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EXPERT
 
25/05/2005

Par Annie Ducellier (Isotélie)
Les paradoxes de la vitesse

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  Isotélie

Nous sommes victimes d'un décalage grandissant entre la vitesse offerte par nos moyens de communication usuels et notre vitesse de prise de décision. L'accélération des moyens de communication ne s'est pas accompagnée d'une accélération de la prise de décision : nos neurones fonctionnent à la même vitesse qu'il y a trente ans, quand les échanges se faisaient au rythme du courrier papier.

Quand j'ai commencé ma vie professionnelle en 1976, nous ne disposions que du courrier papier postal et du téléphone, et encore nous n'avions qu'un poste téléphonique pour deux ingénieurs. Les échanges avec les clients prenaient plusieurs jours et chaque lettre commerciale était soigneusement pensée et rédigée. Il est vrai que nous vendions des équipements dont le délai de livraison se comptait en mois. Aujourd'hui, messagerie électronique, fax, téléphone portable permettent plusieurs allers-retours entre clients et fournisseurs par jour, très souvent rédigés très vite, dans l'instant, dans l'immédiateté.

Une augmentation du délai de prise de décision
Mais le rythme de la prise de décision, lui, n'a pas changé. Il est même parfois plus lent qu'auparavant : il est courant que le client demande une réponse pour dans trois heures ou trois jours et prenne trois semaines, voire trois mois, pour décider, quand il se décide. Est-ce que les risques encourus sont plus importants ? Ou leur perception ? Ou leurs conséquences ? En tout cas, malgré cette accélération, on observe in fine une augmentation du délai de prise de décision au quotidien.


Une confusion de plus en plus fréquente entre urgent et important"

Et nous sommes tous pris au piège. Nous sommes alternativement dans la position du client et du fournisseur, notre comportement change en conséquence. Dans un autre domaine, regardez comme notre attitude varieelle aussi quand nous sommes automobiliste face à un piéton puis, dans la même journée, piéton face à un automobiliste.

Au bout de la chaîne, ce décalage entraîne une confusion de plus en plus fréquente entre urgent et important. Des choses très urgentes mais sans importance sont accomplies tous les jours (ah, le plaisir de rayer une ligne sur la "to do list") quand des choses très importantes sont mises de côté car elles n'ont pas d'échéance fixée, donc pas d'urgence, jusqu'au jour où il est trop tard.

Des sportifs de haut niveau
L'utilisation des technologies de communication a fait également voler en éclat la séparation entre bureau et domicile : téléphone portable et messagerie rendent le cadre joignable 24 heures sur 24 et en tout lieu. La conséquence de ces modes de fonctionnement est la suppression des temps morts et la pression permanente mise sur les équipes.

Il y avait auparavant, entre deux périodes de sur-activité, des périodes plus calmes, où chacun pouvait travailler sur un rythme moins effréné, prendre le temps de la réflexion, de la formation, du tri, du développement. On demande aujourd'hui aux cadres d'être des sportifs de haut niveau. Sauf que les sportifs de haut niveau font rarement des carrières de 42 ans, durée de travail attendue des jeunes générations pour arriver à une retraite à taux plein vers 67 ans.

A chacun son mode de fonctionnement
Face à ce tableau plutôt pessimiste de notre environnement de travail, que faire ? Au niveau individuel, chacun est amené à déterminer quelles sont ses valeurs fondamentales, les règles sur lesquelles il ne souhaite pas transiger, et la marge de manœuvre qu'il s'autorise en fonction des contraintes de sa situation. Chacun bricole également petit à petit son mode de fonctionnement, sa gestion du temps, ses outils. Il peut être utile pour cela de se faire aider, à travers formations, coaching, partage d'expériences avec des pairs, etc. Chacun peut également tenter une plus profonde remise en cause de temps en temps, lors d'un changement de poste par exemple ou d'un événement plus personnel.


Il faut parfois du temps pour voir les effets de balancier jouer"

Au niveau de l'entreprise, on a vu apparaître depuis quelques années des chartes de fonctionnement : concernant la gestion du temps (bannissement des réunions tardives ou prolongées - dont l'efficacité reste parfois à prouver - par exemple) ou à propos de l'utilisation d'outils comme la messagerie ou l'Intranet, les fameuses "Net-étiquette". Là encore, des méthodes et des outils permettent d'améliorer significativement et l'efficacité et la motivation des personnes concernées.

Au niveau plus général de notre société, il faut parfois du temps pour voir les effets de balancier jouer. On peut ainsi constater qu'en matière de téléphonie portable dans les lieux publics (cinéma, train, restaurant), une certaine auto-régulation a fini par se manifester. Certes, il reste fréquent de croiser des personnes dont chacun croit qu'elles parlent toutes seules avant d'apercevoir l'oreillette qu'elles portent. Mais nous sommes aujourd'hui un peu moins souvent dérangés par les sonneries de téléphone qu'au moment de l'introduction de ce nouvel outil.

Les nombreux articles de presse qui soulignent un des paradoxes français - cumuler un record de productivité horaire avec un record de taux de chômage - accélèrent également la prise de conscience que nous fonctionnons globalement "à l'envers" et que des changements indispensables devront se produire.

Parcours

Annie Ducellier a fondé le cabinet de conseil Isotélie spécialisé dans la mise en place de politiques d'égalité et de mixité au sein des entreprises. Diplômée d'HEC, Annie Ducellier a occupé divers postes de commercial, de management et de conseil chez IBM France, puis a été directeur des opérations services de Lotus.


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