DOSSIER 
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Négociation vue de l'intérieur
"Je lui ai tourné le dos, il m'a rappelé et nous avons signé"
Alexandre Rambaud, actuel président d'AgendiZe

Le contexte de la négociation
Année 1997
Secteur d'activité Informatique
Objectif Vente d'un ERP à un grand groupe industriel espagnol
Enjeu Un contrat d'un million d'euros
Obstacle Un concurrent leader
L'équipe de négo Sept personnes dirigée par Alexandre Rambaud
Tactique Endormir le concurrent, s'infiltrer chez le client
Durée de la négo Six mois
Bilan final Contrat décroché

La clause de confidentialité étant toujours en vigueur, les noms d'entreprises et de personnes ne figurent pas dans ce témoignage. Au moment de la négociation, Alexandre Rambaud était directeur industrie et services chez un acteur majeur de l'ERP en Espagne.

Quel était le rapport de force lors de cette négociation ?
Une division d'un grand groupe espagnol était déjà équipée en ERP par notre principal concurrent, leader sur ce marché. Le grand groupe en question souhaitait étendre une solution d'ERP à toutes ses divisions.
Nous étions donc clairement en position de challenger pour obtenir ce marché, c'était un véritable défi.

Comment avez-vous préparé cette négociation ?
La préparation a été la partie déterminante dans cette négociation. Nous avons travaillé en coulisses mais de manière très coordonnée. Nous étions sept à travailler sur ce compte, dont trois à temps complet. Deux personnes étaient chargées de rester en retrait, pour pointer les faiblesses avec plus d'objectivité. Tous les soirs, nous nous réunissions tous pour voir notre progression dans le plan de bataille. Nous avons suivi une technique très précise, apprise lors d'une formation dans notre entreprise, qui mettait en avant le facteur humain.

Quel était votre plan d'attaque ?
Nous avons établi une cartographie complète du groupe industriel grâce à des informations fournies par les salariés de notre entreprise et des partenaires. Nous avons recueilli des informations sur les conflits et sur les alliances qui existaient au sein du groupe espagnol afin d'identifier les meilleurs leviers.
Nous nous sommes même associés avec un ancien ministre de l'Industrie, qui était un ami du président du groupe espagnol… Il avait pour mission de faire passer un message simple : le software est un business des Américains, car notre groupe était d'origine américaine.

Comment avez-vous approché les gens du groupe ?
Notre objectif était de tout faire pour être crédibles et pour nous rendre indispensables. Toutes les occasions étaient donc bonnes pour passer du temps avec les prospects
car nous avions beaucoup de messages à leur faire passer. Par exemple, nous avons organisé un voyage au Royaume-Uni chez l'un de nos clients qui avait la même solution. Pendant ce voyage, nous avons pensé au moindre détail pour satisfaire la délégation espagnole, en allant jusqu'à donner une bouteille d'eau à chacun pour le voyage. Il ne fallait pas se préoccuper uniquement des directeurs, mais aussi des chefs de projet qui ont une véritable influence. Ce type de contrat se signe pour dix ans : il fallait que chacun ait envie de travailler avec nous pour toute cette période.

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Votre produit était-il bien positionné ?  
Nous étions plus cher que notre concurrent. Nous avions nos forces et nos faiblesses, mais nous avons tout fait pour nous adapter. Nous savions que le groupe espagnol allait racheter des filiales à l'étranger et aurait besoin de flexibilité. Nous avons donc misé sur la souplesse de notre produit.

Comment la négociation s'est-elle terminée ? 
La négociation finale s'est faite en deux séances de six heures chacune, avec le directeur général du groupe espagnol et son avocat. Il s'agissait de traduire le contrat qui était très technique dans un vocabulaire plus accessible. Nous voulions signer avant la fin de l'année fiscale, le 31 mai, et avant que notre concurrent ne revienne à la charge. Le 30 mai, nous avons eu la dernière séance de négociation avec le directeur général. Juste avant 20 h, il nous a dit qu'il partait en vacances et que nous verrions tout cela à son retour. J'ai tenu bon : j'ai acquiescé, je me suis levé et je lui ai tourné le dos. Il ne m'a pas laissé le temps de sortir, il m'a rappelé et nous avons signé !

Avez-vous fêté l'accord ? 
Nous avons bu le champagne avec le directeur général. Nous avons aussi fait une photo avec toute l'équipe qui a travaillé sur le projet.

Etiez-vous stressé pendant cette période ? 
Nous étions tous stressés. Nous ne dormions pas, mais nous faisions tout pour ne pas le montrer au client. A un moment, nous avons vraiment eu peur car notre concurrent a signé avec une autre filiale du groupe espagnol. Nous avons alors établi un plan d'urgence. Nous avons tout donné.

Quelles étaient vos relations avec le client ? 
Le courant passait bien. Chez eux, il n'y avait qu'une personne qui soutenait fortement la concurrence et n'était pas prête de changer d'avis. Nous avons tout fait pour ne pas l'écarter. Nous l'avons poussée à dévoiler ses cartes au fur et à mesure pour éviter qu'elle ne sorte un atout à la fin. Nous lui avons également fait comprendre que son soutien pour notre concurrent avant toute négociation pouvait passer pour un manque d'ouverture d'esprit et mettre en danger sa carrière.

Avez-vous rencontré des barrages culturels ? 
Non, au contraire. En tant que Français, j'apportais une dimension internationale à l'accord. De plus, je faisais un mémo après chaque réunion, ce qui n'est pas courant en Espagne. C'était très bien perçu. Le directeur général était aussi sensible à l'international. Il parlait français. En Espagne, la vente est plus personnalisée qu'en France, elle débouche sur une relation durable. C'est ce qui s'est passé avec le directeur informatique du groupe. Mais, tous les deux, nous ne sommes jamais revenus sur cette négociation : nous ne voulons pas abattre nos cartes. Je pense que cela ne se fait pas.

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Quel enseignement tirez-vous de cette expérience ? 
Il faut travailler en équipe. Il faut aussi aimer son client, vouloir son bien. Je me suis comporté comme si j'étais un manager du groupe. Je me suis mis dans la peau du client tout en me rendant indispensable.

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Rédaction, Le Journal du Management


   
 
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