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ENTREPRISE
 
05/07/2006

"Les jeunes sont en décalage avec les fondamentaux de l'entreprise"

La génération qui commence aujourd'hui à travailler peine à se fondre dans le moule de l'entreprise. Dans "Génération 35 heures", Thibault Lanxade, jeune PDG, décrypte ce phénomène.
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C. de Perthuis
P. Debordes

Un jeune diplômé déçu par une augmentation de 25 %, un contrôleur de gestion de 26 ans qui oublie toutes les règles de bienséance en interpellant un vice-président, une assistante qui demande un aménagement de son emploi du temps pour soigner son chat... L'ouvrage de Thibault Lanxade, "Génération 35 heures", regorge d'anecdotes sur l'incompréhension qui s'installe parfois entre les managers et la nouvelle génération. A 35 ans, l'auteur, patron de Gazinox, n'a pourtant qu'une dizaine d'années de plus que ces jeunes recrues. C'est peut-être pour cela qu'il a cherché à comprendre ce phénomène.


Sites
  Le blog de l'ouvrage
  Gazinox
Dans votre livre, vous mettez en scène une génération de jeunes qui fait ses premiers pas dans l'entreprise de manière singulière. Pourquoi assiste-t-on à un tel phénomène ?
Thibault Lanxade. Mon témoignage est un signal d'alarme : un déphasage très fort s'est créé depuis dix ans entre ma génération et celle des jeunes qui commencent leur vie active. Ils sont en décalage avec les fondamentaux de l'entreprise. Ce décalage se manifeste par une tendance très forte à ramener la maison au travail mais pas le travail à la maison. De même, dans leur vie quotidienne en entreprise, les jeunes veulent être en phase avec eux-mêmes et adoptent des comportements nouveaux comme le tutoiement généralisé ou le Friday wear. Ces comportements font qu'ils ne sont pas toujours en phase avec la réalité du business. Ils sont exigeants et impatients, ce qui a par ailleurs de bons côtés. Ils réclament ainsi des augmentations et des promotions qui ne sont pas réalistes : un jeune salarié qui demande 25 % de hausse de salaire à la fin de sa période d'essai doit être replacé dans le monde réel. Parfois, c'est de la candeur, parfois, de la provocation. C'est en tous cas une génération qui ose dire ce qu'on ne disait auparavant pas avant deux ans d'ancienneté. Pour résumer, on peut dire que ces jeunes actifs se sentent plus investis de droits que de devoirs.


Qu'est-ce qui, dans la société actuelle, génère ce décalage ?
L'arrivée des nouvelles technologies tout d'abord : Outlook, Internet, la généralisation des téléphones portables. La nouvelle génération reçoit une quantité d'informations en continu mais elles sont toujours partielles. Je doute que cette information soit bien analysée et synthétisée. En revanche, elle stimule beaucoup la créativité de ces jeunes actifs. La fin du service national a également un rôle à jouer chez les garçons. Le service national était une année sans enjeux, c'est-à-dire sans baccalauréat, sans concours, sans candidature pour un emploi... C'était une année où un jeune homme pouvait prendre du recul, gagner en maturité, dans un contexte militaire ou non, d'ailleurs.

La jeune génération a bien intégré la dimension équilibre vie professionnelle-vie personnelle contenue dans la réforme."

Enfin, la génération qui arrive aujourd'hui en entreprise est la première à n'avoir connu que le système des 35 heures. Elle a bien intégré la dimension équilibre vie professionnelle-vie personnelle contenue dans la réforme. Elle sait très bien comment fonctionnent les 35 heures et elle en tire parti pour les vivre pleinement. Cela a des conséquences sur le comportement de ces jeunes dans l'entreprise : les RTT sont faites pour être prises et le travail s'arrête quand arrivent les congés. Leur engagement semble donc un peu renié. Mais paradoxalement, quand ils travaillent, ils font preuve d'un réel engagement et se sentent investis d'une vraie mission.

Comment l'entreprise doit-elle manager cette nouvelle génération pour en tirer le meilleur parti ?
Il faut parler vrai, avoir un discours de transparence. Cette génération peut tout comprendre et tout accepter. Mais pour elle, le manager ne tire plus son pouvoir de sa fonction ou du fait qu'il ait une assistante et une voiture de fonction. Il doit convaincre leurs jeunes collaborateurs en prenant le temps de les écouter. Toute proportion gardée bien entendu : il faut aussi savoir hausser le ton quand c'est nécessaire. Si l'on veut tirer parti de cette jeune génération, il faut également savoir marier les différentes valeurs. Quand les générations déjà en poste parlent transparence, rigueur, crédibilité, les jeunes sont plus sensibles à l'empathie, la tolérance, l'adaptabilité et la diversité. Le manager doit savoir expliquer le mariage de ces valeurs, reconnaître les spécificités des jeunes, sans pour autant revenir sur les fondamentaux de l'entreprise, comme le respect.

Le manager de proximité est le mieux placé pour canaliser leur énergie et leur richesse créative. Mais ce rôle d'éducation n'incombe normalement pas à l'entreprise. Elle a une mission de formation, avec pour objectif de faire progresser le collaborateur, mais elle ne doit remplacer ni la famille ni l'Education Nationale. Les formations en alternance et les contrats de professionnalisation sont de bons moyens pour rapprocher l'éducation et l'entreprise, à condition que cette dernière joue le jeu et dépasse le cadre de la simple alphabétisation de ces jeunes.


Parcours

Thibault Lanxade est titulaire d'un mastère spécialisé en management de l'organisation et de la qualité de l'Ecole Supérieure de Commerce de Paris. Il dirige depuis 2004 la société Gazinox, leader français de la connectique gaz, devenu filiale de Butagaz (groupe Shell).
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C. de Perthuis
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