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ECONOMIE
 
20/09/2006

Savoir négocier les prix
Cinq conseils pour réussir ses achats

Connaître son interlocuteur, disposer de leviers de négociation, choisir le lieu et l'agenda des discussions, verrouiller ses acquis... Voici les conseils de deux experts pour obtenir le maximum de ses fournisseurs.
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Si elle ne représente qu'une facette du métier d'acheteur, la phase de négociation en est l'une des dimensions les plus difficiles et les plus passionnantes. Deux anciens acheteurs, aujourd'hui consultants révèlent quelques éléments stratégiques et tactiques pour obtenir des fournisseurs les meilleurs prix et conditions.

Préparer le terrain
Avant de rencontrer ses fournisseurs potentiels, l'acheteur doit collecter un certain nombre d'informations à leur sujet, d'autant qu'il n'est pas toujours maître de la présélection, souvent réalisée en collaboration avec le marketing ou les services techniques. Si la vérification de la situation financière des partenaires potentiels relève du réflexe, d'autres informations sont plus subtiles à obtenir, comme par exemple, la situation industrielle ou commerciale d'une société. "Il est très précieux pour un acheteur de savoir si un fournisseur a réalisé des investissements récents, explique Florence Piquet, consultante chez Vigila. Il saura, dans ce cas, qu'il peut bénéficier d'innovations technologiques mais que le fournisseur risque aussi d'être moins flexible sur ses prix. Dans d'autres cas, on apprendra que tel fournisseur a besoin de remplir rapidement son carnet de commandes, que tel autre cherche un 'extra' pour lisser sa production. Ces informations stratégiques donnent à l'acheteur une idée de la marge de manœuvre dont il dispose pour tirer les prix à la baisse."

Je préfère ne pas tout dire et laisser le vendeur comprendre mes besoins et décoder mon sujet "

Patrick Caverivière
Patrick Caverivière

Ces informations s'obtiennent par la lecture de la presse spécialisée, mais surtout par les contacts informels entre acheteurs. "Ils se rencontrent fréquemment et s'échangent informations et expériences", rappelle Patrick Caverivière, ancien directeur des achats, notamment dans les secteurs de la distribution et de la sécurité, et aujourd'hui conseil en entreprise. Le bouche à oreille est toutefois à utiliser avec précaution car, bien souvent, les acheteurs sont aussi des concurrents.


Annoncer ses besoins
"Le fournisseur attend de l'acheteur une définition minimale de ses besoins, techniquement mais aussi quantitativement, rappelle Florence Piquet, mais il ne faut pas aller trop loin et conserver un certain nombre de leviers pour la négociation physique qui doit suivre." En synthèse, annoncer au vendeur les quantités de base dont vous avez besoin, mais n'évoquer les options éventuelles pour des commandes supplémentaires qu'au moment de l'entretien physique. Il en va de même pour l'expression des priorités de l'acheteur. Si, dans l'attribution des marchés publics, l'acheteur indique obligatoirement par des pondérations, l'importance de chaque aspect de l'offre dans le choix final du fournisseur : prix, délais de fabrication, aspects techniques…, rares sont les acteurs du privé qui y ont recours. "Je préfère ne pas tout dire, explique Patrick Caverivière, et laisser le vendeur comprendre mes besoins et décoder mon sujet." En menant cette stratégie du flou, l'acheteur peut espérer voir le vendeur tenter plusieurs pistes et mieux mesurer jusqu'où ce dernier est prêt à aller en termes de prix.

Mais pour rendre cette stratégie plus efficace, l'acheteur doit, de son côté, inciter le vendeur à rendre sa proposition la moins floue possible. Patrick Caverivière conseille de demander des cadres de réponses lors des appels d'offres, dans lesquels les fournisseurs décomposent leur prix poste par poste (transport, frais administratifs, matières premières…). D'abord, l'acheteur pourra détecter les surcoûts éventuels et ajuster en conséquence certaines prestations en fonction de ses besoins. Mais il pourra surtout se servir des offres les plus intéressantes, poste par poste, pour obtenir le maximum de chaque vendeur.


Où dialoguer ?
Parce que c'est l'acheteur qui initie les négociations, c'est naturellement lui qui invite son fournisseur dans ses locaux. Un avantage car, sur son territoire, il dispose, à portée de main, de toutes les informations dont il pourrait avoir besoin. Il est recommandé de tenir la rencontre dans une pièce neutre plutôt que dans son propre bureau où certaines informations pourraient filtrer : le coup de fil inopportun d'un partenaire, ou un devis du concurrent malencontreusement égaré sur un coin de la table. Mais toutes les configurations sont néanmoins possibles. Pour Patrick Caverivière, convier son fournisseur dans son propre bureau, après quelques entretiens, peut aussi être interprété par ce dernier comme un signe de confiance. Certains acheteurs, un peu roublards, n'hésitent d'ailleurs pas à laisser traîner sur leur bureau des faux devis très compétitifs pour déstabiliser leurs interlocuteurs.

Les négociations doivent commencer par des choses positives, par des 'oui' "

Florence Piquet
Florence Piquet

Aller à la rencontre de son fournisseur, dans ses locaux peut également s'avérer fructueux. "Lorsque les négociations se déroulent en plusieurs rounds, l'alternance des lieux offre des opportunités en matière d'informations", précise Florence Piquet. C'est aussi l'occasion d'observer le déroulement de la production et de repérer les éventuelles incohérences entre le discours du vendeur et la réalité. Un processus de fabrication trop complexe, une chaîne de transport mal maîtrisée, trop de stocks… : si l'on peut remettre en question les process du fournisseur et lui suggérer de les améliorer pour gagner en productivité, on pourra ensuite légitimement lui demander de baisser ses prix. Les visites sur les sites fournisseurs peuvent cependant receler des pièges, notamment à l'étranger. "En Chine, note Patrick Caverivière, le dépaysement et une conception très élastique du temps peuvent devenir des armes pour déstabiliser les acheteurs occidentaux en visite."


Piloter l'entretien
Pour ne pas se laisser déborder par son interlocuteur, l'acheteur doit rester maître de l'entretien et notamment de l'ordre du jour. Patrick Caverivière suggère de préparer, pour le face à face, un tableau dans lequel on notera les différents points à aborder avec, pour chacun d'eux, les objectifs que l'on se fixe. On place ensuite, dans deux colonnes distinctes, le degré d'importance que l'on accorde à ce point et celui que le vendeur est susceptible de lui accorder. En comparant les deux colonnes, on pourra alors évaluer, pour chaque point de la négociation, le niveau de difficulté attendu des discussions. Or, "les négociations qui s'adossent à une stratégie de coopération, commencent par des choses positives, par des 'oui', rappelle Florence Piquet." Il est donc important d'entamer les débats avec un point plutôt souple. Mais, pour Patrick Caverivière, il est également important de remporter la première manche. Un point peu polémique, sur lequel la victoire est assurée s'avère donc un bon sujet d'introduction.

Exemple de matrice des positions acheteur/vendeur
(source : Profession acheteur de Patrick Caverivière aux éditions Demos)
Points à négocier
Objectif Acheteur
Position acheteur
Position supposée du vendeur
Niveau de difficulté attendu de la négociation
Ordre de négociation
Prix
9.800 €
2
1
Ouverte, avec une difficulté moyenne
3
Délai
1 semaine
1
3
Ouverte et facile
1
Pénalités de retard
oui
1
1
Difficile, avec risque de rupture
4
Garantie
15 mois
3
2
L'acheteur se prépare à une concession
2


Ensuite, l'acheteur doit ménager son interlocuteur et lui concéder certains points entre deux acquis. Différentes techniques sont valables : alterner points stratégiques et points accessoires pour ne pas permettre au vendeur de détecter les faiblesses de l'acheteur. Ou encore, utiliser des objectifs leurres pour laisser le vendeur remporter une victoire purement symbolique. Les points de discussion les plus difficiles, susceptibles d'engendrer une rupture doivent être gardés pour la fin, recommande Patrick Caverivière. Si l'acheteur commence par les sujets qui fâchent et parvient à faire céder le vendeur, alors ce dernier exigera de l'acheteur qu'il cède sur tous les points suivants."


Soigner la conclusion
C'est à l'acheteur de conclure, une fois que l'ensemble des points a été abordé et après s'être assuré que le vendeur n'a plus rien à dire. "Les différents éléments doivent alors être passés en revue tandis que l'acheteur reformule clairement chacun des acquis de la négociation, confirmé et verrouillé par un 'oui' franc du vendeur", insiste Patrick Caverivière. Il faut alors éviter de laisser le vendeur conclure ou faire traîner la négociation. "Il n'est pas rare en effet, souligne le consultant, de voir une négociation s'enliser dans des considérations techniques ou les tentatives de dramatisation du vendeur". Il est donc important, tout en respectant son interlocuteur, de ramener régulièrement les débats sur la question du prix et de ne pas se laisser emporter par une stratégie d'usure.

Autre écueil contre laquelle Patrick Caverivière met en garde : l'abus de pouvoir. Si, dans certaines situations, l'acheteur peut se trouver en situation de toute-puissance, et être tenté par une attitude coercitive, l'accord équilibré est toujours le meilleur. D'abord, parce qu'il incite à établir des partenariats de confiance et de long terme. Ensuite, parce que la roue peut tourner et l'acheteur se trouver par la suite en situation de plus grande faiblesse. Et le consultant de rappeler aux acheteurs tentés par le despotisme que l'on peut être courtois, honnête tout en étant dur en affaires.


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