Patrick
Mercier (Challenger House)
"Le
rôle de challenger n'a pas que des inconvénients"
L'entreprise challenger dispose
d'un avantage clef face au leader : une plus grande marge de manoeuvre.
De quoi développer le culte de l'innovation ou de la provocation.
(26 juin 2003)
Patrick Mercier, le président de l'agence de communication Challenger
House, intégrée au groupe Leo Burnett et spécialisée
dans la communication des marques challengers, est l'auteur de "Do
More with Less" (Editions acques Marie Laffont). Au travers
d'exemples précis, cet ouvrage livre les différentes stratégies
qui s'offrent à la marque challenger qui souhaite s'attaquer au
leader. Les leviers sont multiples
mais parfois risqués. Explications.
Avant
de s'attaquer au leader, quelle réflexion doit mener la marque challenger ?
Patrick Mercier.
Il faut d'abord faire un état des lieux du marché et surtout détecter
les faiblesses du leader. A ce titre, le meilleur moyen reste de comprendre
le mécontentement client que véhicule le leader. Pour cela,
il suffit de monter des réunions de groupes, des focus groups, avec
des clients. C'est une méthode très rapide et très efficace
: en moins de 48 heures, l'entreprise challenger aura cerné les principaux
points faibles du leader.
En s'appuyant sur cet état des lieux,
quelle stratégie doit alors mettre en uvre le challenger ?
C'est le choix le plus important du plan de bataille. Selon son
secteur et son image de marque, le challenger a tout intérêt à s'appuyer
sur des démarches différentes. L'entreprise peut, par exemple,
partir dans une logique frontale face au leader en cherchant à diviser
le marché. C'est la stratégie choisie par Tele2 face à France Télécom
sur la téléphonie fixe avec une guerre tarifaire. Mais c'est une
piste de travail parmi d'autres. Le challenger peut tout aussi bien
limiter son attaque à une niche grâce à des services innovants,
en espérant par la suite rayonner à partir de ce nouveau point de
chute. Il peut aussi cultiver son côté poil à gratter, en se présentant
comme une solution alternative. C'est la stratégie utilisée par
le groupe Virgin.
Comment déterminer la stratégie
de conquête la mieux adaptée ?
La stratégie la mieux adaptée est celle qui est la plus cohérente
avec les valeurs de l'entreprise et avec la réalité commerciale.
Il a quelques années, Air Liberté avait lancé une campagne TV qui
visait directement Air France. Le spot démontrait par l'absurde
que la qualité de service sur les avions de la compagnie nationale
n'avait rien de remarquable, donc que l'écart de prix n'était pas
justifié. Le problème est que Air Liberté ne faisait pas mieux sur
ses vols. Et le message a fini par se retourner contre eux.
Quels sont les challengers qui vous
impressionnent le plus ?
Pour la longévité de son action, c'est clairement Pepsi face à Coca-Cola.
Pour l'exemplarité de la stratégie, c'est la compagnie américaine
Southwest Airlines. Il y a vingt ans de cela, ils ont tout compris
à la stratégie du challenger en multipliant les innovations commerciales.
Ce sont eux par exemple qui ont inventé les tarifs low-cost ou le
concept de la navette.
Au final, est-ce plus confortable d'être
en position de challenger ou de leader sur un marché ?
C'est l'éternelle question. Etre leader procure certains avantages,
notamment financiers, et permet de peser de tout son poids sur les
différents mécanismes de régulation du marché sur lequel vous êtes
implanté. En revanche, sur le plan commercial, vous êtes davantage
sur la défensive. Le challenger bénéficie d'autres
avantages, notamment le fait d'être en position d'attaque.
Et c'est une posture très favorable à la culture de l'innovation.
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