Gérard Pavy (consultant)
Entreprise : sous les structures, les émotions

Si vous souhaitez voir et comprendre comment fonctionnent concrètement les moteurs psychiques dans une entreprise, allez voir "Sauf le respect que je vous dois", film qui vient de sortir dans les salles de cinéma.

Le contexte est celui d'une PME, assez grande, dans laquelle surgit un drame humain qui va déclencher un certain nombre de réactions. Certes, la pointe dramatique du scénario ne se retrouve pas tous les jours dans nos organisations, fort heureusement. Mais les processus à l'œuvre sont universels. Tous les managers qui recherchent des recettes (bien qu'on leur dise qu'il n'y en a pas !) devraient aller le voir. Ce n'est pas un documentaire. Laissez les acteurs, excellents, vous embarquer dans cette histoire tendue et captivante et l'explication de texte se révèlera toute seule.

Les mécanismes à l'oeuvre
Sans révéler l'intrigue, on peut démonter quelques-uns de ces mécanismes à l'œuvre, à la fois individuels et collectifs, et comprendre comment ils opèrent pour nouer le fonctionnement de nos organisations, de vos organisations.

Une entreprise, avec ses dirigeants, ses salariés et leurs liens humains est le "théâtre" de ce film. Que s'y passe-t-il ? Un évènement, dramatique, vient y semer le trouble. Pour faire simple, deux clans se forment. Le premier, majoritaire, rejette la faute de l'incident sur la personne qui en est à l'origine. C'est le parti de l'ordre. Pour, le second, emmené par une personne isolée, il y a quelque chose à dénoncer dans le fonctionnement de l'entreprise : l'événement n'est qu'un symptôme. Entre les deux clans, c'est bientôt la haine.

Est-ce le système qui est vicié et qui rend fou ? Ou bien le système est-il sain, mais il a besoin d'être protégé de la folie d'un marginal ? Le fonctionnement d'un groupe est souvent abêtissant et il faut l'énergie d'un individu, de facto héroïque, pour qu'il retrouve le droit chemin. Maintenant je vous laisse vous faire votre propre opinion en allant voir le film.

Le ricochet
Quand un événement entre en résonance avec une question intime qu'une personne n'a pas résolue, question qui, à son insu, gît toujours en elle, cette connexion brutale met en branle des forces latentes colossales, contenues depuis trop longtemps. Irrésistiblement, ces forces accouchent de comportements qui, par leur dynamique, échappent à la personne et se confrontent brutalement à la réalité. Du choc peut émerger un nouvel ordre ou équilibre, mais au prix de pertes importantes.

Le film vient alimenter utilement le débat sur les rôles du manager et du coach en entreprise."

Si vous vous y prenez bien, en lançant une pierre sur l'eau, elle va ricocher. La même chose se passe chez les humains avec les émotions, comme le montre le film. Ainsi le paquet d'émotions lancé par le premier événement va percuter l'un des acteurs dans son fantasme intime. Il ne pourra le résoudre qu'en passant à son tour à l'acte. Et ainsi de suite.

Le mécanicien de l'âme et la pudibonderie
La voiture, symbole de vie et de mort, de libertés et de contraintes, sert de lien entre les différentes scènes, comme pour indiquer qu'il faut savoir prendre le temps de s'arrêter pour passer au contrôle technique. Mais qui sera le mécanicien de l'âme, individuelle et collective qu'elle transporte ?

Le film vient alimenter utilement le débat sur les rôles du manager et du coach en entreprise. Qu'on le veuille ou non, l'inconscient se rappelle à nous, d'autant plus fortement que nous cherchons à l'éviter, à le nier.

Un mode de management et de coaching, assez répandu, croit régler son sort à l'inconscient en l'excluant de son code déontologique. Quel est l'intérêt de cette pratique ? Sinon de donner un gage à un management pudibond, au prix d'une politique de l'autruche obscurantiste, dangereuse et vaine. Le film montre que c'est exactement l'inverse qu'il faut faire ! Il faut d'abord se débarrasser de toute pudibonderie, pour se confronter à l'humain avec plus de courage. A quand les hommes oseront-ils cette franchise, sauf le respect... ?