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ENTREPRISE
 
17/10/2006

Isabelle Mathieu (Avocat associée, Daem Partners)
Du droit au repos à l’obligation d’un repos effectif

Dans un récent jugement, la Cour de justice européenne a interdit que les congés payés des salariés ne soient pas pris. Le droit français n'est pas totalement en conformité avec cette décision. Eclairage.
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En 2006, la Cour de justice européenne a rappelé que "le droit au repos constitue un principe du droit social communautaire revêtant une importance particulière". Saisie d'une question préjudicielle sur l'interprétation de la législation néerlandaise en matière de congés payés, elle a ainsi considéré que les salariés devaient bénéficier d'un droit au repos effectif, qui ne pouvait être remplacé par une indemnité financière.


La décision de la Cour de justice européenne
Dans cette affaire, les Pays-Bas considéraient que leur législation permettait aux salariés de reporter une partie des congés annuels minimaux sur l'année suivante et de renoncer ensuite à les prendre moyennant une compensation financière.


Garantir un droit au repos effectif afin de préserver la santé et la sécurité des travailleurs"

La Cour de justice a jugé, le 6 avril 2006 (affaire C-124/05), cette interprétation contraire à l'article 7 de la directive 93/104 du 23 novembre 1993, telle que modifiée par la directive 2000/34 du 20 juin 2000. Ces dispositions imposent en effet aux Etats membres de prendre "les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales". Le point 2 de l'article 7 précise, en outre, que "tout remplacement de la prise effective du congé par une indemnisation financière est exclu, sauf en cas de fin de la relation de travail".

L'objectif du droit communautaire est ainsi de garantir un droit au repos effectif afin de préserver la santé et la sécurité des travailleurs. La récente décision rendue est l'occasion d'examiner la compatibilité de notre législation aux normes communautaires.


La compatibilité des textes français avec le droit communautaire…

S'agissant de l'impossibilité de remplacer la prise de repos effective par une compensation financière, nos dispositions nationales sont compatibles avec le droit communautaire.

Les règles relatives aux congés payés étant d'ordre public, l'employeur et le salarié ne peuvent pas, d'un commun accord, décider que le droit à congé peut être remplacé par le paiement d'une indemnité. Le législateur français s'est attaché à garantir un repos effectif : l'employeur qui occupe, pendant la période fixée pour son congé légal, un salarié à un travail rémunéré, même en dehors de l'entreprise, est considéré comme ne donnant pas le congé légal (article D.223-1 du Code du travail).

De son côté, le salarié qui exécute, pendant son congé payé, des travaux rétribués, privant des chômeurs d'un travail qui aurait pu leur être confié, peut être l'objet d'une action devant le juge d'instance et condamné à verser des dommages et intérêts au fonds de chômage (article D. 223-2 du Code du travail).


…n'est pas toujours assurée

La pratique des reports de congés sur une période ultérieure suscite des interrogations."

La loi française autorise toutefois certaines exceptions à cette règle : l'effectivité de la prise de congé n'est alors pas garantie. Les chèques emploi-service, par exemple, incluent l'indemnité de congés payés dans le salaire. Les contrats temporaires posent le même problème lorsque la mission couvre une année entière. La pratique des reports de congés sur une période ultérieure suscite également des interrogations. En effet, la législation française, en posant le principe d'une prise du congé annuelle, semble exclure tout report de congés. Si la Cour de justice ne s'est pas encore prononcée sur ce point précis, la logique voudrait que le report, tout au moins de la période minimale, soit contraire au droit communautaire.

Et toujours
Mettre en place un compte épargne-temps
Le report des congés payés sur un compte épargne temps n'est ainsi possible que pour la cinquième semaine de congé, et/ou les jours de récupération qui n'ont pas la nature juridique de congés payés. Toutefois, le report de congés payés sur la période suivante n'est pas condamné ni par la jurisprudence, ni par l'administration, aucune limite n'ayant été fixée en ce qui concerne le nombre de jours pouvant être ainsi reportés. Les juges admettant que l'employeur puisse mettre fin à l'usage accordant un droit de report aux salariés, la technique est implicitement validée (Cass. crim. 5 octobre 1993). L'administration autorise, quant à elle, que les droits à congés soient cumulés, après accord entre les parties, pour les travailleurs étrangers, et ce sur plusieurs années.

Même incompatibilité avec le droit européen s'agissant de l'ouverture du droit au repos. Les juges européens ont, en effet, décidé dans un arrêt du 26 juin 2001 (CJCE aff. 173/99) que la directive 93/104 s'opposait à ce que "les Etats membres limitent unilatéralement le droit au congé annuel payé conféré à tous les travailleurs, en appliquant une condition d'ouverture qui a pour effet d'exclure certains travailleurs du bénéfice de ce dernier". La Cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 16 novembre 2004, a, en conséquence, considéré que les dispositions de l'article L. 223-2 du Code du travail, subordonnant l'ouverture du droit au congé payé à l'accomplissement d'une période minimale d'un mois de travail effectif, devaient rester inappliquées. La chambre sociale de la Cour de cassation n'a pourtant pas suivi les juges du fond sur ce terrain : dans un arrêt du 20 septembre 2005, elle a fait application de la limite imposée par la loi française dans l'attente d'une mise en conformité du droit français.


Parcours

Isabelle Mathieu est titulaire d'une double maîtrise en droit des affaires et en droit privé ainsi que d'un DEA en droit social et syndical. Elle a six ans d'expérience au sein d'une Confédérations patronales et de directions des ressources humaines de grands groupes. Elle est avocat associée chez Deam Partners.


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