fonctionnent, les habits des ouvriers, le nombre de travailleurs. Il arrive que ce soit les mêmes que l'on voit sur des machines différentes durant la visite ! Ce qui nous paraît impossible est toujours possible en Chine.

Vous arrive-t-il souvent de rencontrer des problèmes de production chez les fournisseurs? Comment les réglez-vous-?
Dans 70 % des cas, il y a des problèmes de qualité ou de délais à cause de la surcharge de travail. Parfois, le sous-traitant ne sait pas faire ou alors le cahier des charges n'a pas été compris. Il faut donc être sur place pour le suivi. Pour les délais, nous essayons de travailler avec les mêmes fournisseurs pour avoir le statut de gros client et être prioritaire. Quand nous intervenons, nous abordons notre fournisseur de manière très pragmatique. Si tout est payé d'avance, malheureusement il n'y a plus rien à faire. Dans le cas contraire, le fournisseur fera ce qu'il peut, mais il ne remplacera pas les pièces défectueuses. Avant toute chose, un acheteur doit être conscient que tout ne sera pas de bonne qualité et le prévoir dès le début, lors de la négociation, suivant son budget. Ensuite, il ne faut pas tout payer avant réception et surtout s'assurer du contrôle des pièces pendant la fabrication, et le plus tôt possible.

Vous est-il arrivé d'échouer dans une négociation ou dans des relations de travail avec les Chinois ?
Plusieurs fois j'ai fait perdre la face à un Chinois, devant des clients, parce qu'il avait fait une erreur. Nous aurions dû en discuter calmement entre quatre yeux. Je dis calmement car le Chinois ne s'énerve pas et que l'on perd notre crédibilité à ses yeux lorsqu'on s'énerve soi-même. Autre anecdote : pour rencontrer et déjeuner avec un fournisseur, je me déplaçais régulièrement à son usine car c'est moins long qu'un dîner. L'atmosphère s'est dégradée et une certaine gêne s'est installée, bien qu'au niveau technique tout se passait bien. En fait, les Chinois pensaient que je n'étais pas content d'eux alors que c'était faux. Tout s'est débloqué le soir où je suis allé dîner avec eux. Le dîner à plus de force que le déjeuner.

A lire, à suivre

Parcours

Actuellement : Responsable d'Asytec Chine.
Janvier 2004 : Création de societe Asytec SARL, société française spécialisée dans la sous traitance en Chine de composants techniques en plastique ou métal et assemblage de produits finis complets.
D'avril 2002 à janvier 2004 : Responsable des relations avec les sous traitants en Chine du sud pour le compte de Huffy (société américano-canadienne faisant du commerce de produits de sport). En charge des controles qualité, des tests de validations de prototypes et des relations techniques avec les fournisseurs chinois.
De Janvier à Mars 2002 : Etudes de chinois a Pékin (cours intensifs)
Août 2000 : Expatriation à Shanghai pour le compte de Salomon (groupe Adidas-Salomon International Sourcing). Mise en place d'une ligne de production chez un sous traitant et de procédures de contrôle qualité
Auparavant : Usine Salomon en Haute Savoie.
Formation : Ecole Supérieure d'Ingénieurs d'Annecy (ESIA), filière Productique.



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