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ENTREPRISE
 
21/09/2005

Pascal Ansart (Celerant Consulting)
Agir plutôt que de lutter contre le courant des délocalisations

Directeur général de Celerant Consulting France, Pascal Ansart explique en quoi les délocalisations sont nécessaires. Autant les préparer.
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Celerant consulting
Marginal pour de nombreux économistes, tendance lourde et inéluctable pour d'autres, sujet brûlant s'il en est au moment où les Français ont refusé de ratifier le texte de la constitution européenne, les délocalisations cristallisent toutes les inquiétudes, toutes les rancœurs : gouvernants, salariés, syndicats parlent d'une même voix pour les condamner, n'hésitant pas, dans le même temps, à montrer du doigt les chefs d'entreprises ayant fait ce choix. Pourtant, les délocalisations ne sont pas un phénomène économique nouveau. Dès les années 1970, des entreprises de textile choisissaient déjà de délocaliser leur production.

Trop souvent confondue avec les investissements directs à l'étranger, la délocalisation se définit, au sens strict, comme la fermeture d'une unité de production en France suivie de sa réouverture à l'étranger et dans une réimportation des produits fabriqués. Dans cette acceptation et même si leur nombre ne cesse de croître, on ne peut pas encore parler de déferlante. Les délocalisations ne représentaient que 4 % de l'ensemble des investissements français à l'étranger en 2003*.


Dynamiser la demande et se lancer à la conquête de nouveaux marchés"

Certes, lutter contre ce phénomène est une attitude noble, mais vaine si l'on écoute la plupart des économistes. La donne a aujourd'hui changé. La mondialisation observée ces dernières décennies a donné naissance à un modèle de répartition géographique des activités assez complexe. Les entreprises réfléchissent désormais en termes de réseaux internationaux et recherchent des partenaires et sous-traitants au niveau mondial. Bien évidemment, les considérations de rentabilité et de coût ne sont pas absentes de ces décisions mais sont corrélées avec les perspectives commerciales et la conquête de nouveaux marchés.

Les délocalisations ne sauraient donc être jugées à l'aune unique du critère de recherche d'un salaire minimum. Elles doivent être analysées de manière globale, en fonction de la potentialité de croissance des entreprises et donc de leur stratégie d'allocation des actifs industriels à travers le monde. Elles apportent en effet aux entreprises la possibilité d'un recentrage stratégique sur les éléments majeurs de la chaîne de valeur ajoutée. La mobilité et le développement sur les compétences clés de l'entreprise permettent de renforcer sa compétitivité.

Le fait d'investir dans les pays émergents, en particulier en Asie, où il existe des pôles industriels compétitifs et innovants, offre des possibilités nouvelles de fabrication et permet de débrider la créativité technique et marketing. Les avantages générés par les différentes localisations possibles permettent de spécifier les unités de production, de profiter de la croissance des pays et zones d'accueil tout en respectant des impératifs de développement durable.

L'entreprise peut ainsi dynamiser la demande du marché par un renouvellement continu de son offre et se lancer à la conquête de nouveaux marchés comme le font la plupart des acteurs clés de notre industrie, de la grande à la moyenne entreprise. Le consommateur final bénéficie en conséquence d'un choix plus large qui correspond davantage à ses attentes.

Si nous choisissons la politique de l'autruche, nous finirons par perdre notre industrie"

Ces mouvements permettent donc à un groupe de préserver sa compétitivité, de maintenir une activité opérationnelle, et développer des produits à plus haute valeur ajoutée sur notre territoire. Arrêtons donc de vilipender nos chefs d'entreprise. La délocalisation est une tendance de fond, il n'y a pas de cynisme dans la démarche de ceux qui délocalisent. C'est une décision difficile qu'il ne faut pas prendre à la légère. Les délocalisations sont faites à contre-cœur par les dirigeants français qui n'explorent cette possibilité qu'en ultime recours.

Ce qu'il faut travailler c'est le pilotage du changement et la culture du progrès permanent :

Exploiter tous les gisements de productivité existant dans nos industries
Anticiper et prévoir l'évolution des compétences et des métiers
Préparer le terrain et mieux comprendre les cultures dans les pays émergents pour réussir ces investissements.
En un mot, "agir" plutôt que de "lutter contre le courant".

Dans notre économie mondiale, s'opposer aux délocalisations devient une douce utopie. La recherche d'une meilleure compétitivité est l'élément essentiel dans la prise de décision d'une délocalisation. Toutefois, elles doivent s'inscrire dans une stratégie internationale d'allocation d'actifs. Elles ne peuvent réussir que par une anticipation et un accompagnement rigoureux, et un travail sur les comportements dans le pays d'accueil comme dans le pays d'origine. Néanmoins si nous choisissons la politique de l'autruche, y compris dans les métiers où la France ne peut plus être aussi compétitive, nous finirons par perdre notre industrie.

* Etude réalisée par le ministère de l'Economie et des Finances.

Parcours
Directeur général de Celerant Consulting France depuis 2003, Pascal Ansart a débuté sa carrière au sein du groupe Philips en tant que responsable des ressources humaines en 1983, après une MSG et un 3ème cycle de gestion à Paris. En 1986, il rejoint le groupe Bossard Consultants où il devient, en 1994, partner en charge de l'activité qualité/orientation client. À compter de 1998, il prend la responsabilité, chez Gemini consulting, des activités conseil du secteur industrie et opérations. Après le rapprochement de Cap Gemini avec Ernst & Young fin 2000, il devient successivement directeur exécutif de la division industries puis directeur exécutif de la division conseil en management France.

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