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ENTREPRISE
 
10/03/2006

Comptoir des Cotonniers : la marque qui monte

Un marketing innovant et une production optimisée ont permis à l'enseigne de prêt-à-porter féminin de progresser de 35 % par an depuis 2000. Une stratégie qu'elle veut décliner à l'international.
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C'est à Castelginest, petit village de Haute Garonne, que Tony Elicha a fondé, en 1995, le Comptoir des Cotonniers. Depuis, la marque de prêt-à-porter féminin moyen-haut de gamme fait un carton plein. Des marges parmi les meilleures du marché, des chiffres d'affaires par boutique assez remarquables (800.000 euros en moyenne), une croissance régulière d'environ 35 % par an depuis cinq ans, une première place parmi les marques femme en grand magasin, notamment au Printemps et aux Galeries Lafayettes qui génèrent respectivement 3,3 et près de 3 millions d'euros de chiffre d'affaires pour 75 m²... Bref, l'aventure du Comptoir des Cotonniers est une véritable success story.

Ventes Détail TTC en milliers d'euros
(Estimations 2006 - Source : Comptoir des Cotonniers)


Un concept marketing basé sur un lien fort avec les clientes
Le véritable décollage de la marque intervient deux ans après son lancement, en 1997, alors qu'elle ne compte que deux magasins : l'un à Toulouse, l'autre à Paris. C'est de l'observation des mères et des filles faisant leurs courses ensemble que vient le déclic.

A partir de là, l'enseigne fondera toute sa communication sur la relation mère-fille. Exit, les mannequins glacés, place aux "vrais gens", binômes fusionnels de mères et de leurs filles, pour représenter la marque. A l'époque, toutes les agences de publicité jouent les Cassandre, sur le thème "quelle fille voudrait ressembler à sa mère ?" L'enseigne réplique qu'il n'est pas question de cloner mères et filles et que si elle crée plutôt pour les secondes, l'objectif est que chacune puisse trouver son bonheur dans ses boutiques.

Le Comptoir des Cotonniers décide donc de développer son marketing en interne et décline son concept : disque de chansons interprétées par des couples mère-fille, concours littéraire de nouvelles, parrainage d'une pièce de théâtre, tournoi de tennis en double mère-fille… Pour Frédéric Biousse, PDG de la marque, "C'est ce qui a fait exploser la marque. Cette notion authentique est reconnue, en particulier à l'heure où toutes les autres marques vont vers l'anonymisation. Si nos castings mères-filles attirent 10.000 candidatures par saison, c'est bien parce que nous prônons quelque chose de vrai. Il ne s'agit même plus de marketing. La meilleure preuve, c'est que dans les pays où nous sommes très peu connus, beaucoup de femmes s'inscrivent quand même."


Une stratégie de distribution ciblée
Le choix de petites boutiques sur rue, en centre ville, conçues pour une clientèle haut de gamme qui ne fréquente pas les centres commerciaux et fait ses courses à pied, resserre encore le lien entre la marque et ses clientes. Plus humaines que les mégastores, elles permettent aussi une excellente rentabilité au mètre carré.

Evolution du nombre de points de vente
(Source : Comptoir des Cotonniers)


Des coûts de revient parfaitement maîtrisés
Au-delà d'une relation client très forte, une autre raison majeure explique la réussite de l'enseigne : tous ses process de production sont également très bien pensés. D'abord, une équipe de production, en interne, élabore le produit jusqu'à sa finalisation. Une fiche technique est ensuite réalisée, qui détaille très précisément la quantité de matériau requise et le temps nécessaire pour la fabrication de l'article. Le Comptoir des Cotonniers réalisant lui-même ses achats de tissus, il récupère les 20 % de marge que soustrait habituellement l'intermédiaire. Mais il peut aussi envoyer la quantité exacte de tissu dont ses usines ont besoin. Enfin, un contrôleur qualité est présent sur place pour s'assurer que tout est fait sans gâchis. Le prix de revient industriel des produits est donc strictement maîtrisé.

Nous sommes en entrée de gamme pour les femmes qui ont de l'argent et en haut de gamme pour celles qui en ont peu."

Frédéric Biousse

Conséquence de son excellente rentabilité, les marges confortables situent la marque parmi les très bons élèves du secteur. Sans donner de chiffres, Frédéric Biousse confesse pudiquement "de jolies performances". Et ajoute : "H&M et Zara ont des marges opérationnelles magnifiques. Le premier grâce à des volumes énormes, le deuxième par un positionnement soit très basique, soit à la pointe de la mode, avec des vêtements faits pour s'écouler très vite." En terme de positionnement, le Comptoir des Cotonniers se situe exactement entre le très simple et le très mode : "Ce n'est pas pour rien que nous n'avons pas de t-shirts vraiment basiques en boutique, nous ne saurions pas les proposer à des prix raisonnables. Nous sommes meilleurs sur les alliances de matières et savons trouver le "truc en plus" qui donne une âme à un vêtement simple. Ce positionnement, plus haut de gamme que H&M et Zara, nous place en entrée de gamme pour les femmes qui ont de l'argent et en haut de gamme pour celles qui en ont peu."


Un processus de production accéléré pour se caler sur les dernières tendances
L'organisation familiale du Comptoir des Cotonniers a, depuis ses débuts, été un gage d'efficacité. Mais ainsi que le note Frédéric Biousse, "comme toutes les entreprises familiales qui grossissent, le risque est de ne pas arriver à franchir le cap", notamment pour réussir son internationalisation. Pour répondre à ce défi, l'enseigne a engagé, depuis quatre ans, tout un processus de réorganisation interne, destiné à adapter son mode de fonctionnement aux ambitions qu'elle se fixe. D'abord, en réalisant des investissements informatiques et logistiques, qui permettent aux 240 magasins européens d'être livrés à J+1 tous les jours et réassortis automatiquement. Mais aussi en améliorant le processus de création des vêtements. Plus rapide qu'avant, il permet de créer très tard dans l'année.

Ce que nous savons faire, ce sont les vêtements pour femme. Pour le reste, nous y allons très doucement."

Frédéric Biousse

"C'est d'ailleurs la clé de notre réussite actuelle, estime Frédéric Biousse. Nous sommes début mai et nous n'avons pas commencé la collection automne-hiver. En effet, nous ne validons pas un seul produit tant que nous n'avons pas vu les défilés des créateurs, pour être sûrs d'être dans la tendance." Une fois les défilés des créateurs passés, en mars pour la collection automne-hiver, l'enseigne crée ses vêtements rapidement et organise ses propres défilés en juin - et non en septembre comme avant. Ce qui lui laisse deux mois supplémentaires pour produire ses articles. "Autant de produits en plus en boutique en entrée de saison", se réjouit Frédéric Biousse.


Une montée en puissance des fonds d'investissements pour aider la croissance à l'international
Toujours dans l'optique de permettre à l'enseigne d'atteindre une masse critique, cela fait maintenant deux ans que la famille Elicha se désengage progressivement de sa société. D'une part en recrutant des cadres dirigeants, dont l'actuel PDG, "engagé pour mettre en place une organisation qui tourne sans les fondateurs." Mais aussi en revendant peu à peu leur capital à des fonds de pension. Dernièrement, le groupe japonais Fast Retailing - sixième groupe de textile mondial avec 4 milliards de dollars de chiffre d'affaires - a repris 31 % du Comptoir des Cotonniers et 51 % des droits de vote. Et pour Frédéric Biousse, "il serait dans la logique des choses qu'il monte à 100 % prochainement."

Le Comptoir des Cotonniers en chiffres
(
Source : Comptoir des Cotonniers)

Création : 1995
Chiffre d'affaires 2005 : 130 M€

Croissance :
+35 % du CA, soit + 24 % à périmètre constant
Effectif : 600 personnes
Actionnariat : 31% fonds d'investissement Fast Retailing, 31% fonds d'investissement Alpha, 38 % famille Elisha et cadres dirigeants de la société

La grande priorité pour la marque est son développement à l'international. En 2005, elle y réalisait 9 % de son chiffre d'affaires et prévoit qu'en 2006, cette part atteigne 18 %. A terme, le Comptoir des Cotonniers vise un chiffre d'affaires Monde égal au chiffre d'affaires France. Si, pour l'instant, la marque ne dispose que de 20 boutiques hors de l'Hexagone, principalement en Europe, elle prévoit d'en ouvrir 130 autres en quatre ans. Et constate avec satisfaction que la Corée du Sud et le Japon se montrent très friands de ses produits.


Une diversification prudente
Deuxième axe de développement, plus timide cependant, la diversification. "La marque a pris un virage assez fort, il y a deux ans, vers plus de féminité, confie Frédéric Biousse. Par ailleurs, nous proposons une gamme d'articles plus large. Le prix moyen d'un article reste de 105 euros, mais le panel des prix est plus étendu. On touche donc une clientèle plus large." Mais au-delà du prêt-à-porter femme, l'enseigne réfléchit également à d'autres produits. Il y a un an et demi, la marque a lancé une collection enfant, en très petite quantité, qui a très bien marché. La lingerie devrait suivre dès cette année, avant une ligne d'accessoires au Japon dans deux ans. Autre grand projet : le prêt-à-porter homme, réclamé par beaucoup de clientes. Mais sur le sujet, Frédéric Biousse préfère rester prudent : "Ce que nous savons faire, ce sont les vêtements pour femme. Pour le reste, nous y allons très doucement."

L'enseigne va cependant devoir faire face à un challenge de taille : ne pas devenir prisonnière de son image. Il s'agit du syndrome Lacoste ou Agnès B, qui après un état de grâce, ont vu leurs marges de rentabilité s'effondrer. Mais pour le PDG du Comptoir des Cotonniers, le style de la marque se démode moins vite que celui de ses concurrents. Il constate d'ailleurs : "Nos clientes portent leurs vêtements pendant plusieurs années. C'est l'avantage d'être à la fois mode et discret. Et de toutes façons, nous ne reconduisons pas non plus nos articles d'une année sur l'autre. Mais au moins, la marque garde ses codes."

Les recettes du succès

Un concept marketing qui crée un lien étroit avec les clientes.
De gros efforts sur les coûts de revient.
Un processus de production innovant relevant du" just in time".
Une stratégie volontaire à l'international.
Une vitesse de développement maîtrisée.


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