Journal du Net > Management >  La chronique de Gérard Pavy
CARRIERE
 
17/05/2006

La chronique de Gérard Pavy
"L'arme secrète du manager "

La démotivation est paradoxalement plus efficace que la motivation pour obtenir de la performance et ce, à moindre coût. Eclairage sur un mécanisme qui peut surprendre.
  Envoyer Imprimer  


A lire
Gérard Pavy est l'auteur de "Dirigeants/ salariés, les liaisons mensongères"
(Editions d'organisation, 2004)
>>> Consulter les librairies

La motivation, c'est un puits sans fond. Il faut multiplier les promesses de bonus, de promotions, de voitures de fonction, de bureaux avec vue. En plus, il faut donner des encouragements, valoriser les gens, jouer de son intelligence émotionnelle. Et c'est pour avoir quoi au bout ? Les gens en demandent toujours plus, ils n'en ont jamais assez : "et pourquoi Théo et Blandine ont reçu plus que moi ?". Finalement, à motiver les gens, on les rend mécontents et ça coûte cher. Ce n'est vraiment pas le bon plan.


Mettre les hommes en action sans dépenser un sou
La solution existe pourtant : obtenir de la performance sans dépenser un sou ! Intéressant non ? Je devrais faire breveter mon petit système, cette arme secrète. Vous voulez savoir de quoi il s'agit ? Faisons ensemble un détour par la médecine générale.

Tout le monde a fait un jour ou l'autre connaissance avec le fameux marteau réflexe du médecin. C'est tout un art : il faut frapper d'un petit coup sec à un endroit précis, le tendon rotulien et, miracle, la jambe se lève sans qu'on ne lui ait rien demandé. Ca, c'est quand tout se passe bien : parfois c'est l'autre jambe qui réagit ! Rien n'est parfait. La psyché humaine fonctionne de même : il suffit de trouver l'endroit précis où taper et l'individu se met en mouvement tout seul !

Où sont les tendons rotuliens de la psyché sur lesquels le manager pourra appliquer son marteau réflexe? Nous y voilà !


Les deux quêtes de perfection
Les hommes se rangent, en gros, en deux catégories selon la nature de ce point sensible. Ils recherchent, chacun à sa façon, une perfection, l'atteinte d'un idéal qui les représente eux-mêmes. Les gens sont prêts à payer cher pour préserver cette illusion : le point sensible se trouve là. Mais les gens divergent sur le type de perfection. Il y a ceux qui privilégient la perfection externe, visible, esthétique : ils sont plutôt du côté hystérique. Et il y a ceux qui s'attachent à la perfection interne, la maîtrise d'une mécanique parfaite : ils sont plutôt du côté obsessionnel. Attention la différence est parfois fine, il faut avoir l'œil exercé. Par exemple, si l'hystérique et l'obsessionnel souhaitent tous deux qu'une table soit propre, le premier recherche avant tout que la table brille avec éclats, tandis que le second se concentre sur la suppression des taches. Evidemment, on trouve dans la nature toutes les combinaisons intermédiaires de ces quêtes de deux types de perfections distinctes.


Le mode d'emploi de l'arme secrète
Il suffit alors au manager de donner au bon moment le petit coup fatal sur le point sensible pour qu'immédiatement la personne se mette automatiquement en mouvement. Dans le management, ce sont les mots et donc la parole qui remplacent le marteau du médecin.

Avec l'hystérique, celui qui est en quête de perfection externe, le mode de management efficace est le suivant. Dites-lui que sa "présentation powerpoint" manque de souffle stratégique, d'ambition, de clarté ou de style et ne vous semble pas assez fluide. Ajoutez que Dupont, son collègue du département voisin, a fait beaucoup mieux : c'est un argument très efficace. En somme, son travail vous semble banal, voire bas de gamme. Alors, vous verrez votre collaborateur ou collaboratrice rougir de honte et passer la nuit à refaire ses "transparents" pour repriser les accrocs, mettre en valeur les arguments et retrouver une posture décente.


Ce n'est pas la honte qui va le mettre en mouvement mais la culpabilité"

Avec l'obsessionnel, celui qui recherche la perfection interne, il faut le titiller sur la cohérence formelle de son affaire : dénoncer l'optimisme excessif du scénario proposé, les approximations risquées dans les calculs, le manque de rigueur de l'argumentation, le dépassement des délais ou son arrivée en retard en réunion. Bref, vous pointez du doigt un certain laisser-aller. Ce n'est pas la honte qui va le mettre en mouvement mais la culpabilité. Vous lui avez montré qu'il ne maîtrise pas son projet. Il travaillera sans relâche pour le remettre sous contrôle. Il va se torturer au travail pour éponger sa culpabilité.

Quête de perfection externe ou interne, honte ou culpabilité, sont donc les deux leviers les plus efficaces pour obtenir de la performance de vos collaborateurs. Et en plus, l'avantage par rapport aux leviers de motivation traditionnels, c'est qu'ils ne coûtent rien. Ils sont gratuits. C'est vraiment le meilleur rapport qualité prix de tout ce que vous trouverez sur le marché. Pas besoin de faire de benchmarking, le marteau réflexe a gagné : un petit coup de démotivation et ça repart. Adjugé vendu.

Mais, que vois-je, trônant sur votre bureau ? Le fameux marteau réflexe ! En fait, je ne vous apprends rien : c'est déjà ce qui se passe au quotidien dans votre organisation, n'est-ce-pas ? Votre marteau a des traces d'usure sur le côté droit.



Les précédentes chroniques de Gérard Pavy :
Le CPE, le gouvernement et l'anorexique
L'entreprise, le pater familias et l'auteur
A vous de jouer !
Le jeu de l'oie : de l'art de démotiver en 5 étapes
Il paraît que j'ai des préjugés ?
Un dirigeant totémique... sinon rien
Le choc anaphylactique du manager !
Je me torture et j'aime ça
Vivement la révolte des cadres...
Les dessous chics et psychiques du "non" à l'Europe
Influencer les autres : fausses pistes et bons leviers
Sans l'inconscient, l'entreprise n'avance pas


Parcours

Gérard Pavy, 51 ans, est consultant, sociologue, et psychanalyste. Il dirige Pavy Consulting, société de conseil et formation en management. Il est par ailleurs chargé de cours au sein du MBA HEC. Il est l'auteur de "Dirigeants/ salariés, les liaisons mensongères" (Editions d'organisation, 2004) et de "La logique de l'informel" (Editions d'organisation, 2002). Avant de fonder Pavy Consulting, il a été vice-président d'Aon Management Consulting, directeur général de Celerant Consulting France et senior manager cherz Accenture. Gérard Pavy a collaboré pendant dix ans avec Michel Crozier.


JDN Management Envoyer Imprimer Haut de page

Sondage

Penserez-vous à votre travail pendant les fêtes de fin d'année ?

Tous les sondages