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ENTREPRISE
 
17/05/2006

Robert Papin (L'art de diriger)
"Le charisme peut être la meilleure ou la pire des choses"

Motiver, communiquer, encadrer… autant de questions pratiques auxquelles Robert Papin, fondateur d'HEC Entrepreneurs et auteur de "L'art de diriger", a répondu lors d'un chat avec les lecteurs du JDM.
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Dans "L'art de diriger", Robert Papin détaille la pédagogie "Entrepreneurs" qu'il a mise en place à HEC. Pour lui, il est essentiel d'améliorer en permanence ses méthodes de management et de savoir mobiliser ses collaborateurs, en leur proposant un grand dessein. Lors d'un chat avec les lecteurs du Journal du Management, Robert Papin a livré ses points de vue et ses conseils.

A lire
Robert Papin est l'auteur de "L'Art de Diriger". Tome 1 : Management et Stratégie; Tome 2 : Gestion et Finance (Dunod, 3e édition, 2006)
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Quelle activité exercez-vous aujourd'hui ?
Robert Papin. J'exerce une activité de chef d'entreprise et de conseiller pour la diffusion de ma pédagogie à l'international.

Pourquoi avez-vous créé HEC Entrepreneurs ? Quel était votre objectif ? L'avez-vous atteint ?
Mon objectif était de mettre en oeuvre la formation que j'aurais aimé recevoir moi-même. J'ai toujours pensé que la réussite d'un dirigeant était largement fonction de ses qualités personnelles (curiosité, imagination, agilité mentale, capacité à travailler en équipe, rigueur...) Or, ces qualités ne sont pas développées par un enseignement théorique, ni même par la méthode des cas anglo-saxonne.

Quel est pour vous votre ancien élève qui a le mieux réussi ?
Il est impossible de répondre à cette question, car la réussite d'une vie professionnelle ne peut être appréciée que par l'intéressé. Réussir sa vie, c'est atteindre l'objectif qui vous permettra d'être heureux. C'est la raison pour laquelle je demande toujours à mes élèves d'essayer de me dire quel est leur rêve le plus fou à 10 ans. Bien peu sont en mesure de le dire !


Respecter le désir d'autonomie d'un collaborateur, c'est accepter l'idée qu'il puisse placer ses objectifs personnels avant ceux de l'entreprise."

Comment définissez-vous la réussite ?
Tout dépend du type de réussite auquel vous pensez. La plupart des entrepreneurs souhaitent devenir puissants et mesurent leur succès par leur chiffre d'affaires ou le nombre de salariés. Pour ce qui me concerne, j'ai tendance à mesurer le succès à la capacité d'un patron à mobiliser ceux qui l'entourent en leur proposant un grand dessein qui leur permettra d'exercer le maximum de responsabilités et d'être des hommes ou des femmes debout.

Dans votre livre, il y a un conseil que je ne comprends pas. Vous dites : "Sachez ne pas faire état des défaillances difficiles à corriger rapidement". Qu'il ne faille pas faire douter ses collaborateurs, c'est une chose, mais les empêcher de progresser, ça me paraît disons pas très gentil…
Je suis totalement d'accord avec vous car après avoir écrit qu'il ne fallait pas faire état des défaillances difficiles à corriger rapidement, j'ai ajouté qu'il était préférable de mettre en avant les qualités des collaborateurs et les aider à découvrir eux-mêmes comment corriger les défauts.

Comment respecter le désir d'autonomie de ses collaborateurs s'ils ne font pas bien leur job ?
Respecter le désir d'autonomie d'un collaborateur, c'est d'abord accepter l'idée qu'il puisse placer ses objectifs personnels avant ceux de l'entreprise. Trop de chefs d'entreprise considèrent que ce sont leurs collaborateurs qui constituent le principal obstacle au changement et que pour réussir ce changement, il conviendrait que les collaborateurs placent leurs objectifs personnels après ceux de l'entreprise, ce qui est illusoire. Bien faire notre job, c'est atteindre les objectifs qui nous sont fixés, mais c'est au supérieur hiérarchique de nous former, de nous informer pour que nous soyons capables d'atteindre ces objectifs. Si malgré tous les efforts du supérieur hiérarchique, ses collaborateurs n'atteignent pas les résultats fixés en commun, la seule solution, hélas, c'est de les remplacer. Maintenant, chaque patron devrait se poser la question suivante : ai-je fait tout ce qu'il était possible de faire pour éviter le remplacement de mon subordonné ?

Comment doit-on gérer les manipulateurs ? Quand on n'a pas l'esprit tourné comme ça, c'est très difficile…

Il faut impérativement museler les manipulateurs, sinon ils vous flanqueront la pagaille dans votre entreprise. Le meilleur procédé pour les gérer, c'est de leur faire comprendre que vous voyez clair dans leur manipulation et à l'extrême limite, d'utiliser contre eux les procédés qu'ils emploient à votre encontre, en leur montrant immédiatement quelles en sont les conséquences. Facile à écrire, mais pas toujours facile à faire, car les manipulateurs sont souvent de merveilleux courtisans. Nous avons tous tendance à trouver très intelligents ceux qui nous attribuent les qualités que nous rêvons de posséder.

Comment peut-on améliorer la motivation de son équipe, en particulier pour ne pas tomber dans la routine ?
Motiver une équipe, c'est faire en sorte que tous ses membres aient durablement l'envie d'exercer des responsabilités. Cela n'est pas évident car exercer des responsabilités, c'est nécessairement prendre des risques, voire empiéter sur le territoire d'autrui. Vous ne motiverez pas durablement des collaborateurs sur des objectifs tels que la compression des coûts ou l'augmentation des profits de votre entreprise, quel que soit votre charisme. Il faut donc que vous leur proposiez un grand dessein. Servir autrui, améliorer la qualité du service rendu au client, cela peut constituer ce grand dessein. Et comme en France, on peut faire des progrès considérables sur la qualité des services rendus aux clients, ces mêmes patrons ont des opportunités de motivation de leurs collaborateurs importantes, surtout dans les PME.

Pouvez-vous m'expliquer ce qu'est un haut potentiel ? Comment peut-on en devenir un ? Et du côté de l'employeur, est-ce qu'on les manage d'une façon particulière ?
Un haut potentiel n'est pas nécessairement un individu couvert de diplômes. En parodiant Deteuf (les propos d'Olivier-Louis Barenton, confiseur) à ceux qui me disent : "il est intelligent, il sort de telle école", j'aurais tendance à répondre : s'il est si intelligent, pourquoi l'a-t-on laissé sortir ? Je pense que chacun de nous a un haut potentiel, que nos supérieurs hiérarchiques n'ont pas su exploiter, ou que les circonstances ne nous ont pas permis d'exprimer. La plupart des dirigeants vous diront que l'individu à haut potentiel est celui qui est capable d'atteindre des objectifs très ambitieux, comme les sportifs de haut niveau. Manager une vedette dans une équipe de footballeurs ou de rugbymen, c'est une des tâches les plus difficiles pour un entraîneur.


Il faut impérativement museler les manipulateurs, sinon ils vous flanqueront la pagaille dans votre entreprise."

Je suis le patron d'une branche de mon entreprise. J'ai constaté que presque à chaque fois que je communique une information, le message est déformé. Que me conseillez-vous ?
Vous mettez le doigt sur la plus grande des difficultés auxquelles un responsable est confronté car les messages sont toujours volontairement ou involontairement déformés au sein d'une entreprise. L'une des solutions consiste à émettre une idée seulement par message. Maintenant, vous n'aurez aucune garantie qu'elle ne sera pas ensuite déformée. D'où la nécessité d'être très présent auprès de vos collaborateurs.

Faut-il être charismatique pour être un bon dirigeant ? Et peut-on devenir charismatique ?
Le charisme peut être la meilleure et la pire des choses. La pire des choses si vous vous servez de votre charisme pour manipuler vos collaborateurs. Si au contraire vous en avez fait des hommes et des femmes bien dans leur peau, et si vous les jugez sur leur efficacité au lieu de les apprécier sur leurs capacités à vous aimer, alors le charisme peut constituer un plus, car personne n'appréciera un management déshumanisé.

Mon patron est très paternaliste, comment le faire changer ?
Prier le ciel pour qu'il ait un sérieux incident de santé qui lui permettra de réaliser que ses "enfants" ne viennent pas le consoler sur son lit d'hôpital. Il réalisera alors que ces mêmes enfants ont d'abord besoin d'être respectés et non d'être jugés sur leur capacité à aimer le "père".

Que pensez-vous de la PNL ?
Le meilleur et le pire. C'est une très bonne technique à la disposition des psychologues, mais si elle est utilisée par un responsable hiérarchique pour violer la personnalité de ses collaborateurs, elle peut devenir un outil néfaste de manipulation.

Je viens de finir un cursus Bac + 4, pensez-vous qu'un Master en Management me sera utile dès maintenant ou est-il plus important d'acquérir une expérience terrain ?
Si vous êtes ingénieur et que vous souhaitiez exercer des responsabilités en management au sein d'une entreprise, il peut être en effet intéressant de faire un master, d'autant que dans notre pays, l'étiquette est souvent plus importante que le contenu... hélas. N'oubliez cependant pas que votre réussite reposera largement sur vos qualités personnelles et que c'est l'expérience terrain qui vous permettra de les développer. C'est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à des études trop longues.

Pour vous, quels piliers stratégiques doit mettre en place une PME qui débute à l'export ?
Il serait trop difficile de vous répondre en une phrase. Peut-être pouvez-vous vous recueillir les conseils d'entreprises comparables à la vôtre qui ont réussi ce type de stratégies. Ma réponse est une pirouette, désolé !

Quand on a deux personnes dans son équipe, on fait déjà du management ?
Oui, car il faut d'abord décider qui sera le patron et si la deuxième personne sera d'accord !

Robert Papin : Bravo pour vos questions auxquelles j'ai parfois répondu par des pirouettes car elles m'ont amené à vous donner un point de vue personnel alors que j'ai le sentiment que d'autres points de vue seraient plus pertinents. Cordialement.

Le parcours de l'auteur

2006 : troisième édition de l'Art de Diriger
2005 : sortie de trois CD-Rom (Réaliser le diagnostic financier d'une entreprise, élaborer sans difficulté une demande de financement, combien vaut l'entreprise que vous désirez céder ou racheter)
2005 : onzième édition de Stratégie pour la création d'entreprise
1995 : première édition de l'Art de Diriger
1983 : première édition de son ouvrage "Stratégie pour la création d'entreprise"
1975 : concepteur de la "Pédagogie Entrepreneur", il la met en œuvre et crée le département HEC-Entrepreneurs qu'il dirige jusqu'en 2004. Sur un millier d'anciens élèves, 470 sont aujourd'hui PDG ou DG.
1973 - 2004 : professeur à HEC Jouy-en-Josas (Paris)
1971 : professeur de stratégie à l'Institut supérieur des affaires
1970-1971 : research professor à l'université de Stanford (Etats-Unis)
1968-1969 : professeur agrégé de techniques de gestion à Montpellier
1966 : directeur des études de l'Institut en préparation des affaires de Montpellier
1963 : inspecteur stagiaire du Trésor
1939 : naissance dans la Sarthe

 


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