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Dossier
 
20/03/2007

Michel Allair et Frédéric Hilaire (North) : Les quinquas, poids mort ou force vive ?

Le taux d'emploi des seniors en France est l'un des plus bas d'Europe. Pour y faire face, les fondateurs du cabinet de conseil North proposent de créer des mutuelles de compétences managériales interentreprises.
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Michel Allair et Frédéric Hilaire (North)
 
Frédéric Hilaire et Michel Allair, co-fondateurs du cabinet de conseil North
 

En France, le taux d'emploi des plus de 50 ans est inférieur à la moyenne de la zone euro, qui est elle-même très éloignée des performances des Etats-Unis ou du Japon en la matière. Avec un taux d'emploi de 58 % pour les hommes de 50 à 64 ans et de 47 % pour les femmes, la France se classe au 22ème rang des pays de l'OCDE. Enfin, si l'on se concentre sur les 55-64 ans, seule 36,8 % d'entre eux sont actifs, un chiffre qui inclut les chômeurs. Cette situation pose, pour notre société, un défi considérable à relever, notamment dans un contexte propice à l'augmentation de durée de cotisation pour la retraite.

 

Un défi économique, démographique…

 
Sommaire
 
 
 

Ce défi est d'abord économique et démographique. En effet, le maintien en activité et la juste valorisation des plus de 50 ans est d'autant plus nécessaire que certains secteurs et entreprises présentent une pyramide des âges déséquilibrée. Des départs précoces pourraient se traduire, dans beaucoup de secteurs, par une véritable pénurie de compétences. Un exemple : selon l'observatoire de l'évolution des métiers de l'assurance, près d'un tiers des salariés de l'assurance aura atteint 60 ans, dans les huit prochaines années.

 

… et culturel

Il importe de prendre conscience que notre représentation de la carrière professionnelle repose sur un modèle socioculturel qui n'a pas évolué depuis plusieurs décennies. Et qui ignore tout à la fois la dynamique réelle des compétences professionnelles et la réalité des évolutions de la durée de la vie.

 

Ainsi, dans les perceptions des acteurs, le point culminant du potentiel d'un manager se situe, en moyenne, entre 35 et 45 ans (soit, en réalité, avant la moitié de la vie professionnelle, dans une société où l'entrée dans la vie professionnelle se fait plus tardivement aujourd'hui qu'il y a 30 ans). Or, ce modèle est obsolète à deux titres.

 

 

"Avant 40 ans, un cadre est le plus souvent en pleine phase d'apprentissage managérial"

» Du point de vue de l'efficience professionnelle. Avant 40 ans, un cadre est le plus souvent en pleine phase d'apprentissage managérial. Il évolue davantage sur le mode d'une 'suspicion de réussite' que sur une réussite avérée. Nous considérons que la maturité managériale se caractérise par la maîtrise des différents leviers qui concourent au succès d'un investissement. Elle suppose une aptitude à la détection et à l'exploitation des opportunités d'une part et à la sécurisation des risques portés d'autre part. Or, ces aptitudes ne peuvent être atteintes qu'à travers l'apprentissage et l'expérimentation de un, voire de deux cycles complets d'investissement. Le premier cycle permettant l'apprentissage, il sera d'autant plus formateur qu'il aura des zones d'échec. Le second permet la mise en pratique, voire l'innovation.

 

» Du point de vue des évolutions de la durée de la vie. Les quadras et a fortiori les quinquas constituent une force essentielle à la performance de notre société.

 

Une situation paradoxale

Cette réalité conduit à un paradoxe qui pénalise, in fine, tout autant les individus que nos entreprises. Quel est-il ? Alors que la " maturité managériale " se situe en réalité entre 45 et 60 ans (c'est-à-dire entre la moitié et les deux tiers de la vie professionnelle), les cadres quinquas, dotés de réelles compétences, sont clairement sous-employés et ne sont pas reconnus dans leur entreprise.

 

À quoi tient cette situation ? On peut isoler trois facteurs qui cumulent leurs effets :

» Un " jeunisme " relatif (car il ne se fait pas au bénéfice pour autant des plus jeunes), avéré par une inertie dans la pratique d'utilisation des plus de 50 ans initiée à la fin des années 70, avec le développement par exemple, certes tempéré depuis, des dispositifs de retraite anticipée.

» Le comportement des cadres quinquas qui se mettent d'eux-mêmes en position de retrait vis-à-vis des turbulences de l'entreprise (de par la faible " rémunération du risque " aussi bien en termes de reconnaissance que financiers).

» L'historique de relations entre l'entreprise et les salariés qui conduit à la "placardisation", voire au licenciement, de certaines personnes qui auraient du potentiel dans un autre contexte.

 

Des solutions à méditer

Par-delà l'exigence d'ouvrir les yeux sur cette réalité, parce qu'elle a un impact essentiel sur l'emploi, sur la performance économique et sur notre modèle de société, et de donner aux quinquas la juste place qui leur revient dans l'entreprise, il y a d'évidence une nécessité à imaginer des réponses non-dogmatiques.

 

"Il serait utile de réfléchir à la création d'un contrat de chantier, généralisé aux plus de 45 ans"

Pourquoi ne pas créer des mutuelles de compétences managériales interentreprises, qui seraient des entités sans objectif de profit ? Elles offriraient un cadre juridique d'échanges de ressources entre entreprises sur des durées moyennes (12-18 mois) sans délit de marchandage. Si le cadre légal et juridique d'une telle solution reste à créer, on peut d'ores et déjà en imaginer les grandes lignes : ces mutuelles pourraient servir de lieu d'échange d'information sur les besoins et les opportunités d'utilisation des compétences. Les adhérents en seraient les sociétés membres ainsi que les salariés participants aux échanges de compétences. Un tel schéma supposerait cependant que l'on s'interroge sur l'exigence de loyauté des salariés envers leur société, laquelle pourrait s'avérer un frein dans les échanges de compétences. Inversement, ces échanges seraient une véritable source d'innovation pour les entreprises. Les mutuelles pourraient en outre assumer le rôle d'interface financière pour facturer les compétences échangées. Un bon moyen pour assurer la traçabilité de contrats de travail qui, dans ce cadre, seraient non affectés.

 

Il serait également utile de réfléchir à la création d'un contrat de chantier, complément formel au portage salarial, généralisé aux plus de 45 ans et à toutes les industries, adossé à un système de protection pour les périodes d'inter-chantier. Un tel dispositif permettrait aux cadres de 45 ans et plus de planifier sereinement et de gérer activement leur carrière professionnelle. À l'instar de la situation des indépendants non reconnus par les processus achats, on pourrait imaginer que l'un des principaux obstacles de cette initiative soit le canal " d'achat de compétences " représenté par les DRH. Aussi, pour inciter les entreprises à utiliser ces contrats, les charges sociales pourraient être soustraites sur une courte période, sauf en cas de rupture de contrat.

 


 
Parcours
 
  Michel Allair et Frédéric Hilaire sont co-fondateurs de North, un cabinet de conseil en management constitué d'une dizaine d'intervenants. North intervient aujourd'hui sur des missions engageant directement des enjeux financiers évoluant entre 10 et 250 millions d'euros et impliquant des équipes d'une trentaine à plusieurs centaines de personnes en environnement international.  



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