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Expert 
 
septembre 2004

Par Francis Lotzer
France-Asie, deux modes de management

Ce qui fait la différence entre les deux modes de management, c'est la réponse du collaborateur face au style de management de son responsable hiérarchique.
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Le DRH international d'un groupe français : Vous me dites que vous ne vous opposez jamais à votre responsable hiérarchique. Mais si ce dernier vous demande de vous jeter du cinquième étage d'un building, que faites-vous ?"
Un cadre chinois d'une filiale du groupe français à Hong Kong :
Je cherche un compromis."

Ce petit dialogue pourrait faire sourire si il n'était pas représentatif d'une certaine réalité asiatique.

Contrairement à un certain nombre d'idées reçues, si l'on compare le style de management en France et en Asie on ne trouve pas de différences fondamentales. Dans les deux cultures le style de management est globalement plus autoritaire que démocratique. Certaines études sérieuses montrent que dans les domaines du partage de l'information et de la décision de la part de la hiérarchie, les entreprises dites de l'ouest (occidentales) seraient plus ouvertes que les entreprises asiatiques. Mais les consultants en ressources humaines qui travaillent pour les entreprises privées et publiques sont bien placés pour voir que ces deux notions font encore cruellement défaut en France. Qu'on le veuille ou non, la France se distingue encore par de fortes structures hiérarchiques et un style de management plutôt autoritaire.

En revanche, ce qui fait la différence entre les deux modes de management, c'est la réponse du collaborateur face au style de management de son responsable hiérarchique .

En France, le collaborateur, aidé par son tempérament latin ainsi que par une évolution des différentes législations sociales au cours du siècle dernier, s'autorise à contredire peu ou prou son responsable hiérarchique. Exprimer une différence de point de vue, savoir dire "non" ou prendre une initiative font partie de la palette des réactions possibles face à la hiérarchie, même si ces actions pourraient souvent être amplifiées et mieux utilisées. En fonction de la personnalité des employés, la manifestation de cette opposition peut aller d'un simple signe non-verbal (moue dubitative) jusqu'à l'expression orale franche d'un désaccord.

En Asie, le collaborateur s'interdit de contredire sa hiérarchie. Au pire il exprimera sa réprobation de façon non-verbale, ne livrant ainsi qu'une fraction de sa pensée, que l'on peut comparer à la partie apparente d'un iceberg. Cela dit, même s'il n'explicite pas son désaccord, celui-ci peut-être très fortement "ressenti". Cette réaction d'une responsable française dirigeant une équipe chinoise à Hong Kong "Cela ne me paraît pas indispensable qu'ils m'expriment verbalement leur désaccord, je le vois et je le ressens".


Une allégeance aveugle à l'autorité"


Cette notion de réprobation très timide est particulièrement intéressante pour le consultant formateur français face à des stagiaires hongkongais ou vietnamiens. Le désaccord ou la réprobation s'exprime par des silences ou par des contre questions plus que par des déclarations verbales claires. Pour comprendre l'importance du "ressenti" en Asie, on peut se référer sans risque à un livre, probablement l'un des meilleurs sur le sujet : La tentation de l'occident d'André Malraux. Dans le cas extrême où, malgré tout, un collaborateur asiatique décide de s'opposer à sa hiérarchie, c'est qu'il a déjà décidé de quitter l'entreprise.

Cette déférence, ou considération respectueuse, s'inspire directement des valeurs proposées par Confucius il y a 2500 ans. Ce respect de la hiérarchie peut parfois évoquer la relation élève - maître qui laisse peu de place à l'opposition. Dans la pratique cette déférence se traduit souvent par une allégeance aveugle à l'autorité, mais aussi par un manque d'initiative et un manque de créativité.

La déférence trouve sa source, entre autre, dans deux valeurs du confucianisme : la loyauté et l'importance du rite (ou protocole).

La loyauté des employés est un critère particulièrement important pour l'entreprise asiatique en échange de quoi cette dernière apporte une protection. Ceci entraîne que le recrutement s'oriente volontiers autour des employés déjà présents dans l'entreprise, dans le cercle familial ou parmi les proches, au risque d'ailleurs parfois de privilégier loyauté sur efficacité. Cette "loyauté due au prince" s'accompagne souvent d'une déférence totale.


Chacun doit donc se comporter selon son rang"


Le rite ou protocole codifie les relations humaines : le sujet défère au prince, le fils au père, la femme au mari, le jeune au plus âgé. A Hong Kong, en visitant une entreprise, il est de coutume de saluer d'abord le responsable principal avant de saluer les employés de rang inférieur. En Corée, il n'est pas rare qu'en posant une question à un jeune collaborateur, il se retourne spontanément vers un collègue plus âgé signifiant qu'il n'est pas "habilité" à répondre. Chacun doit donc se comporter selon son rang, et faire allégeance.

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Les évolutions actuelles en Asie permettent d'imaginer que des changements vont s'opérer dans cette représentation du lien hiérarchique pour trois raisons :

La présence de filiales étrangères en Asie favorise l'éclosion de nouvelles approches dans les modes de management. L'apport d'outils en ressources humaines d'inspiration anglo-saxonne - entretien annuel d'appréciation , 360°, management de projet - entraîne une nouvelle vision du lien hiérarchique même si cela ne se fait pas en un jour.

De nombreux jeunes asiatiques partent étudier à l'étranger et sont confrontés à des méthodes et des modes de management, souvent anglo-saxons, différents. On constate d'ailleurs un sens critique un peu plus aiguisé chez ces nouveaux collaborateurs de retour au pays.

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Enfin, des employés asiatiques (Chine, Vietnam) n'hésitent pas à quitter leur entreprise du jour au lendemain si l'offre de rémunération est plus généreuse ailleurs, mais aussi, si le "climat humain" est meilleur. Et si les entreprises asiatiques veulent conserver leurs équipes il leur faudra se pencher très sérieusement sur l'épanouissement humain du collaborateur en entreprise.

Parcours

Agé de 39 ans, Francis Lotzer est diplômé de l'ACI (Académie commerciale internationale, programme de la CCIP). Après avoir dirigé une société dans le secteur de la communication événementielle, il est spécialisé, depuis 13 ans dans la formation des cadres et des forces commerciales en France et en Asie.

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