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INTERVIEW
mars 2005
Christine
Marsan (Renaissance)
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sport co, le conflit a du bon |
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Christine Marsan intervient pour le compte du cabinet Renaissance, spécialisé dans l'accompagnement des transformations des entreprises et des personnes. Elle est également l'auteur de Gérer les conflits paru cette année chez Dunod. Cette consultante, coach et psychologue revient sur les différentes problématiques du conflit dans le monde professionnel.
Qu'est-ce qu'un conflit ? A partir
de quel moment le conflit est-il qualifié en tant que tel
?
Christine Marsan. Il s'agit d'une situation de
blocage entre au moins deux personnes qui ont un intérêt
ou un objectif en commun et sur lequel elles ne sont pas d'accord.
Ce sont par ailleurs des personnes qui se reconnaissent. Le conflit
est qualifié à partir du moment où l'on sent
une tension, qu'elle soit explicite ou latente. Dans un conflit
larvé les tensions s'illustrent par de l'agressivité.
Quelles
sont les principales formes de conflit ?
Il y a d'abord le conflit
de caractère. Une personne peut être très sensible
aux liens sociaux ou à l'ambiance, ou elle peut être
davantage attachée à la performance et la rapidité.
Ces deux types de modalité relationnelle font que les gens
peuvent éprouver des difficultés à travailler
ensemble, ils n'ont pas forcément les mêmes attentes.
La personne très rationnelle et méthodique n'agit
pas de la même manière que le créatif et fantasque.
Cette différence peut provoquer des conflits de personnalité.
Le conflit peut aussi être d'intérêt ou d'objectif.
Il peut également venir de la jalousie, de la lutte pour
le pouvoir et le leadership. Dans ce cas, il faut définir
clairement l'activité et le rôle de chacun, de manière
concertée, pour faciliter la compréhension. Imposer
ne donne pas de visibilité aux individus par rapport aux
autres.
Quelles sont les autres causes de conflits ?
On trouve souvent l'absence de structure suffisante et
l'orientation trop braquée sur l'objectif, une démarche
qui oublie l'aspect humain. Le traitement inégal est également
source de conflit. Dans une situation de réduction des primes
ou des coûts, il faut savoir agir collectivement et non au
cas par cas. Il y a une dizaine d'années, France Télécom
a entamé une politique de reclassement des personnes suivant
leur fonction, ce qui a chamboulé les repères de chacun
et entraîné des traitements inéquitables. Le
changement organisationnel est alors très mal vécu
car il remet en cause beaucoup de choses.
La concurrence entre individus peut-elle
être bénéfique pour limiter les conflits ?
Dans le conflit de pouvoir, deux personnes se trouvent
en concurrence pour une place. L'entreprise peut volontairement
inciter à la compétition, induisant un conflit d'énergies.
Les conséquences négatives de cette solution peuvent
être le départ de la personne écartée
ou le sabottage que celle-ci peut créer envers l'autre ou
l'entreprise. L'entreprise a donc intérêt à
introduire de l'intelligence collective et de la coopération.
Il faut faire la différence entre compétition et émulation.
Les mêmes conséquences que dans un cas de harcèlement" |
Le conflit est-il un sujet banal ou
tabou en entreprise ? A tous les niveaux ?
Le phénomène est banal car humain. Travailler
ensemble, c'est se frotter à la différence des autres.
Le conflit est inhérent à la capacité que nous
avons à nous adapter. Il dépend aussi du mode de management
ou des règles institutionalisées par l'entreprise,
de la pratique de la communication, du dialogue. Le conflit peut
monter d'un niveau à l'autre si le manager ne gère
pas la situation ou bien s'il est partie prenante. En haut de la
hiérarchie, les conflits larvés sont nombreux. A ce
niveau de responsabilité, il ne faut pas laisser paraître
les problèmes, comme dans la cour des rois. Il y a une grande
difficulté à dire les choses. Et entre une entreprise
de 50 personnes et une de 2.000 personnes, les niveaux de complexité
et d'enjeux sont également différents, d'où
une gestion différente des conflits.
Quels sont les risques du conflit pour
l'individu et pour l'entreprise ?
Au plan personnel, il s'agit de risques émotionnels.
Dans le cas d'un conflit collectif avec une personne, celle-ci risque
de ne pas être à l'aise, de perdre confiance en elle,
de commencer à faire des erreurs. C'est un cercle vicieux
et la personne se sent de plus en plus isolée. Ce sont donc
les mêmes conséquences que dans un cas de harcèlement.
Pour l'entreprise, on observe une baisse de performance et d'efficacité.
Les énergies sont mises dans l'opposition des personnes,
dans le conflit.
Un conflit larvé peu conduire à une violence brute" |
Existe-t-il des formations pour les
managers qui préparent aux conflits ?
Il existe des formations managériales soit sur
les thèmes et sources possibles de conflits, soit sur les
outils possibles pour y remédier. Le coaching de managers,
mis en place dans de grandes entreprises, est un accompagnement
qui permet au manager de mieux comprendre et d'appréhender
les problématiques du conflit. En entreprise, l'audit social
permet également de mesurer le climat, de jauger le ton des
conflits. Cet audit se base sur le niveau de stress, le harcèlement,
les conditions de travail, les relations au travail... La boite
aux lettres anonyme peut être utile dans une logique de lutte
contre les conflits. On peut aussi choisir un médiateur ou
des groupes de supervision du conflit où les best practices
sont cumulées. Mais d'une manière générale,
pour limiter les conflits, il faut rétablir la convivialité
et les moments d'échanges.
Jusqu'où un conflit peut-il aller ?
Avez-vous des exemples de dérives ?
Un conflit larvé peu conduire à une violence brute, focalisée sur
la personne, l'organisation ou soi-même. Par exemple, dans une entreprise,
un dirigeant était perçu comme autoritaire et avait à ses côtés
un manager identifié comme harceleur. Ce qui laissait peu de place
au dialogue. Personne ne pouvait s'exprimer. Dans ce contexte de
conflit larvé, la tension montait. Finalement, plusieurs personnes
sont parties et une femme s'est suicidée.
Dans ce cas, le conflit est resté larvé.
Le conflit déclaré a-t-il une utilité ?
Le conflit a effectivement une utilité. Il faut l'identifier pour
le gérer, mais surtout ne pas chercher à l'étouffer, à s'enfermer
dans la politique de l'autruche. Il faut être attentif, être capable
de percevoir très vite les changements d'attitude d'un collaborateur.
Ensuite, on initie un dialogue.
Il faut bien connaître son équipe" |
Quels sont vos principaux conseils
pour gérer un conflit ?
Il faut regarder au niveau de l'organisation ce qui peut créer des
conflits. Par exemple, si on alloue une même tâche à deux personnes,
elles risquent d'entrer en conflit. Ensuite, il faut se montrer
vigilant envers les conflits de personne, et pour cela bien connaître
son équipe grâce à des entretiens réguliers et des réunions d'équipe.
Un conflit déclaré se gère avec des outils relationnels. Il faut
être disponible pour écouter les gens, faciliter l'expression de
chacune des deux parties pour les aider à développer leurs arguments
jusqu'au bout
Il faut les faire sortir de leur état émotionnel
pour comprendre l'autre.
Si la situation ne s'arrange pas, faut-il
se séparer de l'une des deux personnes ?
Dans les cas vraiment extrêmes, cela doit être envisagé. Si la personne
ne veut vraiment pas envisager de dialogue, ni trouver de solution
et si le conflit nuit à l'équipe, voire à l'entreprise, il faut
se séparer de cette personne.
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Pourriez-vous donner un exemple de
conflit que vous ayez récemment géré ?
J'ai effectué un diagnostic pour un manager qui devait gérer un
conflit de personnes. Deux salariées ne s'entendaient pas. Le manager
a donc tenté certaines solutions comme les changer de bureau, mais
cela n'aboutissait pas. J'ai commencé par les écouter en entretien.
Puis nous avons fait un travail de cohésion d'équipe qui a permis
de mettre à jour la nature du problème. En fait, l'une des deux
s'étaient mises en compétition avec l'autre pour un poste à pourvoir
dans quelques temps. Elle s'était faite passée pour harcelée pour
évincer l'autre et accéder au poste. Le manager ne se doutait absolument
pas de cette rivalité. Il pressentait une tierce personne pour ce
poste. Mon diagnostic lui a permis de clarifier la situation, puis
de poser des règles plus strictes de comportement et de mieux communiquer
sur les volontés d'évolution. Il a pu expliquer à cette personne
que son comportement ne lui donnait pas les meilleures chances d'accéder
à un poste de management. Pour éviter qu'elle ne reste coincée dans
sa frustration, nous lui avons apporté des outils pour qu'elle comprenne
comment atteindre ses objectifs.
Parcours
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Coach, consultante spécialisée dans l'accompagnement au changement des personnes et des organisations, psychothérapeute, Christine Marsan est aussi écrivain et chercheur en sociologie. Elle intervient pour le compte du cabinet Renaissance, spécialisé dans l'accompagnement des transformations des entreprises et des personnes. Elle intervient aussi pour les entreprises en difficulté (crises, conflits ou situations violentes) et dans les contextes pluriculturels d'entreprises internationales. Elle est auteur de "Gérer les conflits" paru en 2005 chez Dunod (>>> Consulter les librairies). |
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