Journal du Net > Management >  Interview : Christophe Bonduelle (Bonduelle)
INTERVIEW
 
09/03/2005

Christophe Bonduelle (Bonduelle)
Les entreprises familiales offrent une vision à long terme

Depuis quatre ans, Christophe Bonduelle a pris les rênes de l'entreprise familiale, qui a forgé sa notoriété dans la conserverie. 150 ans d'histoire et de valeurs.
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Bonduelle en chiffres
Chiffre d'affaires 2004
(en mds d'euros)
1,4

Effectifs salariés

8 000
Présence
Europe géographique

Sites de fabrication
(dans le monde)

25

A 45 ans, Christophe Bonduelle a été élu meilleur entrepreneur français de l'année 2004 par Ernst & Young. Une deuxième consécration pour l'homme qui est devenu président de l'entreprise familiale en 2001, après en avoir été directeur général pendant huit ans. Depuis ses origines, Bonduelle se développe autour d'un unique produit de base : le légume, avec des combinaisons multipliées à l'infini et des recettes marketing qui font mouche. Rencontre.

Vous êtes président de Bonduelle depuis 2001. Comment s'est passée concrètement cette succession ?
Christophe Bonduelle. La transition a été toute naturelle. J'ai travaillé de façon étroite avec mon prédécesseur, Daniel Bracquart, entre 1993 et 2001. J'étais alors directeur général. La continuité a été totale sur le plan de la politique d'entreprise, de l'organisation et au niveau humain. A partir de 1999-2000, et avec l'aval de Daniel Bracquart, j'ai commencé à organiser le groupe en grands centres de profits, déclinés juridiquement en filiales, en déléguant.

Comment se caractérise le caractère familial de l'entreprise Bonduelle ?
Sur le plan historique, Bonduelle est tout d'abord une entreprise familiale éponyme, créée en 1853. Sur le plan financier, elle appartient encore aujourd'hui à 55 % aux familles Bonduelle. 4 à 5 % du capital sont directement détenus par le personnel même de l'entreprise, du fait de notre politique d'intéressement plaçable dans un fonds constitué d'actions Bonduelle. Les 40 % restants sont en Bourse. Sur le plan des statuts, l'entreprise est enfin organisée en commandite par action depuis 1995. Nous disposons d'un noyau dur d'actionnaires commandités, en clair quinze membres de la famille Bonduelle. Il s'agit d'une véritable protection contre les OPA mise en place lors de notre introduction en Bourse en 1998.

Justement, que vous a apporté l'introduction en Bourse ?
L'introduction en Bourse nous a non seulement apporté de la liquidité, mais a aussi renforcé notre visibilité dans le monde en tant que relais dans la communauté financière. C'est un véritable atout pour développer nos affaires, obligeant à un plus grand équilibre dans les priorités de l'entreprise, entre la vision familiale à long terme et la pression de la Bourse sur le court terme.

Bonduelle a racheté Cassegrain en 1989, Michel Caugant en 2003 ou encore Vita en 2004. La croissance externe est-elle un axe de développement stratégique pour l'entreprise ?
Cette stratégie n'est pas nouvelle pour Bonduelle : en moyenne lissée, la croissance historique est équilibrée entre l'externe et l'interne. Comme dans tous les secteurs d'activité, une entreprise se trouve toujours en position d'être grosse par rapport à une petite, et petite par rapport à une grosse. Bonduelle n'est pas une entreprise incontournable, mais nous avons une taille compétitive réalisant des économies d'échelle, avec une première place en Europe dans le domaine de la conserve et numéro deux dans le surgelé. Nous sommes donc actifs en croissance externe.


Nous consacrons 15 millions d'euros par an à la R&D"

L'innovation est-elle toujours possible dans votre secteur d'activité ?
Bien entendu. Avec une cinquantaine de bases de légumes différentes, déclinées dans des technologies, des coupes ou des mélanges différents, soit au total 2.500 références, notre mot d'ordre est de décliner le légume sous toutes ses formes. Nous comptons parmi nos produits et nos innovations phares la conserve lancée en 1926, le surgelé créé au milieu des années 60, sans compter les petits pois carottes dans les années 50 qui sont aujourd'hui rentrés dans les mœurs. Plus récemment nous avons lancé le sachet souple pour les professionnels de la restauration, les légumes minutes déjà cuits et, cette année, la conserve Tétra Recart en carton. Aujourd'hui Bonduelle consacre 1 % de son chiffre d'affaires à la R&D soit 15 millions d'euros par an, une centaine de personnes et une cinquantaine de projets en cours.

Bonduelle est une entreprise active dans la voile. Vous sponsorisez Jean le Cam depuis 1999. Quelle place prend cette initiative à l'interne ?
La voile a une dimension interne, il est vrai, très forte. C'est un outil fédérateur, source de motivation et de fierté, l'effet étant nettement plus important que ce que l'on imaginait au départ. Depuis cinq ans, 2 000 collaborateurs de Bonduelle ont eu l'occasion d'aller voir le bateau et de le visiter, lors des départs ou des arrivées de course, donc de se l'approprier. C'est devenu une fierté pour nos collaborateurs de voir leur bateau à la télévision. Concrètement, suivant les lieux de régate ou de course, nous affréttons à partir d'usines proches un bus pour les salariés et leur fournissons un panier repas. Ils ont ainsi pu rencontrer le skipper et l'entendre raconter ses aventures.

Et quel est l'impact de ce sponsoring à l'externe ?
Je vous mentirais en vous disant que la voile n'est pas pour Bonduelle un investissement externe. Mais ce n'est pas que ça. Notre budget marketing global est de l'ordre de 50 millions d'euros, le double d'il y a dix ans. Ce budget est réparti sur vingt pays pour assurer la publicité de notre marque et notre présence dans les médias. Nous sommes d'ailleurs très connus en Russie, en tout cas autant qu'en France. Le bateau, lui, ne pèse que 3 % de ce budget.


Permettre un travail d'appropriation des valeurs par les salariés"

Suite à votre nomination, vous avez commandé fin 2002 à l'ifop un sondage sur l'état d'esprit des salariés de l'entreprise. Pourquoi cette démarche ?
Bien sûr. Tout juste après avoir pris la présidence du groupe, je me suis attaché à définir les valeurs du groupe et à faire évoluer la politique de gestion des ressources humaines pour la rendre plus riche. Il faut savoir que Bonduelle connaît une très forte croissance externe : 50 % de l'effectif n'était pas là il y a cinq ans. Dans ce contexte, il est important de décrire les valeurs de l'entreprise pour permettre un travail d'appropriation par les salariés. Il faut que les valeurs soient effectivement partagées. C'est pourquoi nous avons demandé à l'Ifop un sondage interne, pour mesurer l'état de mobilisation et de motivation.

Quels ont été les résultats de ce sondage ? Un tel outil vous a-t-il été utile ?
De mémoire, ce sondage indiquait que 97 % des salariés de Bonduelle étaient fiers de leur entreprise, alors que la norme Ifop est de l'ordre de 85 %. Les réponses qualitatives de l'enquête, qui sont très locales sur les attentes, nous ont appris beaucoup de choses. Le tri suivant les statuts, les sites ou les pays nous ont permis d'adapter la politique RH. La pertinence de l'outil nous a convaincu de réitérer ce type d'opération tous les trois ou quatre ans pour mesurer l'état d'avancement et d'efficacité de la politique mise en oeuvre.

Quelles ont été les mesures concrètes prises à la lecture de ce sondage ?
Suite à une attente importante sur le sujet, nous avons par exemple revu la sécurité au travail en déclenchant notamment des plans de formation plus draconiens et des investissements. Pour l'évaluation annuelle, nous avons également introduit dans le guide d'entretien des notions sur les valeurs de l'entreprise pour encourager la fixation d'objectifs sur les comportements demandés. Toutes ces initiatives ne sont pas mises en oeuvre en partant du seul principe que si le personnel est bien dans sa peau alors il sera motivé et il travaillera bien. La prise en compte des attentes des salariés fait partie des trois objectifs fixés par l'actionnaire familial : indépendance, pérennité et épanouissement des collaborateurs. Cet objectif d'actionnaire est clairement exprimé, et pas seulement par le management.


Un style de management participatif, collégial, convivial"

Comment définiriez-vous votre style de management ?  
Je privilégie le respect des individus et j'essaie d'être équitable, de faire preuve d'ouverture, en accordant ma confiance a priori sans juger à la tête du client, ce qui responsabilise et donne de l'autonomie. Dans l'entreprise, nous essayons de faire évoluer les compétences de chacun au travers, notamment, d'un organisme de formation interne. Au final, les gens disent qu'il se sentent plutôt bien chez Bonduelle, même si c'est un métier qui demande beaucoup de travail surtout en été où il fait chaud. Autrement, je dirais que mon style de management est participatif, collégial, convivial avec un maximum de transparence, ce qui correspond exactement à la forme de notre entreprise, avec directoire et patrons de filiales.

Quels sont les patrons que vous admirez le plus ?
Je dirai Yves Gonnord de Fleury-Michon, pour son travail, son parcours. Gérard Mulliez d'Auchan pour le travail accompli en une génération, pour ses valeurs humaines et sa politique pionnière en matière d'intéressement. Le plus souvent mes modèles sont effectivement issus de trajectoires familiales, qui offrent selon moi plus de cohésion et une vision à long terme, un souci des hommes. Et du bon sens.

Parcours

Diplômé de l'école de hautes études commerciales (EDHEC) en 1982, Christophe Bonduelle commence sa vie professionnelle comme consultant marketing chez Map Conseil (1983-1984) puis directeur commercial chez Hemmerle (1984-1985). Il ne rejoint l'entreprise familiale qu'en 1985, tout d'abord au poste de responsable de production puis directeur de l'usine de Warluis. De 1989 à 1992, Christophe Bonduelle occupe successivement le poste de directeur général de Bonduelle Espagne et Bonduelle Ibérique. En 1992, il devient directeur du métier "Surgelé grand public Europe" et en 1993 directeur général du groupe. En 2001, Christophe Bonduelle prend la présidence du dirctoire.


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