Yann
Lepape (DREE)
"De réelles opportunités pour les entrepreneurs français"
Soutenus par une croissance forte, les dix pays qui entrent dans l'UE représentent pour les entreprises françaises de nouveaux territoires de conquête.
(avril 2004)
Ils étaient treize pays candidats.
Ils seront finalement dix à entrer dans l'Union Européenne le
1er mai prochain. Depuis leur candidature à l'adhésion, réalisée au milieu des années 90, ces dix pays ont parcouru
un bout du chemin sur le plan économique. Mais la route qui les mène à un niveau de développement
comparable aux autres pays membres est encore longue. Yann Lepape, économiste
régional à la Direction des relations économiques
extérieures (DREE), suit depuis plusieurs années l'évolution de ces pays.
Quels sont les secteurs d'activité phares des dix nouveaux pays membres ?
Yann Lepape. En terme d'activité, cette région n'est pas
très homogène. Dans le pôle Europe centrale, l'automobile constitue
un secteur moteur. C'est le cas en Hongrie, en République tchèque et en Slovaquie,
mais aussi en Pologne. Ce pôle est complètement intégré à l'Est
de l'Allemagne, Bavière incluse. Pour vous citer un exemple, l'usine
hongroise de Audi produit 1,3 million de moteurs par an, ce qui couvre
près de 30 % des besoins du groupe Volkswagen. L'industrie pharmaceutique,
l'industrie agroalimentaire et l'électronique sont d'autres
secteurs dynamiques en Hongrie. Dans le pôle balte, l'électronique
s'est fortement développée, surtout en Estonie qui bénéficie de sa proximité
avec la Finlande. Le bois, l'industrie agroalimentaire
et les produits dérivés du pétrole constituent les autres grandes activités de ce pôle.
Enfin, au Sud-Est de l'Europe, sur un bassin qui s'étend de l'Italie
à la Turquie, les industries
du textile-habillement et du meuble ont une place très importante.
On assiste également à l'émergence du développement de logiciels
en Roumanie et en Bulgarie.
Les nouveaux membres de l'UE offrent-ils encore de réelles opportunités
aux entrepreneurs français et européens ?
Oui. D'abord, leur PIB va converger vers la moyenne de l'Europe des
Quinze, comme nous avons pu l'observer pour l'Espagne et le Portugal. Ils
forment donc de nouveaux marchés et les entreprises françaises l'ont
compris. La France enregistre un excédent commercial important
avec ces pays. Mais ce phénomène de rattrapage prendra du temps, de
vingt à cinquante ans. En outre, ces pays
disposent d'une main d'uvre éduquée et à faible coût. Ce qui offre la possibilité aux entreprises de l'actuelle UE de délocaliser
leur production, sans oublier toutefois que les salaires locaux peuvent augmenter
très vite. D'autre part, à quelques jours de leur adhésion, nous savons
où vont ces pays, vers quoi ils convergent. Le climat des affaires
s'assainit et le cadre juridique s'améliore, ces pays ayant incorporé
dans leurs textes l'ensemble de l'acquis communautaire. Les investissements
vont donc se poursuivre. Par contre, les opportunités de rachats se
font plus rares, l'essentiel des entreprises ayant été privatisées,
sauf en Bulgarie et en Roumanie.
Les risques sont-ils moindres aujourd'hui
dans ces pays ?
Les risques sont encore un peu plus élevés que dans le reste de
l'Europe, notamment le risque contrepartie. Mais dans
une perspective mondiale, ils sont plutôt faibles par rapport à
d'autres pays émergents. Ils tendent dans l'ensemble, à s'aligner
sur la moyenne européenne. Par ailleurs, la propriété est maintenant
garantie. Même si quelques différents subsistent en terme de propriété
intellectuelle, ce n'est rien par rapport à la Chine par exemple.
Il
faut impérativement se rendre sur place."
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Quelles sont les difficultés rencontrées
avec les entreprises et les institutions locales ?
La langue peut parfois être une barrière. Pour communiquer
avec les interlocuteurs locaux, je conseille de faire appel
à une personne maîtrisant la langue officielle. L'autre difficulté
concerne les administrations, souvent très lourdes. Leur organisation,
issue de la période socialiste, a déjà été profondément réformée.
La simplification va se poursuivre.
Il faut donc se tourner vers ces pays,
si ce n'est pas déjà fait...
"Il faut" n'est pas le terme qui convient. Comme pour tout
changement géostratégique majeur, ce qui importe d'abord, c'est
de trouver son positionnement stratégique sur la nouvelle carte
européenne des marchés et localisations. Un entrepreneur
devra donc chercher à répondre à deux questions : ces marchés
m'intéressent-ils ? l'élargissement m'amène-t-il de nouveaux concurrents
? Si la réponse à l'une des deux est oui, alors il est important
de se positionner sur ces territoires.
Quels sont les organismes à contacter
pour monter un projet sur place ?
Les Directions des relations économiques extérieures et les Chambres
de commerce bilatérales sont les principaux interlocuteurs. Nous sommes sur place,
nous fournissons toutes sortes d'informations économiques et commerciales
dans des délais assez courts, raisonnables diront certains, et nos
spécialistes sectoriels peuvent apporter leurs conseils. De plus,
il peut être intéressant de contacter des entreprises déjà
présentes. Pour une PME, le portage par une grande entreprise peut
être une bonne solution. C'est une pratique courante dans l'industrie agroalimentaire
et l'automobile.
Sur les démarches à entreprendre, quels
conseils donneriez-vous ?
Dans un premier temps, je conseille bien sûr, de quantifier
son marché et de faire une étude de marché ciblée. Ensuite, il est
indispensable de se rendre sur place pour rencontrer les clients
ou les fournisseurs potentiels. La mise en place d'une relation de confiance
prend du temps et pour les PME, l'aspect contact personnel est important.
Si ces démarches s'avèrent probantes, il peut être intéressant d'employer
une personne connaissant la langue officielle, pour rechercher d'autres
opportunités et commencer à mettre en place une structure commerciale.
C'est une pratique courante et pas très onéreuse. Nous avons vu
des jeunes débuter de cette manière avant de devenir de très bons
commerciaux. Négliger ces démarches ou vouloir brûler les étapes,
c'est risquer de mettre sa société en péril.
PARCOURS
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Yann Lepape est un économiste régionale de la
DREE, spécialiste de l'élargissement. Il est également
responsable de la rédaction d'une revue en ligne, publiée
gratuitement sur le site de la DREE. |
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