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02/09/2005
Philippe Compagnion
(Insep Consulting)
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Une organisation peut améliorer son efficacité en créant des lignes d'échanges d'information ou de traitement des tâches différant des lignes hiérarchiques classiques. L'idée n'est pas nouvelle : depuis longtemps, projets, processus, directions fonctionnelles, organisations matricielles, valorisation des réseaux informels sont venus compléter ou déformer les organigrammes des grandes organisations et apporter leurs lots de méthodologies associées (gestion de projet, pilotage et amélioration des processus ) aujourd'hui très répandues et même assez standardisées. Pourquoi vouloir alors insister davantage sur ces structures transversales quand tant de choses ont déjà été dites sur leur management ? Pour plusieurs raisons :
La multiplication des structures transversales
Ce qui marque l'évolution récente n'est pas tant l'existence de ces structures
que leur multiplication et leur taux de croissance. Après les difficultés d'adaptation
à la modification des natures d'organisation qu'a constitué l'incursion de structures
transversales, le défi à relever consiste désormais davantage dans la gestion
de leur nombre et de leur rapidité d'apparition : la tentation est grande de créer
une équipe transversale pour la moindre urgence ou le moindre sujet, ce qui finit
par diluer complètement la notion de lien hiérarchique pourtant ancrée depuis
des générations dans les mentalités des individus. La traditionnelle question
"A qui je rapporte ?" perd son sens et d'autres formes de liens au sein de
l'entreprise, ou entre le salarié et l'entreprise même, sont à mettre en place.
Les coûts de coordination ont un potentiel de baisse substantiel" |
La
place du middle management
Cette évolution est source de grandes
difficultés pour le middle management, traditionnellement cheville ouvrière des
organisations. Cette question du lien est en effet particulièrement critique pour
le middle management car les personnes qui le composent sont les plus exposées
au management transversal : en tant que managers bien sûr, responsables de l'atteinte
des objectifs dans un univers de moyens et de contraintes plus complexe, mais
aussi en tant que contributeurs soumis à des sollicitations émanant de sources
de plus en plus nombreuses. On serait face à un encadrement privé de sa fonction
d'encadrement et lui-même encadré par un système de demandes et de contraintes
multiples.
La
nécessité d'un management global
L'optimisation du
management global de ces structures est un savoir-faire différent de ceux mis
en jeux dans le management d'une de ces structures. Ces changements majeurs exigent
plus que des réponses ponctuelles, une démarche d'ensemble vis-à-vis d'organisations
moins organisées (ou organisées différemment en tout cas).
Une tendance de fond
Toutes
les organisations ont constamment cherché à trouver la position optimale entre
planification/centralisation (censée réduire les coûts de coordination) et localisation
(censée réduire les coûts de sous-performance). Deux évolutions modifient cet
équilibre. D'une part, à l'instar de l'évolution des interfaces inter-entreprises,
les coûts de coordination ont un potentiel de baisse substantiel grâce aux nouvelles
technologies de l'information. Encore faut-il que les principes organisationnels
permettent de les atteindre. D'autre part, à force de dire à chaque consommateur
"qu'il le vaut bien", l'entreprise a aussi fait comprendre à l'employé qu'il avait
droit à plus d'autonomie. Reste à faire en sorte que celui-ci ait les repères
nécessaires pour assumer les responsabilités qui accompagnent ce changement dont
les conséquences s'avèrent bien plus importantes qu'initialement prévu.
Parce qu'il s'agit là d'une tendance de fond, la première des choses à faire est sans doute de ne pas chercher à la combattre. Elle s'installe sans doute en effet pour longtemps. Comme pour tout changement de fond, c'est au déni et à la volonté d'immobilisme qu'il faut en priorité s'attaquer. En revanche, il faut l'accompagner et tenter d'en maîtriser les effets, ce qui suppose d'agir à la fois sur les hommes et sur l'organisation.
Il s'agit bien plus de polariser que d'organiser" |
Agir sur les individus
Le bon
fonctionnement transversal n'est pas uniquement affaire de méthodes ou de procédures
à intégrer. Il est avant tout une question de compréhension de sa contribution
et de sa libre acceptation fondée sur un nouvel équilibre entre l'employé et l'entreprise.
Accepter sa contribution (c'est à dire y consentir dans le cadre du projet personnel
et du projet de l'entreprise) permet davantage de mettre l'accent sur l'action
et l'interaction que sur le statut, et de bâtir son travail et sa carrière sur
ses talents, source de motivation et d'excellence. Cela renvoie à la capacité
d'interdépendance avec son environnement. Travailler cette interdépendance, c'est
servir à la fois les objectifs de performance de l'entreprise et d'employabilité
des individus, puisque l'entreprise ne peut plus (et n'a pas à) leur garantir
l'emploi.
Agir
sur l'organisation
Ici encore, le bon fonctionnement transversal
n'est pas affaire de méthodes ou de procédures à mettre en place. Il s'agit bien
plus de polariser que d'organiser. L'attention et l'énergie ne doivent plus tant
être dirigées vers l'exhaustivité de la description des fonctions et des tâches
que vers l'identification du minimum vital au fonctionnement de l'entreprise,
minimum qui constitue la base du nouveau lien entre l'employé et l'entreprise.
Des notions telles que les valeurs et les principes sont incontournables dans
cette démarche. En fait, il s'agit la encore, au niveau cette fois de l'organisation,
de lui donner les moyens de se recentrer sur sa raison d'être et ses moteurs de
performance qui sont la meilleure garantie de sa propre employabilité, c'est-à-dire
de sa compétitivité. Par ailleurs l'entreprise a également son rôle à jouer dans
la mise en place de l'interdépendance avec ses employés : elle doit créer les
conditions de la poursuite de projets de carrières fondés davantage sur l'apprentissage
et l'augmentation des compétences que sur la pure progression statutaire. Au-delà
des discours déjà presque éculés, elle doit le faire cette fois pour de bon.
Bien plus qu'une mode, le management transversal est donc une nouvelle façon de travailler, une nouvelle façon de penser le travail .
Parcours |
Diplômé de Polytechnique et de l'Ecole nationale supérieure des télécommunications, Philippe Compagnion débute en tant que consultant en nouvelles technologies dans une SSII avant de rejoindre un cabinet de conseil en stratégie. Après un MBA obtenu à l'Insead, il entre chez SFR pour y assurer différentes fonctions d'études, de recherches économiques et de marketing. Il devient ensuite directeur de la stratégie chez SFR puis Cegetel. Il rejoint le pôle internet de Vivendi Universal, puis dirige une filiale dédiée au CRM. Chez Insep consulting, il développe l'offre liée au déploiement de stratégies et de projets de changement : construction d'un projet stratégique par une équipe de direction, développement du leadership au service de ce projet, mise en place de dispositifs permettant de le déployer. Philippe Compagnion est membre de l'équipe de direction et directeur de la stratégie d'Insep consulting. |
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