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(janvier 2004).
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Vers le tract syndical électronique
Par Gérard Haas, Avocat à la Cour
(Cabinet Gérard Haas Avocats)


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L'article 10 du projet de loi Fillon ajoute un nouvel alinéa à l'article L.412-8 du Code du travail prévoyant la possibilité de diffuser des tracts de nature syndicale par la voie de la messagerie électronique de l'entreprise. Il émet toutefois une réserve : la diffusion doit être compatible avec les exigences de bon fonctionnement du réseau informatique de l'entreprise et ne pas entraver l'accomplissement du travail. Le projet de loi précise, par ailleurs, que les modalités de ce mode de diffusion font l'objet d'un accord d'entreprise ou d'établissement.

La reconnaissance légale des tracts électroniques
Le 31 mars 1998, la Cour de cassation a défini le tract comme "un document remis sous enveloppe qui concerne les conditions de travail et contient une invitation à une réunion syndicale". On pouvait être tenté d'en déduire qu'il ne peut être établi que sur support papier. C'est faux : l'article L.412-8 du Code du travail n'exclut pas l'hypothèse des tracts syndicaux électroniques et les juges ont déjà admis la possibilité d'utiliser la messagerie électronique pour la diffusion de publications syndicales.

Le TGI de Paris a ainsi reconnu, le 17 novembre 1997, que "la création d'un site externe à l'entreprise sur l'Internet librement accessible aux salariés de l'entreprise et la diffusion sur un tel site de messages contenant l'expression des revendications syndicales ne peuvent être considérées comme étant illicites, de telles pratiques n'apparaissent pas porter un trouble à l'exécution normale du travail ou à la marche de l'entreprise".

Le passage obligé de l'accord d'entreprise
L'obligation de prévoir ce mode de diffusion dans le cadre d'un accord d'entreprise ou d'établissement ne fait aussi qu'entériner la pratique : La Poste ou Renault et d'autres entreprises ont ainsi déjà conclu des accords sur le droit syndical et la diffusion de tracts électroniques, souvent à titre expérimental pour une durée déterminée (entre 6 et 18 mois).

L'intranet ayant vocation à être un instrument strictement professionnel, aucune disposition ne contraint, en effet, l'employeur à accorder aux organisations syndicales l'accès au réseau. L'accord permettra, en outre, de trouver des solutions aux problématiques encore en suspens. L'article L.412-8 du Code du travail prévoit ainsi que les publications de tracts de nature syndicale doivent être diffusées aux travailleurs de l'entreprise dans l'enceinte de celle-ci, aux heures d'entrée et de sortie du travail.

Or, est-on encore dans l'entreprise quand on envoie un tract par Internet ? Et comment contrôler que l'envoi a lieu aux heures d'entrée et de sortie du travail ? Par ailleurs, reste à régler la question du contrôle de l'employeur sur les tracts électroniques. L'arrêt Nikon rendu par la Cour de cassation, le 2 octobre 2001, semble donner une réponse affirmative, interdisant à l'employeur de prendre connaissance des messages intitulés "Personnels". Les tracts syndicaux, déniés de tout caractère privé, pourraient donc être contrôlés.

Enfin, se pose la question de la représentativité syndicale, la Cour d'appel de Colmar ayant jugé, le 15 novembre 2001, que "le caractère licite ou illicite de l'utilisation du réseau intranet de l'entreprise pour la diffusion de tracts syndicaux est subordonné à la question de la représentativité du syndicat en cause".

Vers un dialogue social électronique
Le dialogue social peut se définir comme celui visant à contractualiser entre ceux qui sont associés dans une relation de travail, à des niveaux différents (interprofessionnels, branches ou entreprises), les conditions d'exercice de cette relation. Le rôle des partenaires sociaux est ici primordial. Le projet de loi vise d'ailleurs à renforcer la légitimité des accords collectifs, donc des syndicats chargés de les négocier : l'article 10 précité est bien intégré dans la section IV intitulée "Du renforcement des moyens du dialogue social".

Le dialogue social électronique pourrait dés lors recouvrir la négociation collective entre employeur et partenaires sociaux par voie électronique. Il peut aussi, plus largement, concerner le dialogue entre les salariés, leurs élus, la direction, voire l'environnement sociétal de l'entreprise. Toutefois, il pose encore des difficultés au regard de la pratique actuelle en droit du travail et provoque des bouleversements dans l'entreprise, notamment sur la question de la signature électronique des accords collectifs ou de la confiance qui doit garantir la qualité des échanges.

A lire également

L'article L.132-2 du Code du travail dispose en effet que la convention ou l'accord collectif de travail est un acte écrit conclu entre une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives au plan national, et une ou plusieurs organisations syndicales d'employeurs. La Cour de cassation, le 8 janvier 2002, ajoute que l'accord collectif doit comporter la signature des parties pour être valable. Le dialogue social électronique implique alors une signature électronique, admise par la loi du 13 mars 2000.

Autre risque à gérer : le tract électronique permet d'informer vite les salariés mais génère une traçabilité des échanges. La direction de l'entreprise doit ainsi s'engager à respecter une certaine confidentialité des messages envoyés par les salariés en réponse aux tracts électroniques. En tout état de cause, l'usage abusif de l'outil électronique doit être sanctionné, peu importe son auteur, y compris les syndicats.

ghaas@haas-avocats.com

 

Rédaction, Le Journal du Management
   
 
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