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DOSSIER 
 
05/01/2005

Spécial livres
Eternel "Art de la guerre"

Les managers sont unanimes : parmi les meilleurs livres de management figure un traité de stratégie d'origine chinoise, "L'art de la guerre", vieux de plus de 2 400 ans. Explications.
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De nouvelles versions de L'art de la guerre de Sun Tzu, traductions, commentaires et analyses, ne cessent de voir le jour, reflétant un besoin croissant de la part des lecteurs. Des lecteurs parmi lesquels figurent de nombreux professionnels et décideurs. Et pourtant, l'identité de l'auteur et la date exacte du livre restent dans le flou. Le texte prône l'ouverture d'esprit, l'adaptabilité, et l'exploitation optimale des potentiels et des ressources, quels qu'ils soient. C'est un autre mode de raisonnement dans lequel une faiblesse peut devenir un atout.

Petit historique, pour commencer. Le livre, premier traité sur la stratégie, a été écrit par un Chinois entre le Vème et le IVème siècle avant Jésus-Christ. La première traduction du texte de Sun Tzu est celle du Père Amiot, missionnaire jésuite, qui paraît à Paris en 1772 sous le titre Les XIII articles. Les traductions allemande et anglaise n'apparaissent qu'au début du XXème siècle. Le contexte socio-politique et les conflits ne lui accordent alors que peu d'intérêt. Et pourtant ce texte devient rapidement le plus cité par les stratèges, pour ensuite s'introduire dans la sphère professionnelle.

Concernant le texte lui même, il est très imagé au niveau du langage et ces images fascinent le lecteur, conformément à la culture chinoise et à ses modes de transmission des savoirs. Des raisons qui ont incité Pierre Fayard à décortiquer cette pensée stratégique pour mieux l'appréhender. Spécialiste de la communication des sciences et techniques, il est aussi l'auteur de Comprendre et appliquer Sun Tzu (Dunod, 2004). "Chaque société, lorsqu'il y a un grand moment de changement, s'appuie sur sa culture traditionnelle, notamment pour la stratégie. Cette culture est tacite donc difficile à expliquer, d'où la nécessité d'employer des comparaisons pour en comprendre le sens."

La pensée de Sun Tzu est l'inverse des théories de Clausewitz"

Pierre Fayard

L'une des grandes idées de L'art de la guerre réside dans la considération de tout le potentiel disponible, chez ses associés ou ses ennemis, quelle que soit la situation. "Le jeu consiste à le faire tourner à son propre profit, explique Pierre Fayard. La stratégie n'est pas une science exacte, et requiert de la créativité. Ce que l'on a à faire, il faut le faire faire par son ennemi. La pensée de Sun Tzu est l'inverse des théories de Clausewitz, où la stratégie directe, frontale et destructrice a des difficultés à produire des changements qualitatifs."

Rappelons que les deux grands principes qui régissent la pensée chinoise sont l'économie et l'harmonie. Il faut éviter la destruction ou le ressentiment difficiles à vaincre, à contourner ou à gérer par la suite. En d'autres termes, il faut réfléchir aux conséquences de toute action, et choisir celle qui préserve davantage les ressources disponibles.

Dans L'art de la guerre, il est question de stratégie situationnelle dans un contexte en perpétuelle mutation. "C'est en cela que le texte de Sun Tzu est d'actualité, au cœur de la globalisation et de l'interdépendance planétaire, observe Pierre Fayard. Le monde est en changement perpétuel et crée des opportunités en permanence pour lesquelles il faut faire preuve de rapidité. La solution : le réseau. Plus actif et habile que n'importe quelle unité même de taille importante, il traite l'information rapidement si l'objectif est commun." C'est ce qu'écrit Sun Tzu : ce n'est pas la taille d'une armée qui lui assure la victoire.

Financer le rachat de sa cible par la trésorerie de celle-ci"

Jean-François Phelizon

Côté pratique, L'art de la guerre ne s'applique évidemment pas comme une méthode prête à l'emploi. Et personne n'ira dire qu'il a appliqué tel stratagème de Sun Tzu. Cependant, Jean-François Phelizon, l'auteur de Relire l'art de la guerre de Sun Tzu (Economica, 1999) et directeur général adjoint de Saint-Gobain, évoque les OPA amicales, véritables illustrations des idées de Sun Tzu. "Convaincre la partie adverse qu'elle a perdu la bataille est la meilleure façon de vaincre. Une bataille coûte toujours très cher. Bien entendu, les entreprises ne font pas la guerre, mais les confrontations sont souvent fortes. Et vendre son entreprise n'est pas forcément non plus synonyme de perdre."

Même dans le cas d'une OPA, le principe d'utiliser le potentiel de l'adversaire à son propre profit est applicable, comme le judo utilise la force de l'autre. "Une entreprise peut financer le rachat de sa cible par la trésorerie même de celle-ci, poursuit Jean-François Phelizon. C'est ainsi que de petits acteurs du marché absorbe de plus gros qui ont souvent un défaut de gestion. C'est entre autres le cas pour le fonds d'investissement Kohlberg Kravis Roberts (KKR), endetté, qui a racheté le géant de l'industrie du tabac américaine RJR Nabisco en 1989, réalisant la plus importante transaction du moment. L'événement est d'ailleurs repris dans le film Barbarians at the gate.

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L'attrait de L'art de la guerre, tient aussi dans son aspect concis. Une caractéristique moins commune pour les livres actuellement. Jean-François Phelizon conclue : "le bon sens est la chose du monde la moins partagée, et ce qui est l'évidence même n'est pas forcément appliqué. La sagesse est éternelle et les relations humaines sont toujours les mêmes, alors que la technique évolue. C'est pourquoi l'ouvrage de Sun Tzu est toujours d'actualité."

Michel Crozier
("L'acteur et le système")

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