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Pierre Lepetit (Ifri)
"L'Europe va pouvoir gagner en compétitivité"

Pour le directeur exécutif de l'Institut français des relations internationales, l'élargissement de l'Europe devrait permettre aux entreprises des Quinze de réorganiser leurs activités et de gagner en compétitivité. (juin 2004)

Directeur exécutif de l'Ifri, l'Institut français des relations internationales, Pierre Lepetit est un spécialiste de l'énergie, des changements climatiques et des questions européennes. Il a notamment fait partie de l'équipe de négociation du traité de Maastricht, de l'élargissement de l'UE à la Suède, l'Autriche et la Finlande, et de la Politique agricole commune (PAC) de l'UE. Entre 1995 et 1997, il a été conseiller spécial du ministre des Affaires étrangères Hervé de Charette pour les négociations institutionnelles européennes, en particulier pour le traité d'Amsterdam. Il revient sur les conséquences économiques de l'élargissement.

Quelle devraient être les principales conséquences économiques de l'élargissement de l'Europe ?
Pierre Lepetit. Sur le plan macro-économique, la taille des économies des nouveaux pays est faible par rapport à celles des Quinze. Le PIB par habitant des dix nouveaux membres n'atteint pas 40 % de la moyenne des anciens Etats membres. Mais l'élargissement, qui augmente la population totale de l'Union européenne de 20 %, donne naissance à un grand marché intégré et à un territoire sur lequel les entreprises peuvent répartir leurs activités. Elles vont pouvoir bénéficier d'économies d'échelle car les produits circuleront librement. Certes, les échanges commerciaux avec certains pays existent depuis une dizaine d'années. Ce qui va vraiment changer, c'est que tous les pays devront progressivement adopter les règles communautaires, notamment en matière de sécurité ou d'environnement. Ces normes seront-elles mises en œuvre rapidement ? Seront-elles appliquées dans les pays ? Ce sont les grands enjeux de l'élargissement. Si l'intégration s'opère plus lentement que prévu, par exemple si l'on maintient l'aide public, cela risque de provoquer des distorsions de concurrence.

Avec l'élargissement, peut-on s'attendre à davantage de délocalisations parmi les entreprises issues des Quinze ?
Il ne faut pas s'attendre à un mouvement massif d'industries vers les nouveaux pays. La filière de production devrait cependant se réorganiser en partie, en fonction des meilleures opportunités dans la chaîne de valeur, comme cela s'est produit entre les Etats-Unis, le Mexique et l'Asie. Localement, cela peut conduire à des fermetures, ce qui pose la question de l'ajustement. Comment allons-nous gérer ce changement ? Ce mouvement de réorganisation de la chaîne de production aurait de toute façon eu lieu, compte tenu de la pression exercée par d'autres pays déjà fortement engagés dans cette voie. Mais globalement, l'élargissement offre à l'Europe la chance de gagner en compétitivité, et de renouer avec la croissance.


Repenser nos accords avec la Turquie et la Russie"

Prévoyez-vous d'importants mouvements de population suite à l'ouverture des frontières ?
Tous les élargissements ont montré que le contraire se produisait : les mouvements de population ont diminué ou se sont stabilisés. Les migrations résultent d'une forte différence de niveau de vie entre les pays. Cette différence est amenée à se résorber en Europe. Aujourd'hui, la croissance économique des nouveaux pays atteint trois à quatre fois celle de la France. Certains prétendent que les travailleurs des nouveaux pays pourraient s'intéresser à nos avantages sociaux. Mais des travailleurs ne quittent leur pays que s'ils n'ont aucune autre possibilité. Par ailleurs, les migrations seront contrôlées pendant une période de transition.

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D'un point de vue économique, jusqu'où faut-il poursuivre l'élargissement ?
Je ne sais pas s'il existe une taille optimale pour un marché européen. Mais d'un point de vue économique, moins il y a de barrières, plus la croissance est forte. C'est ce que nous avons constaté ces cinquante dernières années. L'Europe a signé des accords particuliers avec la Turquie et la Russie. Il faut maintenant repenser tous ces accords pour mieux utiliser l'opportunité de leur démographie. L'Europe vieillit, ce qui implique une baisse de la quantité de travail fournie. Aujourd'hui, on investit dans des pays du bassin méditerranéen pour éviter les flux de population. Mais il faudra repenser cette logique et chercher au contraire à profiter de leur proximité.

Parcours

Pierre Lepetit est directeur exécutif de l'Ifri, qu'il a rejoint en septembre 2001. Directeur du programme sur le changement climatique et l'énergie au Centre français sur les Etats-Unis (CFE) à partir de septembre 2001, Pierre Lepetit a été, de 1997 à 2001, consul général de France à Houston et conseiller Energie et environnement auprès de l'ambassade de France. Il a fait partie de l'équipe de négociation du traité de Maastricht. Secrétaire général adjoint aux affaires européennes auprès du premier ministre entre 1992 et 1995, il a participé aux négociations de l'Uruguay round, de l'élargissement de l'UE à la Suède, l'Autriche et la Finlande, et de la Politique agricole commune (PAC) de l'UE. Entre 1995 et 1997, il a été conseiller spécial du ministre des Affaires étrangères pour les négociations institutionelles européennes (traité d'Amsterdam). Pierre Lepetit a rejoint l'Inspection des finances en 1987. Il est diplômé en Economie de l'université d'Amiens et en Administration publique de l'université de Lille.


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