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22/02/2006
Des Français heureux au travail mais pas dans leur entreprise
Si l'implication du salarié français dans son travail est proche de la moyenne des autres pays européens pris en compte par le baromètre, il a, plus qu'ailleurs, le sentiment de s'accomplir dans son travail. "Le Français se réalise socialement dans son travail, commente Didier Zoubeïdi, directeur marketing international d'Accor Services. La charge affective qui les lie est très forte." En effet, 42 % des Français interrogés ressentent "souvent" le travail comme un accomplissement d'eux-mêmes, contre 30 % en moyenne. Il se révèle être pour eux autant une source de plaisir que de sécurité. Le Français n'hésite d'ailleurs pas à mélanger vie professionnelle et vie privée dans des proportions supérieures à la moyenne européenne. Le profil du salarié français se rapproche de celui des Britanniques, peu investis mais très accomplis, qui voient le travail plutôt comme une routine. Il se situe en revanche à l'opposé de celui des Allemands et des Belges. Pour ces derniers, le travail représente essentiellement une sécurité et leur implication, plus marquée, répond moins à des motivations personnelles.
Mais l'amour affiché des Français pour le travail n'est pas pour autant synonyme de bien-être dans leur entreprise. Au contraire, ils apparaissent frustrés et nombre d'entre eux songent à la quitter. Une rémunération insuffisante, des perspectives d'évolution trop lointaines et des relations conflictuelles avec la hiérarchie viennent principalement expliquer cette frustration. A l'image des Anglais, très enclins à être infidèles à leur employeur, les Français quitteraient donc bien volontiers leur entreprise pour obtenir de meilleures conditions de travail ailleurs si la conjoncture le leur permettait. Mais leurs vux restent pour l'instant lettre morte.
Ce constat est tout particulièrement valable pour les cadres. Mécontents de leur rémunération, de leurs conditions de travail et de leurs relations avec la hiérarchie, ils sont 38 % à examiner avec attention toute opportunité de quitter leur entreprise, contre 32 % en moyenne européenne. "L'étude confirme la fracture, déjà observée, entre les cadres classiques et les cadres supérieurs, analyse Didier Zoubeïdi. Alors que les cadres supérieurs s'identifient de plus en plus à leur entreprise, les autres décrochent et deviennent bien moins fidèles." Cause ou conséquence de leur déception, les attentes des Français à l'égard de leur entreprise sont très nombreuses. Ils sont favorables à un interventionnisme poussé de leur employeur dans des proportions bien supérieures au reste de l'Europe, exception faite de l'Espagne. Ainsi, 62 % des cadres français considèrent comme prioritaires les actions de l'entreprise en matière d'épargne salariale et de retraite. La moyenne européenne n'atteint que 40 %. La demande de formation s'est également renforcée depuis la mise en place du DIF : 60 % des salariés la jugent prioritaire, contre 46 % en Europe. Un écart essentiellement dû aux attentes des employés et ouvriers mais également des cadres supérieurs.
Selon les conclusions du baromètre, le salarié français se trouverait donc à la croisée de plusieurs "modèles". Il est historiquement proche de l'Allemand qui voit le travail avant tout comme un contrat liant fortement une entreprise avec son salarié. Mais il tend de plus en plus vers le profil du Britannique, dans son détachement de l'entreprise : opportuniste, il est prêt à rompre ce contrat pour améliorer ses conditions de travail. Le "modèle" suédois, fondé sur un travail utilitaire, séparé d'une vie privée qui seule vraiment compte, peut aussi être une alternative. "Le modèle hybride français va certainement évoluer mais il est difficile d'anticiper vers quoi il va tendre, estime Didier Zoubeïdi. L'évolution du modèle allemand, remis en question par les récents licenciements d'entreprises comme Volkswagen, est à surveiller car s'il réussit sa mutation tout en conservant ses fondamentaux, la France suivra certainement sa trace."
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