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ENTREPRISE
 
26/08/2006

Joanna Pomian (Nemesia)
Savoir aborder le management des connaissances

Mener à bien un projet de knowledge management est délicat. Les conseils d'une spécialiste pour éviter les écueils et mettre en place un management des connaissances efficace.
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Partager les informations, assurer la bonne information au bon moment à la bonne personne, éviter de refaire plusieurs fois les mêmes activités, prévenir les pertes de savoirs dues à différents types de mobilité... autant de préoccupations quotidiennes des entreprises dont la prise en compte porte le nom de "management des connaissances". Parfois, parce qu'elles ont été rebutées par le jargon ambiant, les entreprises refusent de "faire du KM". Or, que la démarche porte le nom de "knowledge management" (KM) ou de management des connaissances, elle fait partie du quotidien des entreprises. De fait, toutes les entreprises gèrent les connaissances, certaines de manière organisée et ordonnée, d'autres de manière plus intuitive et informelle.

De la théorie à la pratique : un exemple de démarche réussie
Voici le cas d'une "joint venture" entre deux concurrents industriels d'hier. Cette association est intervenue à la fin des années quatre vingt-dix, et, dans ce contexte, la direction industrielle de la nouvelle entité commune - dotée d'un nouveau nom - a décidé de standardiser, sur le périmètre monde, les règles de conception. Pour ce faire, elle a nommé un responsable du "KM", dont elle a fixé le périmètre d'intervention et les objectifs de manière claire, même si, par la suite, le KM a été rattaché à la direction de la qualité.

La personne nommée responsable KM avait une bonne connaissance de l'entreprise et une expérience en conception et en production. Elle a contribué à centrer les objectifs sur la production des standards en décrivant des règles de conception sous forme de documents très structurés réalisés à l'aide de la technique dite Information Mapping®, une méthode complète d'analyse, d'organisation et de présentation de l'information qui permet de réaliser des documents très structurés et de ce fait, facilement lisibles et accessibles par les acteurs. Les experts identifiés en fonction des sujets retenus ont tous été formés à cette méthode, de manière à pouvoir produire eux-mêmes les documents demandés. La mise en place - réalisée en parallèle - de l'intranet de l'entreprise, a permis de disposer d'un outil de diffusion et de consultation des livres de connaissances.


Le KM implique avant tout de penser en termes de réussite collective, parfois au détriment de la performance individuelle.

Depuis 2002, la production et l'utilisation des connaissances existantes font partie des objectifs des différentes directions opérationnelles, ce qui a instauré une très forte dynamique de contribution : la réalisation des livres de connaissances se fait de manière continue et leur mise à jour est facilitée par l'appropriation et la large utilisation de la méthode Information Mapping.

L'entreprise ayant une présence mondiale, il a fallu statuer sur la langue de communication. Deux langues ont été retenues, le français et l'anglais, chaque expert rédigeant sa contribution dans la langue qu'il maîtrise le mieux. Ceci a, bien sûr, conduit à renforcer les besoins en traduction technique. C'est ainsi que pour faciliter celle-ci, un glossaire de 860 termes a été réalisé puis diffusé à toute la population au travers de l'intranet, ce qui a permis de renforcer la culture technique commune.

Les réactions actives des sites de production aux livres de connaissances ont conduit à la mise en place de la gestion des retours d'expérience lesquels tracent les apprentissages locaux effectués dans le contexte de la production par rapport aux directives fournies par les experts. De même, des questions posées par les usines à propos de ces directives ont conduit à la définition des "immuables", c'est-à-dire des principes s'appliquant aux points critiques et auxquels les usines n'ont pas le droit de déroger.

La mise en place de ce dispositif et son extension progressive ont été soutenues à la fois par les directions directement impliquées et associées à la réussite de la démarche, et par une communication et une présence active du responsable KM sur le terrain.

En ce sens, il apparaît clairement qu'il est possible de mettre en place, de faire évoluer et grandir un dispositif de management des connaissances industrielles, mais aussi d'en faire un mode de vie et de fonctionnement quotidien, moyennant constance dans l'effort et implication permanente de toute la hiérarchie concernée.


Les écueils à éviter
Souvent, parce qu'il s'agit d'évènements quotidiens et familiers, les entreprises sous-estiment le temps nécessaire pour définir et surtout ancrer la démarche de partage des connaissances dans les processus de travail. L'accompagnement du changement, indispensable, est donc parfois laissé de côté, tout comme la nécessaire adaptation des processus de travail aux nouvelles façons de créer et de diffuser la connaissance. Le "yaka" n'est pas suffisant pour mettre une entreprise en mouvement.


L'implication continue du management est la principale clef de succès d'un projet de KM.

On sous-estime souvent l'impérieuse nécessité de mettre en adéquation les objectifs individuels avec les objectifs collectifs. En effet, le management des connaissances implique avant tout de penser en termes de réussite collective, parfois au détriment de la performance individuelle. Or, si les acteurs sont évalués sur leurs contributions individuelles, le conflit entre les objectifs de la démarche collective et leurs objectifs propres peut conduire à une mort lente de la démarche.

Une autre difficulté, non pas à éviter mais à anticiper, est relative aux modifications éventuelles du système d'information. Dans le cas où cette modification est conséquente, elle doit être prévue et gérée pour éviter d'éventuelles démotivations ou des différences dans le rythme d'avancement du projet. Par conséquent, la mise en phase de l'outil d'une part et des contenus d'autre part est un facteur de succès important. Le déploiement d'un outil sans contenus suffisants et évolutifs provoque un désintérêt rapide.

Les facteurs clés du succès
L'implication continue du management est la principale clef de succès d'un projet de management des connaissances. Le management doit avoir une vision du changement et penser en termes de progrès continu, et d'amélioration de l'efficacité collective. Il doit accepter la remise en cause des habitudes établies. C'est une condition nécessaire dont dépend entièrement la réussite d'une démarche. Les aspects autres, tels que l'organisation, le suivi et pilotage du projet relèvent des conditions classiques de pilotage d'un projet d'entreprise, quel qu'il soit. Néanmoins, il convient d'attacher beaucoup d'attention à la définition des rôles et des missions des différents acteurs, notamment en ce qui concerne les contributions, la validation, la publication et la mise à jour de l'information.

La mise en place du management des connaissances dynamise l'organisation car elle mobilise les acteurs autour de l'acquisition et du développement de leurs propres connaissances et compétences au service d'une stratégie d'ensemble, ce qui contribue à créer une dynamique positive pour tous.

Parcours

Joanna Pomian travaille les questions relatives au partage des savoirs et des connaissances depuis plusieurs années et sous des angles différents. Au travers de l'ingénierie des connaissances (au sein de la CISI), elle a abordé le recueil et la modélisation des connaissances. Ensuite, dès la création de Nemesia en 1995 qu'elle dirige depuis, elle a élargi son approche à prise en compte des problématiques de management, d'organisation et d'efficacité du travail. Elle intervient comme consultant, en réalisant des audits mémoriels et en accompagnant des nombreuses entreprises dans la mise en place des solutions opérationnelles. Parmi celles-ci, on peut mentionner : Air Liquide, BEL, CEA, Dalkia, Faurecia, France Telecom R&D, Imerys, Lafarge Ciments, Matra Automobile, Pininfarina, SNPE et Valeo.

Elle est auteur de "Réussir le management des connaissances", Editions Sapientia, 2006, en collaboration avec Claude Roche, de "Connaissance capitale, management des connaissances et organisation du travail", Editions Sapientia, 2002 et de "Mémoire d'entreprise", Editions Sapientia, 1996.


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