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04/10/2006

Eric Falque (BearingPoint) : "Le marketing relationnel et opérationnel bascule vers les forces de vente"

La gestion de la relation client évolue dans les grands groupes qui renforcent les synergies entre leurs pôles marketing et commercial. Le point sur les tendances en cours avec un spécialiste.
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Eclairage de l'expert
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Connaissance plus fine des clients et de la concurrence, définition des argumentaires de vente... les forces commerciales et le marketing ont tout intérêt à travailler main dans la main. C'est pourquoi les grandes entreprises revoient de plus en plus l'organisation de leur gestion de la relation client. Eric Falque, vice-président et responsable mondial de l'activité Gestion de la relation client du cabinet BearingPoint, explique cette évolution.

Comment se concrétise le rapprochement entre marketing et commerciaux ?
Eric Falque. La question est différente selon les secteurs d'activité. Pour les entreprises comme Nestlé, Danone, Marionnaud ou Séphora par exemple, cela fait plusieurs années que la relation entre marketing et forces commerciales a changé. Le trade marketing et le marketing opérationnel existent depuis longtemps. En revanche, elle ne fait qu'émerger dans les entreprises de vente directe à des millions de clients, comme dans les télécoms ou l'énergie, et s'y révèle beaucoup plus complexe. L'articulation entre marketing et commercial y est un véritable enjeu, notamment parce que les activités de marketing relationnel sont à l'intersection de ces deux grands services.

Quels sont les points d'intersection où marketing et forces de vente doivent se synchroniser ?
La gestion de la connaissance du client, d'abord, doit être unifiée, les rôles des uns et des autres doivent être clairement définis et le maître d'œuvre désigné. Ensuite, dans la gestion de la sollicitation du client - par le marketing direct, les centres de contact clients, les sites Internet - il faut décider qui en règle le volume et la cohérence. Chez la plupart de nos clients, c'était auparavant le marketing qui s'en chargeait. Mais ces rôles évoluent peu à peu vers la vente. C'est également le cas pour le pilotage des actions web. Traditionnellement maîtrisé par le marketing, on se rend compte que le canal web doit être intégré avec les autres canaux. Et les gens les mieux placés pour en être responsable sont les gens en charge de l'opérationnalité : les forces de vente.

Quels sont les transferts de compétences que vous observez le plus entre équipes marketing et forces commerciales ?
Le marketing relationnel et opérationnel bascule vers les forces de vente, tandis que le marketing se recentre, en amont, vers le développement du produit, la segmentation du marché, la stratégie. Parfois aussi, sont mises en place des structures de gouvernance qui assurent la coordination du marketing et de l'opérationnel. Cela peut ainsi être le cas si historiquement, tel responsable marketing veut garder telle compétence… Cela dit, la première tendance - enrichir le rôle des opérationnels dans la mise en œuvre du programme marketing opérationnel - est la plus forte. Toutes les entreprises ne vont pas encore jusque là. Ce sont celles dont la masse de clients est la plus importante qui évoluent le plus rapidement dans cette direction.

Qui est généralement à l'initiative de ce type de réorganisation ?

Lorsqu'on voit l'information client qui remonte au marketing, on n'est qu'à 20 % de ce qu'il faudrait faire."

Le plus souvent, c'est la direction générale. Mais la demande vient parfois de la direction des ventes et des services ou encore conjointement du marketing et des ventes, qui veulent tous deux rationaliser leur fonctionnement. Or il y a du travail : lorsque l'on observe la manière dont l'information client remonte pour pouvoir être utilisée à des fins stratégiques, on n'est qu'à 20 % de ce qu'il faudrait faire.

Pourquoi ces projets sont-ils si compliqués à mettre en œuvre ?
Il faut d'abord être convaincu de leur utilité. Imaginez un centre d'appels. Il se pilote comme une usine. Si la durée du coup de téléphone augmente de 10 %, de façon à pouvoir poser trois questions qui seront utiles au marketing, il faut tout de suite embaucher 60 personnes ! Il faut donc veiller à ne pas freiner l'opérabilité des commerciaux ou du service client. Autre point important : il faut disposer d'un système et de process qui facilitent le partage d'information. Les commerciaux sont confrontés à des enjeux financiers considérables. Or les offres concoctées par le marketing se sophistiquent de plus en plus. Ce qui était simple à vendre devient compliqué à vendre. On peut rapidement arriver à une explosion du coût client.

Quelles sont les priorités à prendre en compte lorsque l'on veut rapprocher le marketing et les commerciaux ?
Il faut composer avec plusieurs enjeux contradictoires : la diminution du churn, le développement du portefeuille de vente à un client et la réduction - ou le maintien - du coût de traitement d'un client. Cela passe par la simplification de l'offre et par l'industrialisation des process dans le traitement des clients, à qui l'on doit tout de même pouvoir s'adresser de façon personnalisée, notamment sur les segments à haute valeur. Et enfin apporter la souplesse nécessaire à la mise en œuvre de cette politique.

Quels freins et difficultés est-on susceptible de rencontrer ?
Tous les freins classiques de la gestion du changement. Toutes ces grandes entreprises sont des usines ! Elles ne nous ont pas attendus pour avoir un opérationnel efficace et les évolutions ne peuvent se faire du jour au lendemain. Il faut donc bien prendre en compte l'impact du changement sur la formation des équipes, la politique de rémunération, l'ergonomie des systèmes de travail…

Comment anime-t-on une organisation réajustée du marketing et du commercial ?

Dans les années 90, on a transformé le back-office. Maintenant, on transforme le front-office."

Il faut une structure de gouvernance, qui fonctionne comme une colonne vertébrale, déterminant les actions de l'année. Tous les trois mois, marketing et commerciaux réévaluent la situation. Il est très important d'intégrer la vision qu'ont les commerciaux du marché dans la définition des plans à long terme : ils savent ce qui est réaliste de faire ou pas et garantissent donc la faisabilité d'une action.

Quel est le futur des rapports entre marketing et forces de vente ?
Un enjeu fondamental réside dans le suivi et l'analyse des performances économiques. Les différents indicateurs doivent être partagés par toute l'organisation. Le suivi de la performance doit être centralisé et partagé. C'est rarement le cas aujourd'hui, où chacun a ses objectifs et des process différents. Or mettre en place un système commun n'est pas une mince affaire…

Constatez-vous une augmentation des projets de réorganisation entre marketing et forces commerciales ?
Tout à fait. D'une manière plus générale, cela tient à l'évolution globale des entreprises. Il y a cinq ans en effet, les projets de CRM représentaient moins de 10 % de notre activité. Aujourd'hui, cette part est passée à 25 ou 30 %. Et au rythme où vont les choses, on s'attend à ce qu'elle atteigne 50 % d'ici 5 ans. Dans les années 90, on a transformé le back-office. Maintenant, on transforme le front-office. On n'en est qu'au tout début de la mise en œuvre de tels projets.


Parcours

Eric Falque, spécialiste des grands projets de transformation des fonctions marketing et commerciales, est le responsable mondial de l’activité CRM (Consumer Relationship Management) du cabinet BearingPoint, ainsi que son vice-président. Il a été directeur commercial de Mattel France avant de rejoindre en 1991 PriceWaterhouseCoopers, où il devient le responsable de l'activité CRM. En 2001, il intègre les équipes de BearingPoint pour développer l’activité CRM en France. Nommé en 2003 au comité de direction de BearingPoint France, il prend le titre de Global CRM Leader en septembre 2005.



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