Journal du Net > Management >  Jean-Marie Filloque (CDSUFC)
INTERVIEW
 
07/11/2006

Jean-Marie Filloque (CDSUFC)
"L'université souffre d'un problème d'image et de communication"

Par méfiance ou ignorance, les entreprises ne confient que très peu leurs salariés aux universités pour la formation continue. Rencontre avec un homme qui veut rapprocher les deux mondes.
  Envoyer Imprimer  

L'université, malgré des atouts considérables et une formidable capacité de recherche, reste encore en marge pour la formation continue supérieure des salariés et peine à tisser des liens fructueux avec les entreprises. C'est l'un des constats que fait le rapport Hetzel, remis au premier ministre fin octobre. Le point sur les difficultés et les enjeux de la formation continue universitaire avec Jean-Marie Filloque, président de la conférence des directeurs de services universitaires de formation continue (CDSUFC).

 

Comment se positionne l'université sur le "marché" de la formation continue ?

 
Toutes les interviews
 
 
 

Jean-Marie Filloque. En 2004, les universités ont accueilli environ 321.000 stagiaires en formation continue, ce qui correspond à une hausse de 1,8 % par rapport à 2003, mais nous avons enregistré une baisse de 4 % de la durée moyenne des formations et finalement le nombre d'heures-stagiaires a décru de 2 %.

Quelques chiffres me paraissent éloquents : d'abord l'université ne réalise qu'environ 8 % du chiffre d'affaires total de la formation continue et ne forme que 4 % des adultes au niveau licence et plus. Il y a donc un potentiel important de valorisation de la recherche qui reste à exploiter. De plus, seules 6 % des recettes de la formation continue universitaire proviennent de la vente de produits aux entreprises, alors que cette proportion atteint 12 % pour l'ensemble du marché. Ceci nous montre le chemin qu'il reste à parcourir pour davantage bénéficier des financements des entreprises.

 

Pourquoi l'université souffre-t-elle d'un tel manque d'attractivité ?


La logique du diplôme comme terminus définitif des études doit être remplacée par le concept de l'insertion professionnelle progressive"

L'université souffre d'un problème d'image et de communication. Elle apparaît aux yeux de beaucoup comme un endroit un peu étranger, où l'on ne sait pas trop ce qui se passe et ce qui s'y fait. Pourtant, c'est à l'université que sont effectués les trois quarts des activités de recherche en France. Nous avons une image négative surtout dans l'industrie qui doute de notre capacité de transfert de compétences. C'est un peu moins vrai dans les services, et notamment dans le secteur bancaire qui n'hésite pas à travailler avec nous. Quant au secteur public, il ne fait pas plus appel à l'université que le privé et l'une des recommandations du rapport Hetzel, est de demander à la fonction publique de montrer l'exemple en faisant davantage confiance à l'université pour la formation continue des fonctionnaires.

Le rapport Hetzel rejoint-il votre point de vue sur le rapprochement de l'université et des entreprises ?
Oui, et ce rapport fait consensus. Sur les quarante préconisations qu'il avance, huit concernent l'employabilité des étudiants. De même, le rapport a raison d'insister sur l'idée que la formation est pertinente tout au long de la vie et que l'université doit s'adapter à cette métamorphose. La logique du diplôme comme terminus définitif des études doit être remplacée par le concept de l'insertion professionnelle progressive et des ponts doivent être construits entre universités et entreprises.

Quels sont les outils qui permettent aujourd'hui ce rapprochement ?


Rien n'incite aujourd'hui un universitaire à s'investir dans des projets de formation continue"

Nous disposons, en France, de nombreux outils pour inciter les entreprises à envoyer leurs salariés à l'université, tels que le droit individuel à la formation (DIF) et les plans de formation en entreprise. Nous avons aussi une panoplie d'instruments pour rendre les formations supérieures attractives. Le dispositif de validation des acquis de l'expérience (VAE), notamment, ouvre beaucoup de portes, ainsi que l'alternance, qui est ouverte aux diplômes de niveau I (master) depuis 1993. Autant de possibilités pour un professionnel de venir ou revenir à l'université pour des formations diplômantes de haut niveau. Par ailleurs, la commission nationale de la certification professionnelle (CNCP) développe aujourd'hui un répertoire national des certifications professionnelles, dont l'objectif est de donner une visibilité à tous les titres et diplômes des certificateurs français, dont les diplômes universitaires. Dans ce cadre, obligation est faite aux universitaires de décrire chacun des diplômes qu'ils proposent en termes d'output, c'est-à-dire sur les compétences précises qu'ils certifient. C'est une petite révolution, d'autant plus que ce répertoire a vocation à devenir européen. Enfin, je note que si la réforme LMD n'a pas vraiment eu d'impact sur l'offre de formations, elle nous a par contre permis de réfléchir en semestres et ainsi de mieux moduler les parcours pour les rendre plus adaptés à la diversité des besoins.

Quels sont les principaux chantiers de la CDSUFC ?
Sites
Conférence des directeurs de services universitaires des formation continue
La commission nationale de la certification professionelle
Rapport Hetzel
Il nous faut d'abord construire des liens plus étroits avec les professionnels pour développer des cursus en fonction des métiers. Nos avons l'exemple réussi de licences et masters professionnels conçus spécifiquement autour d'un métier après une collaboration étroite entre chercheurs et professionnels.
Il nous faut, en interne, encourager nos collègues à travailler avec le monde de l'entreprise. Or du fait du système actuel de promotion à l'université, un universitaire qui veut faire avancer sa carrière, doit se concentrer sur la publication d'articles et rien ne l'incite vraiment à s'investir dans des projets de formation continue. Beaucoup partent d'ailleurs le faire dans le privé. Les changements dans ce domaine passeront donc par un changement de comportement de notre tutelle.
Mais notre université possède aussi des atouts. Elle est notamment plus souple que chez beaucoup de nos voisins. En Allemagne par exemple, la mise en place du dispositif de valorisation des acquis s'avère nettement plus complexe.



JDN Management Envoyer Imprimer Haut de page

Sondage

Quelle est la compétence la plus importante pour être performant au travail ?

Tous les sondages