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ENTREPRISE
 
04/10/2006

Annick Cohen ("Tout sur la fonction RH")
"Le DRH doit aider le manager à devenir développeur de talents"

Le métier des ressources humaines ne se limite plus à la seule gestion administrative du personnel. Les enjeux qui caractérisent dorénavant la profession sont nombreux comme en attestent les questions des lecteurs du JDM.
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En remplaçant les services du personnel de la majorité des entreprises, les départements Ressources humaines ont hérité de nouvelles attributions, de la gestion des compétences à la mise en place de plans de formation sans oublier l'évaluation. Mais au quotidien, la mutation de cette fonction support, en contact direct avec chaque salarié, n'est pas totalement accomplie et les attentes sont encore nombreuses. Auteur du guide "Tout sur la fonction Ressources Humaines" et responsable des formations sur ce thème à la Cegos, Annick Cohen a répondu aux questions des lecteurs du Journal du Management.


Ne trouvez-vous pas que les librairies regorgent déjà de nombreux livres sur la fonction RH ? Quel est l'apport du vôtre ?
Annick Cohen. Ce livre a pour vocation d'être à la fois théorique et pratique. Je ne me suis pas limitée à une approche théorique mais j'ai développé des apports très pratiques dans le livre : grilles de références, diagnostics, fiches outils... D'autre part, le livre aborde les savoir-être du DRH et pas uniquement les savoirs et savoir-faire que l'on trouve dans d'autres livres.

Quelles sont les grandes réflexions en cours quant à la fonction RH ?
La fonction RH doit servir le business tout en préservant de bonnes relations au sein de l'entreprise avec l'ensemble de ses salariés. Le DRH n'est pas qu'un homme de relations. Il doit aussi être orienté stratégie d'entreprise et résultat. L'ensemble des actions qu'il met en place doit servir cette stratégie. Les RH ont pour vocation d'accompagner les changements majeurs dans l'entreprise, notamment l'intégration des générations, des seniors comme des juniors.

Comment faire pour que la fonction RH soit moins submergée par les tâches administratives et plus à l'écoute des besoins des salariés ?

Justement les entreprises mettent en place des SIRH (Systèmes d'information des Ressources humaines). Elles retravaillent sur leurs processus RH pour s'orienter vers les actions prioritaires. Parfois, elles vont jusqu'à externaliser certaines activités qui ne sont pas stratégiques pour la fonction RH.


La fonction RH nécessite des savoirs, des savoir-faire mais aussi des savoir-être."

Retravailler chacun des processus, noter tout ce qui fait perdre du temps et travailler dessus, c'est le moyen d'y arriver. On constate, lors de l'enquête Cegos sur la RH, que le pourcentage de l'effectif dédié aux tâches administratives a tendance à baisser alors que l'effectif total ne baisse pas. Les entreprises ont vraiment fait un travail d'analyse de ces tâches administratives.

Comment redorer le blason des responsables RH dans une entreprise où on ne les voit que comme les distributeurs de chèques restaurant ?
Pour moi, le DRH n'est pas le seul acteur de la gestion des ressources humaines. Le manager a un rôle essentiel à jouer dans le développement des parcours professionnels de ses collaborateurs. Le DRH doit travailler en synergie constante avec les managers pour leur permettre de jouer leur rôle de développeurs de talents. C'est le moyen de redorer le blason de la fonction RH.

C'est au DRH de proposer et de développer des outils RH pour les managers et les former à leur utilisation afin qu'ils puissent devenir de véritables développeurs de talents. Ainsi, il sort de son rôle de donneur d'ordres et permet de développer l'entreprise. Il doit également présenter régulièrement les missions et les résultats de ses actions en lien avec les axes stratégiques de l'entreprise. Il peut le faire auprès des managers. La DRH doit développer un réel marketing RH.

Les pratiques RH n'ont pas besoin d'une touche marketing ?
En effet, le DRH est parfois trop l'homme dans son bureau. Il ne sait pas communiquer sur les actions de l'entreprise. Que cette communication soit écrite ou orale, il y a vraiment à développer des savoir-faire en communication. Il doit montrer sa réelle valeur ajoutée, comment il contribue au développement durable de l'organisation en mettant en œuvre des actions RH ciblées et utiles à la réalisation de la stratégie de l'entreprise.

Par exemple, si l'entreprise veut rester leader en prenant des parts de marché, il doit montrer les bonnes pratiques, élaborer des nouveaux référentiels marketing, organiser des séminaires, rencontrer les nouveaux chefs de produit. Il doit jouer sur plusieurs processus clefs, notamment le développement des compétences et le recrutement.

Avez-vous des conseils à donner sur la localisation d'un service RH afin qu'il paraisse plus accessible aux salariés ?
C'est vrai qu'il faut qu'il soit dans un lieu de passage. Cela me paraît important. Tout en restant près des autres directions. Souvent la DRH est vue comme une nébuleuse logée dans un lieu confiné. Il vaut mieux qu'elle soit facilement accessible pour les salariés.

La plupart des DRH sont d'anciens opérationnels qui souhaitent se reconvertir en milieu de carrière. Ne trouvez-vous pas cela anormal et dangereux, ce manque de professionnalisation de la fonction ?
C'est vrai que c'est une pratique courante. Un bon manager ne fait pas forcément un bon DRH car de nouvelles compétences sont nécessaires. Pour autant, c'est un tournant intéressant car le manager connaît bien l'organisation et l'entreprise. Mais il faut qu'il ait les compétences nécessaires.


Certains processus comme la création d'un plan de formation ou l'évaluation des potentiels et des compétences ne s'externalisent pas."

La fonction RH ne s'improvise pas : elle nécessite des savoirs, des savoir-faire mais aussi des savoir-être comme celui d'être discret, de savoir garder son sang froid, d'être inventif pour imaginer des solutions innovantes, d'être intuitif pour faire des liens entre les différents événements sans oublier la capacité d'écoute et de diplomatie, d'être un bon négociateur, d'avoir le respect de l'autre, tout en étant rigoureux dans l'interprétation des textes législatifs. Ainsi qu'une touche de charisme pour faire passer ses idées et faire son marketing RH .

A partir de quelle taille en moyenne une PME recrute t-elle un DRH ?
On peut constater qu'il n'y a pas forcément un poste à temps plein dans les TPE mais quelle que soit la taille de l'entreprise une personne doit être en charge des ressources humaines. Même à dix personnes, il faut savoir recruter, gérer les compétences... Les personnes cumulent plusieurs emplois mais il est aussi possible de recruter des DRH à temps partagé.

Est-ce une solution efficace de passer par un cabinet extérieur pour gérer ses RH quand on est une PME ? J'ai tendance à surtout y voir un risque...
C'est vrai que tout externaliser représente un risque puisque c'est important de gérer les processus clef. Néanmoins, on peut se faire aider par des consultants et des cabinets pour ne pas faire d'erreurs qui pourraient compromettre l'entreprise à terme. Cela nécessite néanmoins de maîtriser les savoir-faire d'un DRH pour prendre les bonnes décisions au bon moment.

Que pensez-vous des cabinets RH qui multiplient les prestations vers les entreprises ? Où se situe le DRH dans ce cadre ?
On peut constater un effet de balancier. Une entreprise passe à l'externalisation avant d'internaliser à nouveau la fonction. En effet, certains processus ne s'externalisent pas comme par exemple, la création d'un plan de formation ou l'évaluation des potentiels et des compétences. Mais des processus plus annexes peuvent être externalisés : la partie administrative, notamment la gestion des refus de CV. Parfois, les entreprises externalisent car elles n'ont pas les compétences en interne. Cela peut être une phase de transition intéressante pour développer ces compétences en interne. Certains cabinets, dont la Cegos, offrent des prestations de services où elles transfèrent les compétences auprès des personnes de l'entreprise.

Bonjour. Quand on est jeune diplômé, on doit passer une tonne d'étapes, de concours, de tests pour être recruté, surtout dans les grands groupes. Est-ce quelque chose de nouveau ? Ne pensez-vous pas que les entreprises vont trop loin, surtout pour les jeunes ?
Il faut savoir que le recrutement n'est pas une science exacte. Il faut justement multiplier le nombre d'outils pour arriver à avoir une validité suffisante. Dans mon livre, je présente tous ces outils et leur coefficient de corrélation qui indique le lien entre la réussite à une épreuve et la réussite dans l'entreprise. Je comprends que les entreprises multiplient les outils pour que les personnes correspondent au futur emploi et s'adaptent à la culture de l'entreprise.


Une démarche GPEC n'est pas une construction de la DRH : les managers et les salariés doivent être impliqués."

Ce phénomène n'est pas nouveau et il est utilisé dans de nombreuses entreprises européennes et encore plus dans les entreprises américaines et internationales. Avoir plusieurs entretiens, un ou deux tests et une mise en situation me semblent nécessaires pour augmenter la validité des recrutements. Ils doivent aussi permettre aux jeunes recrutés de mieux connaître l'entreprise et de mieux en appréhender l'ambiance. C'est très intéressant et il ne faut pas le rejeter.

Les mises en situation sont, par exemple, extrêmement valides pour le recrutement. On n'embauche pas les gens sur ce qu'ils disent mais sur ce qu'ils font. Ainsi, pour recruter un formateur, il est intéressant de lui faire simuler une séance pour mesurer sa faculté à animer un groupe...

Que pensez-vous du CV anonyme ? La discrimination ne se fait-elle pas pendant l'entretien ?
Le cv anonyme ne devrait rien changer au recrutement si on était uniquement basé sur les compétences nécessaires pour tenir un emploi. C'est donc une bonne chose si cela peut limiter la discrimination.

Pourquoi la mise en place d'un système de "gestion prévisionnelle des emplois et des compétences" est-il souvent associé à la peur du licenciement ? Et non pas comme une passerelle vers la mobilité interne, la formation, etc.
La GPEC permet à la fois de mieux connaître les emplois de son organisation, de réfléchir sur leurs évolutions et de mettre en place des processus RH pour réduire l'écart de compétences entre les compétences nécessaires et les compétences détenues dans l'organisation. C'est un outil puissant mais il ne faut pas tout attendre de cet outil. Il permet à tout DRH d'orienter ses actions et de mettre en œuvre les processus les plus adaptés pour le développement de l'entreprise.

La GPEC est bien un outil permettant de développer la mobilité et les parcours professionnels mais souvent elle est descriptive et se limite à un ensemble de fiches d'emplois et de compétences qui ne sont pas suffisamment utilisées par les managers et les dirigeants. C'est vrai qu'il y a quelques années, elle s'est soldée par des plans de licenciements et aujourd'hui, les deux idées sont associées. Pourtant c'est un outil très riche qui permet à toute organisation de se développer. Une démarche GPEC n'est pas une construction de la DRH : les managers et les salariés doivent être impliqués. Sans oublier la direction générale. J'ai développé cette approche dans mon autre livre, "Manager par les compétences" (éd. Liaisons).

Comment les RH peuvent valoriser les managers de proximité ?
Les managers devraient être les premiers RH de leur équipe. Ils ne savent pas toujours qu'en jouant sur tous les processus RH, ils ont de nouveaux leviers pour manager leurs équipes. Par contre, devenir un développeur de compétences ne s'improvise pas, le manager doit connaître les enjeux de son organisation, la politique RH. Le DRH doit lui fournir les outils adaptés et le former à leur usage. Et avant tout cela, il faut réussir à le convaincre que mener un entretien d'évaluation n'est pas une perte de temps mais vraiment un levier pour manager les équipes. Je pense que les nouvelles générations sont très attentives au rôle de leur manager pour développer leur capital compétences.
Mais pour cela, il faut que les managers soient évalués sur ce nouveau rôle et que cette capacité à évaluer et développer les talents soit prise en compte comme étant une compétence clef de leur fonction.

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On a tendance de plus en plus pour les employés de choisir les entreprises où le milieu est plus convivial. Le DRH a t-il un rôle dans l'entreprise pour créer un milieu plus convivial et comment ?
Il a plusieurs outils. Le DRH doit s'appuyer sur ses managers pour développer un bon climat social. Il y va de sa responsabilité de développer les compétences managériales au sein des entreprises et auparavant, de bien savoir recruter et promouvoir les bons managers. On dit souvent qu'un salarié entre pour une entreprise et sort à cause d'un manager. Les DRH doivent donc développer la culture managériale de leur organisation pour instaurer un bon climat social. La politique RH de l'entreprise joue également un rôle sur ce climat social (politique de formation, de mobilité, de rémunération...).

Vous êtes psychologue de formation. Est-ce toujours la voie royale pour entrer dans la fonction RH ? Est-ce un atout ?
Il y a plusieurs sortes de psychologues : cliniciens, psychologues en psychopathologie... Je suis psychologue du travail et lors de mes études, j'ai beaucoup travaillé sur les formes d'organisations, les sciences sociales et les mécanismes humains. En DESS de psychologie du travail, nous avons développé les axes RH, c'est donc une bonne formation pour démarrer dans la fonction RH. La psychologie nous apprend à être prudent avec l'utilisation des outils et les interprétations. Dans mon livre, je fais référence aux études scientifiques menées en sciences sociales qui permettent de prendre des décisions éclairées.

Quel est le rôle des RH vis-à-vis du mal être des cadres en entreprise ? Que peuvent faire les RH ?
On peut régulièrement mener des enquêtes de climat social, pour toute l'entreprise et notamment pour les cadres pour mieux comprendre quel est ce mal-être et quelles en sont les raisons. La RH a pour rôle de sensibiliser l'encadrement aux problèmes qu'elle perçoit et trouver des plans d'amélioration. Améliorer le management par exemple. Aujourd'hui, la réforme de la formation professionnelle demande au manager d'avoir tous les deux ans une entrevue avec ses collaborateurs afin de les aider dans leur parcours professionnel et leur développement.


Parcours

Annick Cohen est titulaire d'un DESS en psychologie du travail de l'université Paris V. Elle a tout d'abord travaillé chez Sligos comme responsable RH, poste où elle a touché pendant quatre ans à tous les aspects de la fonction. En 1990, elle rejoint l'organisme de formation Cegos pour créer la gamme RH dont elle est aujourd'hui encore responsable. Elle intervient également comme consultante GRH dans différentes organisations. Annick Cohen a notamment écrit avec Annette Soulier, "Manager par les compétences", paru chez Liaisons en 2004. Elle vient de publier "Toute la fonction Ressources Humaines" chez Dunod, guide qui reprend l'ensemble des problématiques RH, du recrutement à la gestion présionnelle des emplois et des compétences, en passant par les plans de formation.
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