Alain
Lecanu (CFE-CGC)
"Les cadres vont d'abord vouloir
changer d'entreprise"
Le secrétaire
national à l'emploi et à la formation de la CFE-CGC reste peu optimiste
pour l'emploi cadre en 2004. En attendant la reprise, qu'il voit
plutôt pour 2005, la mobilité devrait faire parler
d'elle. (mars
2004)
"Le taux d'encadrement est à la baisse en France et
cette tendance devrait persister" déplore Alain Lecanu,
secrétaire national à l'emploi et à la formation de la CFE-CGC
(Confédération française de l'encadrement). Moins optimiste que
la plupart des observateurs, Alain Lecanu ne s'attend pas à
une reprise du marché de l'emploi cadre avant 2005.
Quel bilan tirez-vous de l'année 2003
pour l'emploi des cadres ?
Alain Lecanu. En 2003, les offres de postes cadres ont baissé
et le chômage a augmenté. Cela ne m'étonne pas. Pour les cadres,
les 35 heures ne se sont pas traduites par des créations d'emplois :
la réduction du temps de travail n'a fait qu'entraîner le recrutement
de techniciens, qu'augmenter la charge de travail des cadres en
poste, ou encore inciter les cadres à déléguer des tâches administratives.
Quels
sont les cadres les plus touchés par la crise ?
Les jeunes diplômés et les cadres de plus de 45 ans ont les plus
souffert. Pour les jeunes diplômés, il n'est pas évident de rentrer
aujourd'hui dans une grande entreprise. Souvent, ils intègrent dans
un premier temps une PME, se forment deux ou trois ans et s'orientent
vers les grands groupes qui disposent eux d'un comité d'entreprise
ou encore d'accords de réduction du temps de travail intéressants.
Quel est votre analyse du marché
de l'emploi en ce début d'année ?
D'après l'Apec, les intentions d'embauche sont en diminution. C'est
d'autant plus grave qu'il s'agit de prévision et que l'on observe
souvent des distorsions entre les intentions et la réalité. Les
entreprises prévoyaient par exemple 150 000 recrutements extérieurs
en 2003. Ce chiffre s'est traduit par 145 000 recrutements
effectifs.
Certains indicateurs sont néanmoins
plus positifs
Effectivement, le volume des offres d'emploi a baissé de 17 % en
2003, alors que la baisse avait été de 28 % en 2002. La dégradation
s'est donc ralentie. L'Apec note aussi une augmentation du nombre
d'offres dans la fonction marketing-commercial (Ndrl : + 4 %
de février 2003 à janvier 2004 par rapport à février 2002-janvier
2003) et pour la production (Ndrl : + 3 %).
Une répartition différente des
tâches, qui coûte moins cher aux entreprises"
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Quels sont vos pronostics pour l'année
2004 ?
En 2004, nous allons observer le même phénomène qu'en 2003, avec
une faible augmentation des recrutements. D'après un sondage de
l'Apec, la mobilité va reprendre. Des cadres en poste vont chercher
à changer d'entreprise. Ces personnes seront bien positionnées compte
tenu de la croissance des compétences requises. Ce sont celles qui
vont retrouver le plus rapidement le moral si le niveau des licenciements
baisse. Mais dans le contexte actuel, je ne m'attends pas à une
reprise immédiate. Les prévisions de croissance pour le deuxième
semestre 2004 sont de 1,5 %. Ce taux est faible et n'implique pas
beaucoup d'importantes créations d'emplois. Mais si la croissance
persiste, le rebond pourrait intervenir en 2005 ou en 2006.
Pensez-vous que le "papy-boom"
aura un impact important ?
Je ne sais pas si les effets du papy-boom seront d'une grande ampleur.
Les entreprises ne vont pas remplacer tous les départs à la retraite.
En outre, je pense que la répartition du travail évolue et que le
taux d'encadrement est en baisse. Cela correspond à une répartition
différente des tâches, qui coûte moins cher aux entreprises. Celles
qui se débarrassent de cadres préfèrent souvent les remplacer par
des non cadres qui devront cependant effectuer les mêmes tâches.
Dans le contexte actuel, les candidats acceptent de ne pas avoir
le statut de cadre, d'autant plus qu'on leur fait croire à une évolution
rapide. Ce sont les jeunes diplômés qui vont le plus souffrir de
cette nouvelle répartition du travail.
PARCOURS
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Alain Lecanu est secrétaire national à l'emploi et à la formation.
Diplômé d'un BTS en électronique, il est cadre
chez EADS. Il est également président du groupement des
ASSEDIC de la région parisienne (GARP) et vice-président de
l'UNEDIC . |
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