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(février 2004).
 

N'est pas "euro-manager" qui veut
Par Jean-Pierre Scandella, directeur-associé, Humblot-Grant Alexander

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  Humblot-Grant Alexander

A la veille de l'élargissement des Quinze et au moment où les questions d'ordre social et politique semblent se poser avec plus d'intensité dans l'espace européen, l'Europe économique est une réalité que vivent beaucoup d'acteurs au quotidien et dans tous les secteurs d'activité.

Le contexte économique est évidemment global. Les managers internationaux interviennent non seulement en Europe, mais la plupart du temps dans un contexte où le poids des Etats-Unis et le développement de l'économie asiatique ont des influences sur leur action. Les managers intervenant en Europe ont donc un rôle qui dépasse souvent le cadre de l'espace européen. Qui sont les euro-managers ? Quelles sont leurs contraintes, leurs profils ? Quel avenir pour eux ?

Acteurs de l'économie et du développement européens, les euro-managers sont les managers directement impliqués dans les échanges en Europe. Il en existe deux catégories. Les premiers pilotent ou contrôlent les échanges commerciaux et négocient les contrats à l'échelle européenne : directeurs commerciaux, directeurs des opérations, directeurs des ventes en Europe et bien souvent dirigeants de PME chargés du développement de leur société. Tous ces cadres forment les acteurs économiques confrontés à la complexité européenne et aux diversités culturelles de chaque pays constitutif de l'Europe.

La seconde catégorie impliquée dans les flux européens représente les responsables des systèmes d'information et les directeurs administratifs contrôlant les opérations dans un espace européen piloté à l'aide d'outils de gestion de plus en plus intégrés (CIO, directeur des systèmes d'information Europe, directeur financier Europe, contrôleur de gestion Europe). Ces managers interviennent le plus souvent dans les sièges européens et ont rationalisé leurs services, partagés par les managers des filiales de leur groupe.


L'euro-manager doit constamment faire le tour de ses équipes"


L'ensemble de ces cadres de haut niveau est confronté à des contraintes semblables. Ils doivent avant tout gérer la complexité à leur niveau d'intervention comme d'autres managers locaux. Mais en ce qui les concerne, cette complexité est amplifiée pour au moins deux raisons objectives : l'étendue de leur périmètre géographique et la spécificité culturelle de chaque pays.

Le périmètre et le nombre de pays à gérer rendent en effet les enjeux complexes. La problématique de l'éloignement géographique renforce en outre cette contrainte. L'euro-manager doit constamment faire le tour de ses équipes et de ses relais pays par pays. Le management à distance est un art qui implique toujours une certaine proximité. C'est le cas le plus évident pour le directeur des opérations chez un éditeur de logiciels qui coordonne ses patrons de filiales.

Ces cas sont fréquents dans les sociétés high-tech, et plus généralement pour les sociétés qui possèdent des circuits de ventes directes ou mixtes. La complexité géographique impliquant une problématique de gestion à distance semble assez évidente et des techniques de management prétendent traiter le sujet. L'euro-manager peut donc suivre des formations en management qui peuvent l'aider à réussir à mieux contrôler ses équipes.

La complexité culturelle renforce également la problématique de l'euro-manager, et elle est beaucoup plus difficile à gérer. L'Europe représente un ensemble de cultures avec des spécificités qui se retrouvent dans les hommes, les pratiques, les législations, c'est-à-dire à tous les niveaux. Cette richesse culturelle bien orchestrée peut donner d'excellents résultats et une grande réussite, mais elle s'oppose aux vues simples et au style de management uniforme.


La diversité culturelle de l'Europe est ressentie de plus en plus fortement"


Les euro-managers, même quand ils sont passés par des écoles de management et des entreprises américaines, constatent vite les spécificités des pays et la nécessité d'une approche au cas par cas. Ils n'en oublient pas pour autant des objectifs communs aux pays et la contrainte de trouver un modèle de développement représentant dans la somme de ces spécificités l'identité européenne de son entreprise. Il n'y a d'ailleurs pas de contradiction avec la gestion des opérations Outre-atlantique, seulement des différences bien identifiées et bien orchestrées.

Or la diversité culturelle de l'Europe est ressentie de plus en plus fortement dans l'espace économique européen. En effet, nul ne doute des différences entre le Nord et le Sud. La question du management d'anglo-saxons pour un euro-manager d'origine du Sud de l'Europe peut se poser. Elle est par exemple souvent abordée par des dirigeants qui recherchent un directeur du développement européen.

Le potentiel de développement représenté par les pays de l'Est va nécessiter l'intervention de pilotes européens particulièrement ouverts et expérimentés pour appréhender l'ensemble de ces différences et les mettre en musique dans un ensemble cohérent. Cette problématique culturelle est semblable pour les euro-managers qui construisent des réseaux ou systèmes d'information sur les mêmes périmètres géographiques.


Il s'agit de cadres dont la culture est souvent double ou multiple"


Le pilotage d'un call-center localisé en République Tchèque pour une société européenne est ainsi un exercice plein de saveur pour un DSI Europe. Les profils locaux sont différents, les fournisseurs et les législations également. La mise en place d'un logiciel de gestion intégré (ERP) dans une vingtaine de sites industriels à travers l'Europe est un autre exemple de challenge dans l'industrie automobile pour un CIO basé à Paris. Plusieurs grands groupes industriels connaissent bien ces défis et manquent de ressources expérimentées sur ces questions.

Gérer la complexité, rationaliser sans tomber dans la simplicité abusive implique l'intervention d'euro-managers à forte valeur ajoutée. Il s'agit de cadres dont la culture est souvent double ou multiple et qui ont connu très tôt des pays différents de leur pays d'origine. Certaines écoles de commerce font à ce sujet un très bon travail préparatoire en favorisant de réels échanges de longue durée dans d'autres pays. Des qualités humaines d'écoute et des aptitudes à communiquer favorisent la réussite de projets intégrés en Europe.

Dossier

Sans dresser un portrait type de l'euro-manager, on peut noter qu'il s'agit le plus souvent d'un cadre confirmé qui a eu la possibilité d'intégrer au moins deux cultures dans son parcours. Cette expérience lui a donné une capacité à comprendre plus vite les différences et les intégrer dans son mode de gestion. Ces cadres représentent des ressources expérimentées plutôt rares et qui risquent de se raréfier encore. En effet, beaucoup de projets européens avaient été mis en suspens pendant ces trois dernières années. Avec une conjoncture plus favorable, ils risquent de se multiplier avec un effet de rattrapage. Les euro-managers risquent d'être très sollicités et très accaparés dans les années à venir. Ils ont très certainement de beaux jours devant eux.

PARCOURS
Jean-Pierre Scandella participe à la direction du cabinet de recrutement d'Humblot-Grant Alexander. Il y anime le département département High Tech. Diplômé de l'Institut d'études politiques de Bordeaux (section économique et financière), il a commencé son parcours en tant qu'opérationnel chez Sybel Informatique, éditeur de logiciels, avant de rejoindre une SSII financière en tant qu'Ingénieur d'affaires. De 1996 à 2000, il a participé au développement d'un important cabinet de recrutement international et a recruté des cadres confirmés et des dirigeants pour des professionnels du domaine des technologies de l'information (éditeurs, constructeurs, opérateurs) et des sociétés utilisatrices en Europe. Il a rejoint Humblot-Grant Alexander début 2001.
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Rédaction, Le Journal du Management
   
 
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