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C'était en juillet 2003. Mikhaïl Khodorkovski
était l'un des invités de marque du forum
de la Sun Valley. Chaque année, cet événement
organisé aux Etats-Unis, dans l'Idaho, regroupe
les patrons les plus célèbres, les plus
riches : Bill Gates, Warren Buffet, Jeff Bezos...
Symbole suprême, Mikhaïl Khodorkovski est le premier
Russe de l'histoire à participer à ce
forum.
Agé
de 40 ans, à la tête du groupe pétrolier
Ioukos depuis 1997, Mikhaïl Khodorkovski est devenu
le patron emblématique de la Russie libérale,
l'homme que l'on courtise. Son entreprise affiche une
capitalisation de 26 milliars de dollars. Sa fortune
personnelle est estimée à 15 milliards.
Ioukos a même eu l'honneur de figurer en tête
du classement du magazine Fortune des 500 entreprises
mondiales affichant le meilleur retour sur investissement.
Trois mois après le forum de la Sun Valley,
en octobre 2003, le PDG de Ioukos est arrêté
sur l'aéroport de Novossibirsk, en Sibérie, dans son
jet privé. Une arrestation musclée, réalisée
par les forces spéciales du FSB, le Service de
sécurité fédérale. Mikhaïl Khodorkovski est notamment
accusé d'évasion fiscale, d'escroquerie à grande
échelle, et de dilapidation de biens d'autrui.
Pour bon nombre d'observateurs, cette arrestation est
une conséquence directe du jeu politique russe.
Le président Vladimir Poutine ne cache pas son
opposition aux oligarques qui ont amassé des
fortunes colossales en rachetant, à bas prix,
les entreprises d'Etat après l'effondrement de
l'Union soviétique. Des entreprises que ces mêmes
oligarques cherchent aujourd'hui à monétiser,
avec le soutien de partenaires étrangers.
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 Si
l'ancien Mikhaïl rencontrait le nouveau Mikhaïl,
il le tuerait" |
En 1995, Mikhaïl Khodorkovski et ses associés,
soutenus par Boris Eltsine, ont racheté le groupe
d'Etat Ioukos pour 350 millions de dollars, une bouchée
de pain. En huit ans, la valeur de l'entreprise sera
multipliée par 75. Devenu le quatrième
groupe pétrolier au monde, Ioukos ouvrira en
2003 des négociations avec les Américains ExxonMobil
et ChevronTexaco afin de les accueillir dans son capital.
Fortune rapide, ouverture vers les marchés occidentaux,
soutien de la politique étrangère de Washington
(l'homme côtoie des proches du président
George W. Bush), ambitions politiques personnelles (le
PDG a ses entrées à la Douma, le parlement
russe) : autant d'éléments qui font
de Mikhaïl Khodorkovski un ennemi du Kremlin.
Mais au-delà de cette guerre d'influence, la
réussite, puis la mise à l'index, du PDG
de Youkos traduisent le parcours économique de
la Russie. "Les nouvelles fortunes russes montrent
bien ce qu'est l'état actuel du pays, estime
Konstantin Korotov, doctorant à l'Insead et auteur
d'une étude de cas sur Mikhaïl Khodorkovski.
La Russie ressemble a un aigle a deux têtes :
une tête est tournée en avant, vers l'économie
de marché et la culture libérale. L'autre
tête reste embrumée par le totalitarisme,
et une gestion complète du pays par l'Etat."
Mikhaïl Khodorkovski est, d'une certaine manière,
imprégné de cette culture. Jeune ingénieur chimiste,
et membre actif du Komsomol (la Ligue de la jeunesse
communiste), il construira les bases de sa fortune à
partir du milieu des années 80, en profitant
des failles d'une économie qui vacille. L'homme
s'essayera à l'import-export de matériel
informatique puis à la production de vêtements
et de Cognac contrefaits. En 1988, avec l'appui de son
réseau politique, il crée Menatep, une
banque d'affaires. Sept ans plus tard, alors que l'Union
soviétique s'écroule, Menatep lui permettra
de racheter Ioukos.
A la tête du groupe pétrolier, Mikhaïl
Khodorkovski va adopter, au fil des années, un
tout autre comportement. Le nouveau PDG devient conscient
que Ioukos ne peut s'imposer sur la scène internationale
et séduire les marchés qu'en jouant la
carte de la clarté financière, qu'en se
plaçant en rupture avec la gestion passée.
L'ancien membre du Komsomol se fait alors l'apôtre
de la transparence. "Si l'ancien Mikhaïl rencontrait
le nouveau Mikhaïl, il le tuerait", aime à
dire le jeune PDG.
Une phrase que Mikhaïl Khodorkovski va encore méditer
plusieurs semaines en prison. Initialement, sa période
de détention devait prendre fin le 25 mars dernier.
Un tribunal de Moscou a prolongé cette période
jusqu'au 25 mai prochain, pour permettre aux autorités
de boucler l'enquête financière.
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