Journal du Net > Management >  "Nous avons 1.500 responsables environnement dans le monde"
ENTREPRISE
 
09/01/2007

Alice de Brauer (Renault)
"Nous avons 1.500 responsables environnement dans le monde"

Lors d'un chat, la directrice du Plan environnement de Renault a répondu aux questions des lecteurs du JDN Management sur la place du développement durable chez le constructeur automobile.
  Envoyer Imprimer  

Le groupe Renault est régulièrement distingué pour sa politique de développement durable. Lors d'un chat, Alice de Brauer, la directrice du Plan Environnement du constructeur automobile, a répondu aux questions des lecteurs du JDN Management.

Depuis quand travaillez-vous sur le développement durable ? Qu'est-ce qui vous y a amené ?
Alice de Brauer. Je travaille sur l'environnement depuis 1995. J'ai commencé par toute l'organisation environnementale au niveau des usines de Renault puis, progressivement, j'ai ouvert ces réflexions aux produits automobiles. Ensuite, nous avons naturellement évolué vers la notion de développement durable, qui associe l'équilibre de l'environnement avec les domaines sociaux et économiques. Ce qui m'y a amené ? La foi.


Le développement automobile ne peut pas se faire de la même façon et avec les mêmes produits dans les 50 prochaines années"

Les termes "constructeur automobile" et "développement durable" ne sont-ils pas antithétiques ?
Dans la question, il y a deux notions. Celle tout d'abord de développement durable. Est-ce possible de continuer à se développer si tous les pays comme la Chine, l'Inde et le Pakistan se développent comme nous l'avons fait ? La planète est-elle capable de le supporter ? C'est une vraie question à laquelle je ne sais pas vraiment répondre. Quant à l'automobile, il est clair que son développement ne peut pas se faire de la même façon et avec les mêmes produits dans les 50 prochaines années. Il faut prendre en considération trois problématiques majeures qui sont l'appauvrissement des réserves naturelles, les questions de santé publique liées à la qualité de l'air dans les zones urbaines, et les changements climatiques. Cependant le transport est aussi un énorme facteur de progrès, qui, en permettant la circulation des biens et des personnes, permet d'accéder à la santé et l'éducation, ainsi qu'à plus de confort. Il faut donc inventer la mobilité durable et d'autres types de produits automobiles.

Quelle est la politique de Renault en matière de développement durable ?
La politique de Renault va de la stratégie à long terme jusqu'aux actes quotidiens à court terme, et s'inscrit dans un équilibre entre les trois dimensions que sont l'économie, le social et l'environnement. C'est une définition banale mais aussi une vraie révolution sachant que ces vingt dernières années, on privilégiait le domaine économique. Le développement durable n'est pas une mode. C'est un chemin qui s'inscrit année par année dans le long terme. Il en va de la pérennité future de l'entreprise.

Vous êtes directrice du Plan environnement chez Renault. Pouvez-vous nous dire ce que recouvre ce Plan ?
La logique d'un plan, c'est d'abord de proposer et de fixer des objectifs de progrès et ensuite de s'assurer de leur mise en oeuvre dans toute l'entreprise. Le Plan environnement, c'est d'abord des résultats écologiques. Par exemple, Renault, par la voix de son président, en février dernier, a pris des engagements pour les résultats économiques et qualité, mais aussi un engagement écologique : vendre dès 2008 un million de véhicules produisant moins de 140 grammes de CO2 au km parcouru, dont un tiers à moins de 120 grammes, et proposer une double offre de biocarburants. Le plan consiste à organiser l'ensemble de l'entreprise à tenir ces engagements.

Qu'est-ce qui est polluant dans le métier de constructeur automobile ?
Les effets sur l'environnement doivent être mesurés sur tout le cycle de vie de la voiture, en partant des pièces fabriquées par les fournisseurs, la fabrication par nous-mêmes des automobiles et de leur moteur, l'usage de la voiture par le client, et enfin, le recyclage du véhicule en fin de vie. Pour la fabrication, les principaux effets sur l'environnement sont la consommation d'énergie, les émissions de solvants dans l'air lorsque l'on peint la voiture, les rejets d'hydrocarbures dans l'eau quand on usine les pièces. Pour l'usage de la voiture, c'est essentiellement la consommation de carburant, les émissions de CO2 et de particules. En fin de vie, il s'agit de limiter les déchets qui sont mis en décharge. Tous les résultats des effets sur l'environnement sont rendus publics sur notre site renault.com, rubrique développement durable.

Comment est-il possible de vendre toujours plus de voitures d'une manière durable (sans nuire à l'environnement) ?
La question de la mobilité durable trouvera des solutions dans les progrès des voitures elles-mêmes. Cependant deux acteurs sont fondamentaux. Les premiers sont les pouvoirs publics qui, par leurs incitations ou leur législation, peuvent orienter l'usage de la voiture. Les seconds sont les conducteurs qui peuvent réduire considérablement les effets des transports sur l'environnement par leur façon de conduire.

Dites-nous... à quand les voitures complètement propres ?
Une voiture propre, comme une machine à laver propre, comme une salle de bain propre... je ne sais pas vraiment ce que cela veut dire. Par contre, que les voitures progressent pour réduire leurs émissions et leur consommation est incontournable. Par exemple : depuis le 1er janvier 2006, vous pouvez voir affiché pour chacune de nos voitures, un étiquetage CO2 qui va de la catégorie A à G, selon le même principe que les étiquettes de l'électroménager. En 1993, une Renault 19, 1,9 litre DT 93 ch., avec un niveau de dépollution EURO aurait été en classe E avec 172 grammes de CO2. En 2000, sa remplaçante, la Mégane 1,9 l dTi 100 ch. avec un niveau de dépollution EURO2, serait placée en classe C (138 g de CO2). Aujourd'hui, notre Mégane 1,5 l dTi 105 ch. avec un niveau de dépollution EURO4 (émettant 80 % de particules de moins que la Renault 19), est en classe B avec 120 grammes de CO2. Ainsi, nous allons continuer à progresser sur les moteurs diesels et essences, avec l'introduction des biocarburants puis, dans quelques années, avec des technologies électriques et hydrogènes.


Notre réseau représente actuellement plus de 1.500 personnes dans le monde"

De quoi est concrètement fait votre travail au quotidien ? Que faites-vous et avec qui travaillez-vous ?
L'organisation mise en place par le Plan environnement part d'un concept très simple : "il est plus facile d'apprendre l'écologie à tous les métiers que tous les métiers aux écologistes". A partir de ce principe, depuis maintenant dix ans, nous avons construit un réseau de responsables environnement dans chaque métier ou fonction. Le réseau des responsables représente actuellement plus de 1.500 personnes dans le monde qui, le plus souvent, ne sont pas exclusivement dédiées à l'environnement. Mais ce sont celles qui, pratiquant un métier, introduisent l'environnement dans leur métier. Le Plan environnement relie ce réseau et le manage en transversal pour proposer et mettre en oeuvre les objectifs de progrès.

Vous concertez-vous avec d'autres constructeurs automobiles sur la question du développement durable, voire avec des groupes travaillant dans d'autres activités : aéronautique, TIC, BTP ?
Oui, évidemment. Avec les constructeurs automobiles, les échanges sont nombreux du fait que nous sommes dans le même métier, en particulier lorsqu'il s'agit de faire progresser le développement durable pour des fournisseurs communs. Par contre, pour ce qui concerne nos produits, ce sont des domaines concurrentiels. Pour les autres entreprises, dans d'autres secteurs, nous dialoguons énormément. Soit par l'intermédiaire d'associations, soit directement. Ceci est très important car nous abordons tous le développement durable avec beaucoup d'humilité. Par exemple, pour partager nos outils avec les petites et moyennes entreprises de la région Ile-de-France, nous avons monté un club avec la Drire (Ndlr : Directions Régionales de l'Industrie de la Recherche et de l'Environnement) en s'associant avec les entreprises Veolia et LVMH.

Avez-vous un budget comme le marketing ou la communication en ont un ?
Le développement durable, qui se manage en réseau, construit les budgets de fonctionnement au sein du métier lui-même. Par exemple, nous avons à la communication, au marketing ou dans les investissements industriels des budgets visant à l'atteinte de nos objectifs de développement durable. Ainsi, certaines prestations, comme le filtre à particules, ont un coût. Par contre d'autres, comme notre prochain moteur essence turbo TCE, associent écologie et économie pour le client. L'important dans le développement durable est d'introduire clairement les choix écologiques et sociaux dans l'ensemble des décisions de l'entreprise, qui comprend bien entendu l'équilibre économique.

Comment les managers concilient-ils leurs objectifs de court terme (liés à leur bonus de fin d'année) avec les changements de fond à opérer pour le développement durable (à long terme et non récompensés financièrement) ? Comment incitez-vous au changement ?
C'est une question permanente de la vie d'une entreprise mais je dirais aussi, plus largement, de la vie des Etats, et plus petitement, de la vie de famille. Il est indispensable d'avoir des résultats à court terme pour pouvoir financer les évolutions à long terme. Et ceci est particulièrement vrai dans l'automobile lorsque l'on doit mettre des centaines de millions d'euros dans la R&D pour préparer l'après pétrole. Evidemment il ne s'agit pas de sacrifier le long terme.

Et vous, plus personnellement, appliquez-vous certaines règles de développement durable dans votre vie quotidienne ?
Oui, évidemment, mais j'ai franchement encore beaucoup de progrès à faire. En particulier pour la consommation d'énergie à la maison. Par contre, depuis déjà très longtemps, je suis vigilante sur les produits ménagers que j'utilise, sur les produits que j'achète. J'apprécie particulièrement le développement des produits équitables mais malgré tout cela, j'ai encore de belles marges de progrès.


Parcours

Depuis 2001 : Directrice du Plan Environnement du groupe Renault. Alice de Brauer définit et met en oeuvre la politique environnement sur l'ensemble du périmètre de Renault.
1994 - 2000 : Directrice de la politique industrielle environnement, Renault
1990 - 1993 : Secrétariat exécutif du directeur des fabrications (usines de carrosserie, de fonderie et de mécanique), Renault.
1983 - 1989 : Directrice générale de la société Sotexo spécialisée dans la fabrication de sièges automobile.
1980 - 1982 : Chef du département "Traitement de surface et peinture", Renault (Usine de Flins)
1977 - 1979 : Chez Renault, contrôle de gestion des filiales de la branche Automobile.


JDN Management Envoyer Imprimer Haut de page

Sondage

Penserez-vous à votre travail pendant les fêtes de fin d'année ?

Tous les sondages