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INTERVIEW
30/03/2005
Jean-Sébastien
Lantz (ENST)
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Le 18ème prix Turgot du meilleur livre d'économie financière 2005 a été décerné à Jean-Sébastien Lantz, enseignant-chercheur à Télécom Paris, pour son ouvrage La VALO : valorisation stratégique et financière. L'auteur y livre son analyse concernant les clés de la création de valeur des entreprises innovantes grâce à l'externalisation du risque financier.
Votre livre a été vendu à 1.500 exemplaires,
un bon score pour un livre de management. Vous venez par ailleurs
d'obtenir le prix Turgot. Comment expliquez-vous ce succès ?
Jean-Sébastien Lantz. il s'agit d'une réponse à la
problématique financière de l'innovation dans l'entreprise, une
problématique très contemporaine. Depuis 1997, nous
avons beaucoup appris sur ce thème. J'ai travaillé trois ans sur
ce livre pour décortiquer tout ce savoir-faire.
Justement,
quels sont les principaux enseignements depuis 1997 ?
Au début, les business models étaient brouillons, puis ils se sont
normalisés. Aujourd'hui, il faut construire son business model selon
les caractéristiques de son produit ou de son service. De 1996 à
2000, les start-up se sont développées, et ont essuyé beaucoup de
plâtre. On tire maintenant les fruits de cette apprentissage, dont
l'impact touche aussi les grandes entreprises. C'est maintenant
la gestion en mode projet qui prend son essor.
Pourquoi la valorisation financière
prend-elle de plus en plus d'importance ?
Depuis 1996, nous assistons à une financiarisation de l'entreprise.
L'innovation nécessite un soutien financier et industriel, voire
un soutien des laboratoires. Chacun souhaite voir son soutien rémunéré.
Il faut donc définir des modèles incitatifs de rémunérations, et
pour cela donner une valorisation de l'entreprise.
Si le produit innovant s'avère porteur, elles utilisent leur droit de tirage" |
Quels obstacles financiers empêchent-ils
l'entreprise d'innover ?
Les grandes entreprises se délocalisent. Elles sont confrontées
à des problèmes sociaux et de croissance. Face à cela, elles doivent
innover. Cependant, l'innovation se révèle financièrement risquée,
alors qu'elle préfèrerait être gérée comme une rente immobilière.
D'après mon enquête, il est deux fois plus risqué et deux fois moins
rentable d'avoir une stratégie intense de R&D dans le secteur des
nouvelles technologies. En effet, l'investissement en R&D implique
une augmentation des charges et donc une baisse du bénéfice. De
plus, si vous placez la R&D en immobilisation, elle sera jugée comme
une immobilisation incorporelle difficilement vérifiable, ce qui
se répercute sur le risque de l'entreprise. Par conséquent, les
entreprises qui font de la R&D s'en trouvent sanctionnées.
Le
prix Turgot
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Le prix Turgot est remis tous les ans au meilleur livre d'économie financière, en partenariat avec le quotidien économique La Tribune. Le choix est effectué par un jury composé de vingt-cinq personnalités du monde de la finance, des universités et des entreprises. Ce 18ème jury était présidé par Pierre Jars, ancien président de la Fédération européenne des analystes financiers. |
Dans ces conditions, comment peut-on
créer de nouveaux produits ?
Les "spin-off" (lire la définition),
ou entreprise-projets, se développent. Aux Etats-Unis, elles existent
depuis les années 80. Thales, Philips ou encore Siemens excellent
en ce domaine. Les grands groupes possèdent environ 10 % du
capital dans des start-up, qui n'apparaissent donc pas dans le bilan
consolidé. Si le produit innovant s'avère porteur, elles utilisent
leur droit de tirage. Les capital-risqueurs voient ainsi leur sortie
assurée. Le risque financier n'est plus financé par l'entreprise
mère mais externalisé sur les dirigeants, capitaux-risqueurs et
parfois un fournisseur. Le risque social est aussi transféré,
car une grande entreprise a plus de mal à licencier en cas d'échec.
Ces projets réussissent-ils mieux ?
Le taux de mortalité d'une start-up dans les hautes technologies
est proche de 80 %, contre 15 % pour une "spin-off".
Qu'est-ce que cela implique en termes
de management ?
Cela développe l'esprit d'"intrapreneur". Le manager peut révéler
son talent grâce à ce système. Schlumberger et Bouygues Télécom
organise leurs propres concours de projets innovants en interne
qui aboutissent à des projets en interne ou à des "spin-off".
Au départ, cela ne créé que quelques emplois de très haut niveau.
Mais si le produit réussit, cela peut en créer beaucoup.
En
savoir +
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Que faut-il pour promouvoir l'innovation
en France ?
Aujourd'hui, un conflit culturel oppose la recherche et l'industrie.
On ne peut pas les mettre dans le même lit et attendre que cela
se passe. Il faut donc qu'ils se rencontrent dans une entité extérieure,
l'incubateur. En France, on brevète très peu, donc on ne valorise
pas. Les institutions ne peuvent généralement pas vendre de brevets,
ce qui n'est pas le cas à Télécom Paris. Ce qui manque, ce sont
des fondations qui permettent de financer la recherche fondamentale.
Grâce à celle-ci, le chercheur peut montrer à l'industriel comment
le produit fonctionne. Cela ne signifie pas forcément des montants
élevés. Pour mon dernier projet, j'ai reçu 20.000 euros de la Fondation
Louis le Prince Ringuet, ce qui m'a permis d'embaucher un thésard
et d'acheter un logiciel.
Parcours
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Jean-Sébastien Lantz a débuté sa carrière dans le capital-risque avant de devenir un expert de la finance dans le domaine des technologies de l'information. Il est aujourd'hui maître de conférences à Télécom Paris (Ecole nationale supérieure des télécommunications). Il y dirige le mastère commun de Télécom Paris et de l'Essec : "Management de projets technologiques". Il est également enseignant à HEC, aux Ponts et Chaussées, à Paris II (Assas) et à l'Edite (Ecole doctorale d'informatique, de télécommunications et d'électronique) de Paris. Il vient de recevoir le prix Turgot pour "La VALO : Valorisation stratégique et financière" (Maxima >>> Consulter les librairies). |
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