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ENTREPRISE
 
18/01/2006

Philippe Eyraud (Mixel)
Finance, comptabilité et fiscalité sont problématiques

Le PDG de Mixel raconte comment il s'est implanté en Chine et a dû faire face aux imprévus financiers et aux autorités locales.
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Nicolas Mazeaud (Asytec)

Après un an de démarches, Mixel, entreprise spécialisée dans les études et réalisations de mélangeurs et d'agitateurs en chimie, est l'une des plus petites sociétés industrielles implantées en Chine. Pour son PDG, Philippe Eyraud, il aura fallu pas moins de neuf voyages sur place au cours de l'année 2005 pour boucler son projet, après une quinzaine d'années d'hésitations et de tentatives. Un parcours semé d'embûches dont Philippe Eyraud retrace les grandes lignes.

Qu'est-ce qui vous a décidé à vous implanter en Chine ?
Philippe Eyraud. Mixel entretient des relations commerciales avec la Chine depuis les années 90. Après discussion avec Veolia, notre principal client, nous avons appris que 2005 serait florissante en termes de commandes. Nous leur avons proposé de nous installer en Chine pour construire le matériel sur place. Cela signifiait un coût inférieur pour tous les deux et un service de proximité pour eux. Ils ont tous de suite adhéré à l'idée et j'ai pris la décision de tenter l'aventure en décembre 2004.

Quelles ont été vos démarches pour vous implanter là-bas ?
Il m'a tout d'abord fallu trois mois pour monter un business plan et faire deux voyages de validation financière pour vérifier les coûts d'implantation, loyer, salaires, charges, impôts, transport..., bref, les structures de coût d'une unité de production. Ensuite, j'ai présenté le modèle économique à un banquier français pour validation et accompagnement. En avril, je suis allé sur place pour trouver un bâtiment, une société de recrutement et faire la tournée de mes contacts, aussi bien clients que partenaires ou avocats chinois, qui sont les relais de mes avocats français.

Comment avez-vous trouvé le site d'implantation de votre usine ?
A la suite d'un concours de circonstances. J'avais pris contact en avril avec un représentant local de la CIC, ma banque en France, qui m'a donné des contacts industriels sur Tianjin, à 150 km de Pékin, et proposé une traductrice. Les premières visites ont été infructueuses car je souhaitais une entreprise qui ait un look à l'occidental. Sur le chemin du retour, mon interprète a contacté une de ses connaissances de la zone industrielle de Pékin, qui nous a mis en relation avec le responsable du secteur. Celui-ci nous a fait visiter une usine en construction qui répondait à mes critères, avec une surface de 1.300 m², dans une zone relativement haut de gamme destinée principalement aux entreprises étrangères. Je suis retourné sur place en juin pour signer des papiers et le bail.


Pour créer une entreprise, il faut un bail, mais pour avoir un bail, il faut une entreprise..."

Que reprochez-vous aux sites que vous avez visités à Tianjin ?
Certaines usines sont en étages, ce qui n'est pas possible pour mon matériel. D'autres sont de véritables taudis ou bien avec des surfaces inadéquates. Les PME ne sont pas courantes en Chine. Les petites surfaces sont donc peu répandues ou se résument à la taille de deux garages. Sinon, il y a bien les anciennes entreprises nationales, mais elles ont d'énormes surfaces.

Avez-vous dû vous plier à certains contrôles ?
Effectivement, en tant qu'entreprise étrangère, on nous impose des audits, des contrôles des produits polluants et une surveillance accrue avant le lancement de la production. A titre de comparaison, cela ne m'est arrivé qu'une seule fois en neuf ans dans mon usine à Lyon. C'est très chronophage.

Avez-vous rencontré d'autres difficultés ?
Oui. Pour créer une entreprise en Chine, il faut un bail, mais pour avoir un bail, il faut une entreprise qui existe ! Heureusement, le responsable de la zone industrielle de Pékin m'a fait une dérogation pour pouvoir obtenir le bail. Je ne pouvais rien payer non plus, ni bail, ni loyer, avant d'avoir déposé les statuts de mon entreprise. Finalement, j'ai eu trois mois gratuits avant de prendre réellement possession du bâtiment en septembre 2005.

Et sur le plan financier ?
Le projet total - recrutement, loyer, fonds de roulement, business plan à trois ans... - revient à 350.000 euros. L'opération devrait être bénéficiaire dans le courant de la troisième année. Par contre, j'ai effectué plus de dépenses que prévues pendant les six derniers mois compte tenu des frais complémentaires à l'installation, des audits, du matériel normalement loué mais que j'ai dû acheter cash faute de locations (voitures, chariots élévateurs), des frais de recâblage de l'usine en corrélation avec la puissance de mes machines ou encore l'installation de la climatisation qui n'était pas encore faite. Finalement, j'ai dû sortir du cash plus tôt mais je reste dans mon budget.


Sur les cinq machines que j'ai envoyées en Chine, deux ont été refusées par les autorités locales"

Tout ce qui relève de la finance, comptabilité ou fiscalité reste problématique. Il faut absolument se faire accompagner d'un cabinet d'expertise comptable dirigé par un Français. L'ouverture et la gestion de comptes en banque sont difficiles. Il faut sans cesse montrer patte blanche, justifier les transferts de fonds et leur utilisation. Nous n'avons pas le droit de mettre de l'argent sur le compte comme on veut. Si j'octroie 150.000 euros de capital social, je ne peux prêter qu'environ 64.000 euros en fonds de roulement. Avec 300.000 euros de capital social, j'aurais donc toujours la moitié d'immobilisée. Conséquence : je suis à court de trésorerie en Chine, alors que j'ai l'argent en France mais il n'est pas transférable. Le processus va peu à peu se débloquer, mais on perd vite un mois.

Quels ont été vos relais en Chine pour la mise en route de l'usine ?
J'ai fait appel à un chasseur de tête francophone sur place et, dès fin juin, j'ai recruté une directrice générale adjointe pour diriger l'entreprise. Elle est chinoise et parle français. Elle s'est tout d'abord formée trois semaines en France, pour ensuite retourner en Chine s'occuper de la mise en place de l'usine.

Vous avez renouvelé votre parc de machines en France et transféré les anciennes en Chine. Comment s'est déroulé le déménagement ?
Sur les cinq machines que j'ai envoyées en Chine, deux ont été refusées par les autorités locales car trop vieilles d'un an et d'un type non autorisé là-bas. Je m'étais pourtant renseigné auparavant à ce propos et j'avais eu l'aval des Chinois... Le transfert a demandé plus de deux mois pour un coût de 15.000 euros, alors que les machines valent 50.000 euros.

Quel bilan tirez-vous aujourd'hui de cette opération ?
Je suis ravi et rassuré. Nous sommes en avance sur le projet et nous avons trouvé plus de fournisseurs et de sous-traitants que prévu. L'équipe chinoise devrait atteindre six salariés d'ici mars. La production démarre en février et nous avons trois commandes pour le mois suivant. Et puis, nous sommes en phase avec l'activité en France qui devrait progresser de 17 %.

Nicolas Mazeaud (Asytec)


Parcours

En 1990 : Philippe Eyraud rachète Mixel et en fait une société anonyme dont il est depuis le PDG
De 1989 à 1990 : Responsable export chez Mixel SARL à Lyon
De 1988 à 1989 : Attaché commercial à l'ambassade de France à Singapour
Autres activités : Philippe Eyraud est également vice-président du Gific France (Groupement Intersyndical des Fournisseurs de l'Industrie Chimique) et membre actif du conseil de direction de la métallurgie du Rhône.
Formation : Ingénieur Insa Lyon (1986) et MBA Cesma à l'EM Lyon (1987)



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