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BONNES FEUILLES 
 
24/08/2005

Jack Welch "Mes conseils pour réussir"
Les meilleures pratiques et au-delà

Dans ce quatrième extrait, l'ancien patron de General Electric vante les mérites du partage des meilleures pratiques.
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Issu d'un milieu modeste, Jack Welch a grimpé dans la hiérarchie, atteignant le poste de PDG de General Electric, qu'il a quitté en 2001. Sous sa direction, le chiffre d'affaires de l'entreprise a progressé de 364 %. Mes conseils pour réussir, vient de paraître en France, co-écrit avec sa femme, Suzy Welch, ancienne rédactrice en chef de Harvard Business Review. Ce gourou du management est aussi auteur du best-seller Ma vie de patron.


J'
ai entendu dire que les meilleures pratiques ne sont pas un avantage concurrentiel durable parce qu'il est facile de les imiter. C'est une absurdité. Une fois qu'une meilleure pratique a été instaurée quelque part, c'est vrai, tout le monde peut l'imiter, mais les entreprises qui réussissent ne s'en tiennent pas là : elles imitent et améliorent. Certes, l'imitation est déjà difficile. Je me rappelle ce dirigeant d'un éditeur de logiciels qui, à la fin d'une conférence, se lamentait : "Mes collaborateurs ne copient pas bien. Ils ne veulent pas - ils aiment leur manière de faire."

A lire
"Mes conseils pour réussir", Jack Welch et Suzy Welch (Village Mondial, 2005)
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Ce peu de goût pour l'imitation est un phénomène courant. Peut-être est-ce la nature humaine qui le veut. Mais pour que votre stratégie réussisse, il faut surmonter ce penchant et aller beaucoup plus loin. En fait, la troisième étape de la stratégie consiste entièrement à trouver les meilleures pratiques, à les adapter, puis à les améliorer constamment. Si vous le faites bien, vous n'êtes pas loin de l'innovation. Les idées de nouveaux produits et services, de nouveaux processus, de nouvelles opportunités de croissance commencent à jaillir un peu partout, et cela finit par devenir la norme. Tout comme le fait d'avoir les bonnes personnes à la bonne place, les meilleures pratiques font partie de ce qui va faire fonctionner à plein votre grand eurêka, et à mon avis c'est la partie la plus amusante.

Elle est amusante parce que les entreprises qui font des meilleures pratiques une priorité sont des organisations apprenantes, ardentes, prospères, florissantes. Elles considèrent que tout le monde devrait toujours s'efforcer de mieux faire. Les entreprises de ce genre sont pleines d'énergie et de curiosité, elles se disent que rien n'est impossible. Ne venez pas me dire que ça n'est pas un avantage concurrentiel ! Dans le bon vieux temps - après la Seconde Guerre mondiale mais avant la mondialisation -, la plupart des sociétés industrielles, GE comprise, étaient figées dans une mentalité de "ça ne vient pas de chez nous". Elles privilégiaient leurs propres inventeurs, avec des trophées et des primes réservés à ceux qui avaient eu et appliqué des idées originales. Au début des années 1980, nous n'avions pas d'autre choix, il fallait élargir les mentalités. Nous l'avons fait en mettant en valeur non seulement les gens qui inventaient des choses mais aussi ceux qui trouvaient de bonnes idées quelle que soit leur origine et prêts à les partager avec quiconque dans l'entreprise. Nous avons même donné un nom à ce comportement : le "sans-frontiérisme" (boundarylessness). Ce mot barbare décrivait essentiellement l'obsession de trouver un moyen de mieux travailler - ou une meilleure idée -, que sa source soit un collègue de travail, une autre filiale de GE ou une autre entreprise, qu'elle se trouve de l'autre côté de la rue ou à l'autre bout du monde. Le sans-frontiérisme a eu un effet énorme sur la manière de mettre en œuvre notre stratégie.

Nous hantâmes leurs usines pour nous imprégner de leur esprit"

En voici un exemple. GE s'efforçait constamment de mieux utiliser son fonds de roulement ; il nous en fallait toujours trop et une accélération de la rotation des stocks aurait été souhaitable. Mais nous avions beau essayer avec toutes sortes de campagnes et de réglages, on aurait dit que nous ne pouvions porter le taux de rotation annuel au-delà de quatre. En septembre 1994, Manny Kampouris avait été invité comme intervenant lors d'un dîner regroupant les trente plus hauts dirigeants de notre groupe. Il était à l'époque PDG d'American Standard, groupe mondial de fournitures pour la plomberie et l'air conditionné qui était aussi l'un des plus importants clients de notre division moteurs. On ne pouvait pas ne pas le remarquer, Manny portait à son revers un badge au centre duquel était gravé le nombre "15". Tout le monde a vite compris pourquoi. Pendant la plus grande partie de son exposé ce soir-là, Manny nous a régalé d'histoires sur les moyens qu'il avait employés pour améliorer radicalement la rotation des stocks chez American Standard, dont les usines éparpillées dans tous les coins du monde produisaient toutes sortes d'éviers, lavabos et autres baignoires. Manny et American Standard étaient obsédés par la rotation des stocks. La raison en était simple : la société sortait juste d'une OPA, et le cash-flow était sa priorité absolue. Nos cadres étaient tétanisés. On pouvait les entendre penser : si American Standard est capable d'améliorer la rotation de ses stocks, malgré la diversité de ses produits et la complexité de ses procédés de fabrication, pourquoi pas nous ? Avant même d'avoir pu terminer son intervention, l'orateur fut assailli de questions. Mais ça n'était qu'un début. Bientôt, des avalanches de collaborateurs de GE se rendirent dans les établissements d'American Standard pour rencontrer les contremaîtres et les directeurs d'usine. Tous portaient le même badge que Manny. Il y avait bien de temps à autre un mouton noir avec un "10", mais plus encore qui affichaient fièrement une rotation de vingt ou vingt-cinq. Nous hantâmes leurs usines pour nous imprégner de leur esprit. Ils ne demandaient qu'à nous aider.

Trouvez le grand eurêka, fixez votre cap"

C'est l'une des choses que m'a apprises le sans-frontiérisme : les entreprises et leur personnel - sauf s'ils sont vos concurrents directs, bien sûr - sont ravis de vous raconter leur réussite. Il suffit de demander. Les gens de chez GE qui avaient visité American Standard mirent ce qu'ils avaient appris en pratique dans leur propre activité. En quelques années, nos divisions adaptèrent à GE de nombreux processus venus d'American Standard, en innovant et en communiquant sans cesse. Cela fut efficace. En 2000, le taux de rotation des stocks avait plus que doublé chez GE, libérant des milliards de dollars de trésorerie. Au fil des années, GE a aussi glané de bonnes idées en visitant Wal-Mart, Toyota et des dizaines d'autres entreprises. Nous nous sommes aussi emprunté des idées les uns les autres. Lors des réunions trimestrielles de nos patrons de division, nous demandions aux participants de présenter leurs meilleures pratiques utilisables par d'autres. Si l'un d'eux essayait de présenter une pratique qui n'était pas applicable aux autres activités, nous l'arrêtions en chemin. C'est ainsi que le programme de recrutement de jeunes officiers, commencé dans la branche transports et transmis aux quatre coins de la société, et les techniques de ventes par Internet grâce auxquelles la branche plastiques touchait certains de ses clients, se sont étendues à la branche systèmes médicaux et au-delà.

A lire
"Mes conseils pour réussir", Jack Welch et Suzy Welch (Village Mondial, 2005)
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La liste des transferts de meilleures pratiques est interminable. Et ce n'est pas une exclusivité de GE. Yum! Brands Inc. en est un bon exemple. Créée en 1997 par scission de PepsiCo, Yum! possède cinq enseignes de restauration populaire - KFC, Taco Bell, Pizza Hut, Long John Silver et A&W All American Food -, soit plus de 33 000 établissements au total. Son PDG, David Novak, croit énormément aux transferts de meilleures pratiques et considère chacun de ses établissements comme un laboratoire d'idées. À ses yeux, m'a-t-il récemment expliqué, le grand avantage du "bétonnage" - c'est-à-dire de l'accroissement du nombre de chaînes et de restaurants - est le partage des apprentissages. Sans cela, a-t-il ajouté, grandir n'aurait que des inconvénients. Voici ce qu'il veut dire. Il y a deux ou trois ans, Taco Bell était classé au quinzième rang des restaurants "drive-in" avec un délai de service au client de 240 secondes, soit 4 minutes par commande. Après l'adoption d'un nouveau processus, la chaîne a réussi en deux ans à ramener ce délai à 148 secondes, ce qui en a fait le numéro 2 de la restauration à guichet auto. Sa méthode a aussitôt été transférée à KFC, dont le délai de service du client est passé l'an dernier du dixième au huitième rang, tombant de 211 secondes à 180 secondes, soit une bonne demi-minute d'amélioration. Je pourrais vous en dire encore beaucoup plus sur les nouveaux processus imaginés par les "laboratoires" du groupe. Mais, pour faire court, je vous parlerai seulement des résultats. Malgré un contexte économique difficile, dans les sept années suivant sa scission, la capitalisation boursière de Yum! a fait un bond de 4,2 milliards de dollars à 13,5 milliards de dollars. Principalement parce que des idées avaient été diffusées et étendues. Se concentrer sur les meilleures pratiques ne ressemble peut-être pas à ce qu'on entend par "stratégie", mais essayez donc de mettre en œuvre une stratégie sans cela ! Les meilleures pratiques ne sont pas seulement indispensables à la mise en œuvre de la stratégie, elles sont aussi un avantage concurrentiel durable si vous les améliorez sans cesse - "si" étant ici le mot important. Ce n'est pas seulement un état d'esprit, c'est une religion.

* * *

L'autre soir, nous dînions chez Torch, un excellent petit restaurant. Depuis notre table en terrasse, nous assistions au ballet incessant, à pied, à vélo et en auto, des livreurs d'Upper Crust Pizza, située juste à côté. Nous nous sommes mis à calculer sur un coin de table l'économie de l'endroit, à partir de chiffres grossiers. Même en partant des estimations les plus prudentes, une conclusion s'imposait : Upper Crust Pizza est très rentable. On pourrait s'imaginer que les gens qui dirigent Upper Crust n'ont jamais tenu un séminaire de réflexion stratégique, sans parler de se livrer à l'exercice des cinq transparents pour parvenir à un grand eurêka. Tout leur grand eurêka est dans la sauce. Certes, je ne prétends pas que la stratégie soit simplissime à ce point, mais il ne faut pas non plus s'en faire une montagne. Trouvez le grand eurêka, fixez votre cap, mettez les bonnes personnes au bon endroit, puis travaillez comme une brute pour être le meilleur dans l'exécution, en dénichant de meilleures pratiques et en les améliorant chaque jour. Vous ne dirigez peut-être pas une boutique de quartier, mais en matière de stratégie, faites comme si.



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