Journal du Net > Management >  Bernard Salengro (CFE-CGC) : "L'employeur aura moins de médecins dans les pattes"
INTERVIEW
 
octobre 2004

Bernard Salengro (CFE-CGC)
L'employeur aura moins de médecins dans les pattes

Le représentant de la Confédération française de l'encadrement s'oppose à la réforme. Ses arguments.
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Le docteur Bernard Salengro est médecin du travail et membre de la CFE-CGC, la Confédération française de l'encadrement. Il est également vice-président de l'INRS, l'Institut national de recherche et de sécurité. Pour lui, la réforme engagée dans la médecine du travail ne va pas dans le bon sens. Ses explications.

Que pensez-vous de la réforme de la médecine du travail ?
Bernard Salengro. C'est réforme aurait pu être intéressante, mais dès que l'on gratte un peu, on réalise que c'est du pipeau. D'ailleurs, cinq confédérations syndicales représentatives des salariés, à savoir la CGT, la CGT-FO, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC, ainsi que les syndicats de médecins s'opposent à la réforme. Il y a eu un accord entre les confédérations de salariés et les organisations patronales sur la santé au travail : il a servi de prétexte mais n'a pas été respecté. Le vrai problème, c'est que l'inspection du travail n'est pas assez forte. Les employeurs n'ont pas peur du gendarme.

Quelles seront les conséquences de la réforme pour les salariés ?
Pour le salarié, la réforme implique moins de prestations des médecins du travail, puisque chaque médecin se verra attribué plus de salariés. Par ailleurs, les visites n'auront plus lieu chaque année, mais tous les deux ans. Certes, les populations à risque bénéficieront d'une visite par an, mais leur définition date de l'ère industrielle. Aujourd'hui, 70 % des salariés travaillent dans le tertiaire. Le travail sur écran, mais aussi les travaux répétitifs, la charge mentale ou encore le harcèlement sont donc à prendre en compte.

La réforme introduit la pluridisciplinarité, qui pourrait favoriser la prévention...
Là encore, l'affichage est bon. Mais derrière, on se rend compte que la réforme comprend des risques. Nous n'avons par exemple aucune garantie concernant la formation des intervenants en prévention des risques professionnels. Par ailleurs, ces derniers n'auront de compte à rendre qu'à l'employeur, mais pas au médecin, ni au salarié.


Le stress aura moins de visibilité"

Certains observateurs estiment que les salariés sont de plus en plus souvent suivis par ailleurs sur le plan médical, surtout dans le tertiaire. Qu'en pensez-vous ?
Les généralistes n'ont pas la connaissance des pathologies liées au travail. Or, certaines maladies peuvent avoir des conséquences très coûteuses. Derrière tout cela, l'enjeu réside dans la répartition des coûts de santé. On veut faire payer le salarié par l'intermédiaire de son assurance maladie, et surtout pas l'employeur, assuré contre les accidents du travail. On cherche à faire passer des maladies professionnelles pour des maladies personnelles.

Quelles seront les conséquences de la réforme pour l'employeur ?
Pour l'employeur, le coût sera moindre. Et surtout, il aura moins de médecins dans les pattes pour s'intéresser aux conditions de travail. Il sera tranquille.

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Le stress est un phénomène croissant, surtout chez les cadres. La réforme permettra-t-elle de sensibiliser les employeurs ?
En apparence, les cadres ne constituent pas une population à risque. Mais ils sont plus touchés par les problèmes de stress et de harcèlement que les autres salariés. Le stress par exemple n'est pas identifié officiellement comme une maladie professionnelle. Avec cette réforme, il aura encore moins de visibilité.
  


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