Journal du Net > Management >  Gabriel Paillereau (Cisme) : "L'action se fera enfin sur le milieu de travail"
INTERVIEW
 
octobre 2004

Gabriel Paillereau (Cisme)
L'action se fera enfin sur le milieu de travail

Le délégué général du Cisme s'exprime en faveur de la réforme. Ses arguments.
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Sommaire
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Après avoir été professeur d'économie, Gabriel Pailleureau a été créateur d'entreprise puis a dirigé le Service sarthois de médecine du travail. Depuis 1994, il est délégué général du Cisme, le Centre interservices de santé et de médecine du travail en entreprise. Cet organisme regroupe trois cent cinquante Services interentreprises de santé au travail surveillant plus de 13,5 millions de salariés. Il représente ces Services interentreprises auprès du ministère des Affaires Sociales ainsi que des organisations d'employeurs et des syndicats de salariés représentatifs au plan national. Pour lui, la réforme engagée va dans le bon sens.

Quel est l'esprit de la réforme ?
Gabriel Paillereau. La réforme répond aux exigences de la directive européenne de juin 1989, qui impose une approche pluridisciplinaire de la santé au travail, avec pour objectifs de mieux évaluer les risques professionnels et de développer la prévention primaire, qui consiste à agir le plus en amont possible des risques professionnels. La priorité absolue, c'est l'action sur le milieu de travail. Les médecins du travail seront davantage présents sur le terrain. De plus, ils seront aidés par les Intervenants en prévention des risques professionnels, les IPRP.

La visite médicale sera désormais biennale, sauf pour les populations soumises à une surveillance médicale renforcée, qui bénéficieront toujours d'une visite annuelle. Qui fera partie de cette catégorie ?
Les dispositions réglementaires définissant la surveillance médicale renforcée demeurent celles contenues dans les décrets dits spéciaux et dans l'arrêté du 11 juillet 1977. Sont également en surveillance médicale renforcée plusieurs catégories de salariés comme les femmes enceintes ou les jeunes de moins de 18 ans. Mais les tâches ont évolué depuis la fin des années 70. Un nouvel examen de l'arrêté de 1977 est indispensable. Le maintien en surveillance médicale renforcée des travailleurs sur écran, par exemple, n'a plus lieu d'être systématiquement. Il vaudrait mieux que les médecins s'attachent aux substances chimiques ou aux facteurs psycho-sociaux, manifestement à l'origine de risques en forte croissance. Autre incohérence, les travailleurs de nuit ont deux visites obligatoires. Or, d'après les médecins du travail eux-mêmes, la deuxième visite ne présente pas d'intérêt. Il serait plus pertinent de procéder à une étude approfondie des postes de travail grâce à une présence accrue sur le terrain.

Quelles seront les conséquences de la réforme pour les salariés ?
Au lieu d'une approche médico-médicale basée sur l'examen clinique, les salariés vont bénéficier d'une approche pluridisciplinaire. L'action sera collective et plus axée sur le milieu de travail.


La réforme ne vise pas à réduire les moyens, mais à les redéployer"

Qui seront les IPRP ? Seront-ils indépendants ?
Les IPRP, ingénieurs, ergonomes, toxicologues ou encore épidémiologistes, seront habilités s'ils répondent à des exigences fixées par les textes. Ils devront avoir une solide formation en santé et sécurité, au minimum de niveau Bac +3. Leur intervention se fera généralement sur proposition du médecin du travail, qui reste le pivot du système mais, au final, c'est bien évidemment l'employeur, seul responsable de la santé de ses salariés en relation avec leur travail, qui aura le dernier mot. L'habilitation des IPRP sera subordonnée à l'engagement d'agir en toute indépendance. Certains craignent, à tort, un manque d'indépendance des IPRP. Pourquoi seraient-ils moins indépendants que les médecins du travail ? Le moindre manquement de leur part serait sanctionné par un retrait de l'habilitation. Par ailleurs, l'employeur n'a strictement aucun intérêt à faire pression sur les IPRP pour qu'ils occultent certaines informations gênantes sur les risques professionnels. Une telle attitude serait suicidaire de leur part en raison des lourdes sanctions encourues au plan pénal.

Financièrement, quel sera l'impact de la réforme ?
Globalement, cela ne devrait rien changer, même si des ajustements sont possibles. C'est précisément la raison pour laquelle la réforme pourrait être mal perçue par les employeurs. Dans l'esprit de certains d'entre eux, la médecine du travail se limitant à la seule visite annuelle, la logique voudrait que la cotisation soit divisée par deux en raison du passage à la visite biennale. Or, la réforme ne vise pas à réduire les moyens, mais à les redéployer et à en mettre de nouveaux à la disposition des entreprises pour leur offrir d'autres prestations répondant à leurs besoins en santé au travail.

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Le stress progresse, notamment chez les cadres. La réforme risque-t-elle d'occulter ce problème ?
Il appartient aux partenaires sociaux, y compris au niveau des branches professionnelles, de revoir la liste des risques professionnels justifiant le classement de certains salariés en surveillance médicale renforcée. Les cadres exposés au stress dans leur activité professionnelle pourraient très bien en faire partie, mais cela suppose que la réglementation évolue. Pour l'heure, le stress n'est pas considéré comme étant un risque professionnel.
  


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